Émission 239

Le mardi 18 février 2003

 

Facture salée pour une première fausse alarme d'incendie

Les fausses alarmes d'incendie, ça coûte cher. Par exemple, en 2001 à Montréal, le Service des incendies a reçu plus de 5700 appels provenant de centraux d'alarme, dont près de la moitié étaient sans fondement. Mais, qu'un appel soit fondé ou pas, il exige le déplacement de 11 à 27 pompiers, selon le cas. Chaque appel engendre donc des frais.

Il serait impensable, pour un citoyen d'une ville comme Montréal ou Québec, de recevoir une facture pour une fausse alarme d'incendie. Mais à Saint-Gérard-Majella, la facture semble aussi rapide que les pompiers.

 

La Régie des incendies de Pierreville-Saint-François-du-Lac, dans la région de Sorel-Tracy, dessert cinq municipalités. Les pompiers répondent en moyenne à une cinquantaine d'appels par année.

Un résident de Saint-Gérard-Majella, une municipalité desservie par la Régie, a été victime de deux vols. Un premier dans sa grange, en avril 2001, et un autre dans sa maison un an plus tard. Il se fait donc installer un système d'alarme contre le feu et le vol, relié à un central. Tout se déroule normalement chez ce citoyen, jusqu'à la première fausse alarme, en juin 2002.

« C'était la première fois que ça arrivait. Alors, tout énervé, j'ai fait les codes pour arrêter le système. »

La municipalité lui envoie une facture de 454,86 $.

« Je considère comme inadmissible le fait que, à une première alarme, on envoie une facture aussi élevée. »

Le directeur de la Régie des incendies, Richard Desmarais, explique : « On a procédé de la façon habituelle. Quand on reçoit l'appel, on se déplace. Ce soir-là, l'appel a été annulé. Donc, mes pompiers sont revenus ici. […] J'ai envoyé une facture à la municipalité, comme on le fait pour toutes les interventions. Normalement, la municipalité paye la facture, sauf que dans le cas de Saint-Gérard, elle semble vouloir refiler la facture au citoyen. »

Dans ce coin de pays, les pompiers travaillent à temps partiel. Ils quittent leur boulot régulier pour combattre les incendies. Quant à la facture, la Régie des incendies l'envoie à la municipalité d'où provient l'appel. Que cet appel soit fondé ou non, la municipalité rembourse la Régie.

Le maire de Saint-Gérard-Majella, Raymond Mondou, explique à La Facture :
« Quand il y a feu, les pompiers partent, ils nous envoient les comptes, les heures sont toutes inscrites, de tel pompier et tel pompier. On a toujours payé.
-
Donc, ce n'est pas des chiffres en l'air qu'on vous envoie ?
- Non, je ne pense pas.
- Ou des chiffres gonflés, une facture gonflée ou quoi que ce soit ?
- La facture gonflée, pour deux heures de salaire sans se déplacer, c'est fort un petit peu.
- C'est ça qui vous chicote ?
- Oui. »

Une facture de 454,86 $ a été émise. Les pompiers se sont rendus à la caserne, mais ils n'ont même pas sorti les camions parce que le citoyen est intervenu rapidement.

À 16:38:04, le système s'est mis en marche.

« Donc à 16:39:02, les employés du central ont essayé de nous appeler pour voir ce qui se passait. La ligne était occupée. À 16:39:06, ils ont réessayé. À 16:39:15, encore une fois, et à 16:39:34, la ligne était toujours occupée. […] J'étais au téléphone, tout énervé, j'essayais de les appeler, ils essayaient, eux aussi, de m'appeler... Après leur troisième appel, quand ils ont vu qu'ils ne réussissaient pas à me joindre, à 16:39:54, ils ont appelé les pompiers. »

À 16:42:36, le citoyen rejoint enfin le central et demande que les pompiers n'interviennent pas. À 16:43:07, l'annulation est confirmée. Il faut compter trois minutes treize secondes du premier appel jusqu'à l'annulation de l'opération. La Régie des pompiers justifie le montant facturé en raison du nombre de pompiers qui se déplacent pour un appel. Le pompier volontaire doit quitter son travail pour aller combattre un feu.

 

Absence de règlement municipal

Selon la conjointe du citoyen, la position du conseil de Saint-Gérard-Majella n'a rien de légale. Il n'y a tout simplement pas de règlement municipal à ce sujet. « On a envoyé une lettre à la municipalité comme quoi on refusait de payer, puisqu'il n'y a pas de règlement. »

Le maire Raymond Mondou admet à La Facture qu'il faut normalement un règlement pour envoyer une facture à un contribuable. Mais ce n'est pas la première fois que la municipalité n'en tient pas compte.

Il y a eu un précédent en 1994. Une fausse alarme est déclenchée au dépanneur du village. La ville refuse de payer la facture et c'est le propriétaire qui l'acquitte. Selon le secrétaire-trésorier de Saint-Gérard-Majella, François Léveillé, les conseillers municipaux semblent avoir agi de bonne foi à l'époque, même s'ils auraient dû voter un règlement, comme le prévoit le code municipal.

François Léveillé : « C'était peut-être une erreur à l'époque, mais ils ne le savaient pas. »

Il est difficile de comprendre pourquoi le maire répète la même erreur aujourd'hui.

Le directeur de la Régie des incendies, Richard Desmarais : « Personnellement, si je recevais une facture chez nous et qu'il n'y avait pas de règlement municipal, je ne paierais pas. »

 

Les membres de la Régie des incendies de Pierreville-Saint-François-du-Lac prennent connaissance cette semaine, le 19 février, d'une proposition de règlement sur les fausses alarmes. Un règlement qui pourrait imposer une amende lors d'une deuxième ou troisième fausse alarme.

En toute légalité, on ne peut imposer des amendes s'il n'y a pas de règlement. C'est ce qui encourage ce citoyen de Saint-Gérard-Majella à refuser de payer son amende.




 

 

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