Émission 238

Le mardi 11 février 2003


Une lutte contre le cancer et contre son assureur

En septembre 2001, La Facture vous racontait l'histoire d'une femme de 24 ans qui, atteinte d'un cancer, devait en plus se battre contre son assureur qui refusait de lui verser les sommes auxquelles lui donnait droit son assurance invalidité. Il semble que la tendance se maintienne du côté du même assureur. Une autre femme, elle aussi atteinte du cancer, doit affronter cette compagnie dans des circonstances analogues. Avant de vous raconter son histoire, vous pouvez consulter le reportage de La Facture de septembre 2001 pour revoir le fil des événements.

Émission 195, le mardi 18 septembre 2001

Le mot-clé de cet affrontement entre la compagnie d'assurance et la jeune femme du reportage de 2001 était : « maladie préexistante ». Il semble que ce soit l'argument qu'invoque la compagnie d'assurance pour refuser de payer. L'histoire de cette semaine est celle d'une femme de 28 ans atteinte d'un cancer du sein. Et elle aussi se voit disqualifiée à cause d'une maladie préexistante. Mais, comme l'autre jeune femme, elle a décidé de se battre.

 

« L'impact physique est difficile pour moi parce que j'ai 28 ans, que j'avais deux beaux seins... Puis, du jour au lendemain, on m'en a coupé un au complet, plus tous les ganglions : 14 ganglions, tous cancéreux. »

Selon cette femme, malgré cette opération et les nombreux médicaments qu'elle doit prendre, le plus difficile à endurer a été la chimiothérapie. Elle a subi pendant cinq mois des traitements très agressifs. C'est à cette période également qu'elle reçoit une réponse de sa compagnie d'assurance. On refuse de lui verser ses prestations d'invalidité de longue durée. Une décision qui représente un manque à gagner de 1750 $ par mois.

« J'ai dit : "Qu'est-ce qui se passe ?" Je ne veux pas tout perdre parce que je suis malade. Cette décision m'a rendue très stressée. »

La jeune femme doit donc emprunter. Heureusement, elle peut compter sur le soutien de son mari et de sa mère. Son mari est maintenant seul à travailler et l'hypothèque est difficile à payer.

Pourtant, en février 2002, tout allait bien. La jeune femme venait de commencer un nouveau travail d'assistante administrative dans une entreprise de conception de logiciels. Elle souscrivait à une assurance collective d'invalidité de longue durée. Cette assurance entrait en vigueur trois mois plus tard, soit le 18 mai 2002.

« L'assureur me reproche d'être allée voir un médecin avant le 18 mai. »

Quelques jours avant l'entrée en vigueur de son assurance, une douleur et une bosse au sein la préoccupent. Elle se présente à l'hôpital le 9 mai. On lui prescrit des anti-inflammatoires et on lui suggère de passer une échographie, ce qu'elle fait le 14 mai.

« Ils ont fait l'échographie, j'ai eu les résultats sur papier comme quoi il n'y avait pas d'abcès, c'était une inflammation des tissus mammaires. »

 

Interprétation du diagnostic

La jeune femme souffre donc d'une mastite, selon ses médecins. Ils ne soupçonnent absolument pas la présence d'un cancer. Et pourtant, la compagnie d'assurance considère que les médecins soignent déjà le cancer de cette femme. Selon la jeune femme, cette interprétation ne tient pas. Elle précise, par ailleurs, qu'elle a continué à travailler et que l'assureur ne lui a pas donné de prestations pendant ce temps-là. La jeune femme continue à travailler, mais sa douleur au sein persiste et sa bosse grossit. Entre le 14 mai et le 20 juin, on lui fait passer une mammographie et deux biopsies. Ces tests ne révèlent toujours pas la présence d'un cancer.

Le Dr Pierre Audet-Lapointe a été gynécologue-oncologue pendant 30 ans et il est président-fondateur de la Fondation québécoise du cancer. « Le cancer du sein, habituellement, se présente sous une tout autre forme. […] On a affaire à quelqu'un qui a 28 ans, donc elle est jeune. Elle présente une lésion qui n'est pas facile à identifier au point de vue clinique. C'est au niveau du sein droit, puis c'est une lésion qui est douloureuse. »

Le 20 juin, la jeune femme est opérée pour lui enlever ce qu'on croit être une fibrose et c'est là qu'on découvre son cancer. « C'était normalement une journée ambulatoire, c'est-à-dire que je devais entrer le matin, sortir le soir, [me faire] enlever cette fibrose et ressortir. C'est la preuve que même ma chirurgienne ne savait pas, jusqu'à ce moment-là, qu'il y avait un cancer. »

L'assureur maintient sa version

Dans sa lettre de refus, la compagnie d'assurance explique qu'elle ne verse aucune prestation pour une maladie « pour laquelle vous avez reçu des soins médicaux avant de devenir assurée », ce qu'elle appelle une maladie préexistante.

 

Peut-on dire que la jeune femme a reçu des soins pour son cancer avant qu'il soit diagnostiqué ?

« On ne peut pas avoir été traité le 9 mai pour un cancer alors qu'ils ne connaissaient pas le diagnostic. C'était un diagnostic provisoire de mastite. Elle a été traitée pour son cancer seulement à partir du 20 juin. » Selon le Dr Audet-Lapointe, les prétentions de l'assureur ne tiennent pas au plan médical.

Les tribunaux aussi ont déjà jugé qu'une maladie ne peut pas être soignée avant d'avoir été diagnostiquée. Le cas de cette femme est donc clair pour l'avocat Jean-Pierre Fafard. « On ne lui a pas donné des soins pour la maladie qui l'a rendue invalide. On lui a donné des médicaments pour traiter une inflammation des glandes mammaires. Donc, on ne connaissait rien de la maladie qui l'a rendue invalidante postérieurement : le cancer. »

Revirement de situation

La jeune femme est convaincue qu'elle a droit à ses prestations. Dans la lettre de refus qu'elle a reçue de la compagnie d'assurance, on lui mentionne clairement qu'elle peut en appeler de la décision. Elle porte donc la décision en appel. Dans le reportage que La Facture avait présenté il y a deux ans, l'assureur n'avait jamais informé la malade de son droit d'appel. La compagnie d'assurance avait considéré l'intervention de La Facture comme une demande d'appel de la part de la malade. L'intervention de La Facture avait tout changé : la compagnie avait alors décidé d'indemniser la jeune femme.

Même si le cas de la femme de 28 ans est similaire à celui de la femme de 24 ans, cette fois-ci, en appel, la compagnie d'assurance maintient son refus. Pour justifier ce deuxième refus, l'assureur répète que la jeune femme avait déjà reçu des soins quelques jours avant la prise d'effet de son assurance, c'est-à-dire avant le 18 mai. Dans son cas, on ne considère aucune circonstance atténuante. La jeune femme de 28 ans contacte à son tour La Facture.


« Quand on se bat pour sa vie, on n'a plus peur de rien du tout. »


La Facture contacte la compagnie d'assurance. Quelques jours plus tard, la jeune femme de 28 ans reçoit une nouvelle lettre. Encore une fois, revirement de situation : la compagnie d'assurance lui accorde finalement ses prestations. Mais même si elle accepte d'indemniser la jeune femme, la compagnie maintient qu'elle n'y avait pas droit. La compagnie d'assurance refuse d'accorder à La Facture une entrevue à la caméra.

L'assureur précise au téléphone : « Là, ils ont conclu que la disposition contractuelle pour la maladie préexistante s'appliquait. Mais ils ont fait une exception parce qu'il manquait juste quelques jours et ils ont décidé de l'exempter pour cette clause. »

La jeune femme peut enfin commencer ses traitements de radiothérapie avec moins de stress.

« On aurait pu se passer de tout ça, et j'aurai pu me concentrer plus pour essayer de rester en vie à la place de me battre contre les assurances. »

 

La compagnie d'assurance affirme que c'est la veille de l'appel de La Facture qu'elle a décidé d'indemniser la jeune femme. Or, la lettre de la compagnie est datée de la journée même où La Facture a contacté l'assureur.

Quoi qu'il en soit, ces jeunes femmes font la preuve qu'il faut accepter de se battre et refuser de baisser les bras face aux assureurs, et ce même si on doit lutter en même temps contre la maladie.


Hyperliens pertinents :

Fondation québécoise du cancer
1-800-363-0063

 


 


 

 

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