Émission 238

Le mardi 11 février 2003

 

Lendemain de faillite kafkaïen pour un ex-employé

Vous travaillez pour une entreprise et, dans le cadre de vos fonctions, vous signez des documents au nom de votre employeur. Saviez-vous que votre signature peut vous amener devant les tribunaux ? Trois différents téléspectateurs de La Facture, qui n'ont aucun lien entre eux, ont été poursuivis par l'un ou l'autre des fournisseurs de leur employeur. Même si les poursuites étaient sans fondement, ils ont dû se défendre. Voici l'histoire d'un de ceux-ci.

 

« Moi, j'appelle ça une tentative d'extorsion, je ne sais pas si le mot est trop fort, mais dans ma tête à moi, c'est une tentative d'extorsion, c'est de l'intimidation. »

Depuis la faillite de son ancien employeur, Yvon Jodoin Sports de Napierville, un vendeur est, malgré lui, au cœur d'un étonnant litige judiciaire.

« J'étais vendeur de véhicules tout-terrains, quatre roues et motos. »

Une semaine avant la faillite du commerce, un client se présente pour acheter un véhicule tout-terrain. Mais le modèle recherché n'est pas en magasin.

L'ancien employeur trouve le modèle chez un concessionnaire de Saint-Isidore. Il envoie son vendeur chercher le véhicule. L'employé a signé la facture faite au nom d'Yvon Jodoin Sports, confirmant qu'il a reçu le VTT. Le numéro de série du véhicule a été vérifié et il a été ramené au garage. Une fois rendu, le VTT est remis au client qui l'avait commandé. Yvon Jodoin Sports doit ensuite rembourser le concessionnaire de Saint-Isidore. Toutefois, Yvon Jodoin Sports fait faillite une semaine plus tard. Le concessionnaire de Saint-Isidore ne sera jamais remboursé.

 

On lui demande de payer le VTT

À la suite de la faillite, le syndic a pris le contrôle de Yvon Jodoin Sports et aucun chèque n'a été émis. Cette faillite a un goût amer pour l'employé qui a vendu le VTT. Un an après la faillite, il est poursuivi par l'entreprise de Saint-Isidore, qui lui réclame le prix du VTT, soit 7590 $.

« Un huissier m'a informé que j'avais 10 jours pour comparaître, sinon je devais payer le véhicule. »

L'ex-employé se demande bien pourquoi lui, l'employé, est poursuivi et non son employeur. Vu la situation, l'ex-employé a appelé le concessionnaire de Saint-Isidore pour parler à un des propriétaires, qui lui a recommandé de parler avec son avocat.

 

« Il m'a dit : " T'as signé pour le véhicule, c'est à toi de payer pour le véhicule et tu vas payer." »

 

L'avocat, maître Michel Vinet, n'a jamais retourné l'appel de La Facture, qui aurait aimé connaître le fondement juridique sur lequel repose la poursuite. Entre-temps, l'ex-employé doit se défendre.

« Je trouve ça immoral, ce n'est pas à un employé de payer pour les dettes d'une compagnie. »

La Facture a soumis le cas à l'avocat Pierre Fournier, spécialisé en droit civil. Selon Maître Fournier, il est clair que cette poursuite est vouée à l'échec. « L'employé est allé chercher le véhicule non pas pour lui-même. Il est allé le chercher pour son employeur, il agissait à titre de mandataire. Il n'y a pas de responsabilité personnelle du mandataire. »

Même si la poursuite semble non fondée, l'ex-employé a dû payer jusqu'à maintenant 650 $ en frais d'avocat pour se défendre, une somme importante pour lui qui a perdu son emploi. « Ça fait deux semaines que je dors là-dessus. Cette histoire n'a ni queue ni tête. C'est comme le taxage dans les écoles. »

Selon l'avocat Pierre Fournier, l'ex-employé a un recours : « Si le tribunal déclare la poursuite frivole, le recours en dommage-intérêt existe. Pas contre l'avocat, mais contre le client de l'avocat. La partie qui subit ce préjudice n'est pas dépourvue de recours ! Elle peut s'adresser aux tribunaux pour réclamer ce que ça lui a coûté, non seulement ce que ça lui a coûté en frais d'avocat, mais en perte de revenus, d'affaires, etc. ».

 

Le vendeur de VTT devra toutefois engager d'autres frais pour obtenir réparation. « Dans le fond, c'est non fondé. J'appelle ça une tentative d'extorsion. »

Il vaut mieux signer au nom de la compagnie

Le concessionnaire de Saint-Isidore a finalement laissé tomber sa poursuite contre l'employé de Yvon Jodoin Sports. Comme la victime estime avoir subi un préjudice — elle a payé, entre autres, des frais d'avocat —, elle envisage de poursuivre à son tour la compagnie à la Division des petites créances de la Cour du Québec.

Lorsque vous prenez possession de matériel au nom de votre employeur, signez, mais prenez soin d'inscrire que c'est au nom de la compagnie.




 

 

Vos commentaires et suggestions