Émission 237

Le mardi 4 février 2003


Le transfert de données a
un prix chez Vidéotron

Depuis novembre dernier, vous êtes nombreux à contacter La Facture pour vous plaindre du fait que votre facture de Vidéotron a soudainement pris des proportions alarmantes. On réclame des dizaines, des centaines de dollars en frais de téléchargement à des clients qui pensaient jouir d'un service illimité.

Pour ceux qui s'y connaissent peu, le téléchargement, c'est le transfert de données que vous effectuez par Internet. Plusieurs n'arrivent pas à obtenir d'explications satisfaisantes auprès de Vidéotron. La Facture a enquêté. Voici des réponses qui vous surprendront peut-être.

« J'aime Internet, j'aime les jeux, la musique, je suis tout le temps là-dessus, c'est tout le temps comme ça, je veux tout le temps des infos, j'ai besoin de ça. »

Dominic Clouâtre, qui peut passer jusqu'à 10 heures par jour sur Internet, va devoir vivre tout un sevrage. Il vient de découvrir que Vidéotron a suspendu son accès à Internet.

Dominic Clouâtre et sa conjointe, Stéphanie Chamaillard, sont en bagarre avec Vidéotron depuis que, le 3 novembre dernier, une petite bombe a été déposée dans leur boîte aux lettres. Ils ont reçu un compte de 806 $ alors qu'ils paient normalement 44,95 $, plus les taxes. Ce n'était pas une erreur. Sur les 806 $ réclamés, il y a 750 $ de frais pour le transfert de données excédentaires. Ils n'ont plus le service Internet parce qu'ils n'ont pas payé leur facture, et maintenant, Vidéotron leur demande de payer la totalité de leur facture pour rétablir le service.

Stéphanie Chamaillard, titulaire du compte, a tenté d'en savoir plus auprès de Vidéotron. On lui a expliqué qu'elle pouvait transférer des données de 11 gigaoctets par mois gratuitement, soit six gigaoctets d'Internet vers son ordinateur et cinq gigaoctets de son ordinateur vers Internet.

Dominic Clouâtre affirme qu'il ne savait pas que Vidéotron avait le droit de facturer les transferts de données qui excédaient une certaine limite établie par la compagnie.

« Moi, je ne pensais pas qu'il y avait une limite ou quoi que ce soit, je téléchargeais tout ce que je voulais, je faisais juste ça, j'aime ça collectionner des chansons, des choses comme ça, je ne me suis jamais limité, je n'avais pas de limite dans ma tête. »

Alain Labrecque est dans le même pétrin que Dominic Clouâtre. En novembre dernier, il a, lui aussi, reçu une facture de plus de 800 $.

« Moi, Internet, je ne me sers pas de ça, c'est juste mes enfants… »

En octobre dernier, Kevin et Yannick, les deux garçons de M. Labrecque, ont transféré des données représentant 96 gigaoctets, alors que la limite au-delà de laquelle Vidéotron commence à facturer est de 11 gigaoctets.

 

Le contrat de licence indique la limite d'utilisation

MM. Labrecque et Clouâtre ont tous les deux fait appel à un technicien de Vidéotron pour l'installation de leur logiciel Internet. Sur leur contrat d'abonnement, on ne mentionne aucune limite d'utilisation. Cette limite était mentionnée dans le contrat de licence qui apparaissait à l'écran de l'ordinateur quand on insérait le cédérom d'installation. À l'époque, elle figurait aussi dans un petit livret qui accompagnait le cédérom. Le technicien aurait pu faire lire la clause limitative à M. Labrecque, mais il semble qu'il ne l'ait pas fait.

« Je ne peux pas dire à 100 % que je ne l'ai pas reçu, mais je ne l'ai jamais vu et pourtant je vérifie mes courriels. Si je l'avais reçu, je n'aurais jamais téléchargé comme ça, je n'ai pas le budget pour ça ! »

La limite d'utilisation a toujours existé, mais Vidéotron ne facturait pas les clients qui la dépassaient parce qu'elle ne disposait pas d'un outil lui permettant de calculer leur consommation. Les choses ont changé en septembre dernier. Vidéotron aurait alors fait parvenir un courriel à tous ses clients les informant que, désormais, les transferts de données excédentaires seraient facturés.

Les deux fils de M. Labrecque, quant à eux, ont bien reçu le courriel, mais ils ne l'ont pas lu parce qu'ils ne consultaient jamais leur boîte aux lettres Vidéotron.

 

Information transmise par courriel

Me Iris Montini, avocate spécialisée en droit de la consommation, précise : « Ce courriel-là n'a pas été donné lors de la conclusion du contrat. Qu'ils l'aient vu ou pas ne change rien puisque c'est considéré comme une clause externe, selon l'article 1435 du Code civil du Québec ».
Article 1435.

La clause externe à laquelle renvoie le contrat lie les parties.
Toutefois, dans un contrat de consommation ou d'adhésion, cette clause est nulle si, au moment de la formation du contrat, elle n'a pas été expressément portée à la connaissance du consommateur ou de la partie qui y adhère, à moins que l'autre partie ne prouve que le consommateur ou l'adhérent en avait par ailleurs connaissance.


Vidéotron propose un crédit

Les clients de Vidéotron qui n'auraient pas été avisés au moment de leur abonnement qu'il y avait une limite d'utilisation n'auraient pas à payer les frais qu'on leur réclame. M. Labrecque a décidé de ne rien payer et d'annuler son abonnement. C'est à ce moment qu'un superviseur de Vidéotron lui propose un crédit couvrant la totalité de ses frais excédentaires si M. Labrecque se réabonne au câble. M. Labrecque s'est réabonné, mais il attend toujours son crédit.

Du côté de Dominic Clouâtre, Vidéotron a coupé le service malgré des paiements de 100 $ par mois. Pourtant, depuis le 19 novembre dernier, une note circule chez Vidéotron indiquant qu'on doit proposer un crédit aux clients qui contestent leur première facture de transfert de données excédentaires. À la défense de Vidéotron, il faut rappeler que, depuis le mois de mai dernier, à cause d'un conflit de travail, 80 % des employés sont absents.


Depuis le début du conflit, le porte-parole de Vidéotron, Jean-Paul Galarneau, a ajouté des tâches à ses fonctions. « Il se peut qu'il y ait des gestionnaires, comme moi, qui font du service à la clientèle, qui n'ont probablement pas vu la politique qui avait été émise, et ces deux clients-là ont été échappés dans le système. Alors la bonne nouvelle, pour eux, c'est qu'ils ont un crédit total pour la surconsommation qu'ils ont faite. »


L'avocate Iris Montini prétend que tous les gens qui ont payé sans contester leur première facture de transfert de données excédentaires pourraient réclamer un remboursement, et qu'ils auraient de bonnes chances de l'obtenir. Vidéotron, quant à elle, affirme qu'elle est prête à les entendre.

En conclusion

Les deux clients ont finalement reçu leur crédit. Depuis le 22 janvier dernier, Vidéotron a augmenté de 11 à 15 gigaoctets par mois le transfert gratuit de données. Si vous vous abonnez à un serveur Internet, prenez le temps de vous informer des limites au téléchargement. Sinon, vous risquez de recevoir, comme on dit, une méchante facture !


 

Hyperliens pertinents :

Vidéotron

Code civil du Québec

 


 


 

 

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