Émission 234

Le mardi 14 janvier 2003



ENQUÊTE:
Pyrite : exigez la pierre «DB»!




Du pied des Laurentides, en passant par Montréal jusqu'aux buttes de la Montérégie, le sol de cette vaste région est argileux et riche en toutes sortes de pierres qu'on utilise comme remblais sous les dalles de béton des maisons. Cependant, ce sol est aussi riche en pyrite, un minerai explosif qui fait soulever les dalles de béton. En 1997, La Facture révélait l'ampleur des dommages. À l'époque, notre équipe avait visité des maisons attaquées par la pyrite.

 

Le reportage en bref…

«Pour rectifier ce problème, il faut enlever tout le plancher de béton, également toute la pierre qui se trouve en-dessous.»

La source du problème : la pierre qui se trouve sous la maison. Cette pierre, le shale, peut contenir un minéral, la pyrite, qui sous certains conditions, gonfle. Une véritable bombe à retardement sous les fondations de centaines, peut-être même de milliers de maisons du Québec…


«On voit autour, en périphérie de cette pyrite, la rouille, qui s'est formée».

Dépendant des conditions de température, d'humidité, ce minéral va s'oxyder plus ou moins rapidement. La rouille produite va ensuite se transformer en gypse, dont le volume peut gonfler cent fois. Jusqu'à 100 fois son volume, c'est assez puissant pour soulever une dalle de béton et causer des dégâts importants à une bâtisse. Malheureusement, il n'y a encore aucune norme de contrôle sur la qualité de la pierre de remblais. Rien n'empêcherait le problème de se répéter…

 


Le suivi...

C'était donc en 1997. L'enquête de La Facture avait créé un raz-de-marée chez les propriétaires de maison, surtout en banlieue-sud de Montréal. En 1998 et par la suite, nous sommes revenus à quelques reprises sur le sujet. Nous avons gardé contact avec ces familles victimes de la pyrite et nous sommes retournés les voir.
Quatre ans plus tard, comment ces propriétaires s'en sont-ils sortis? Et, aujourd'hui, sommes-nous mieux protégés? Voici notre enquête.

 

 

 

 



L'enquête

« 
On a excavé jusqu'à la fondation et ça a été reconstruit (…) le garage, l'entrée, la salle familiale, le lavoir, la salle de bain, bref, le tiers de la maison!»

Cas no 1 :
La Facture
est d'abord retournée chez Michel Thériault à St-Bruno. Il a dépensé plus de 37 000 $ de sa poche pour remettre sa maison dans son état original. Il doit maintenant poursuivre l'entrepreneur qui l'avait construite dans les année 80, parce qu'il refuse d'en assumer la responsabilité.

Cas no 2 :
Nous sommes également retournés chez Daniel Gaudette, qui habite à quelques rues de là.




«La fissure était ici sur le coin, elle a été réparée…»

«Ici dans le bureau, il y avait ce que j'appelais le monticule de baseball…)»


«Lorsque la pyrite a été extraite, c'était comme une piscine… .»


Pour M. Gaudette et sa conjointe, le prix payé ne se calcule pas seulement en argent : «Il y avait des moments où l'on avait plus de chauffage,
plus d'électricité. À un moment donné, on a dû couper l'eau (…) Plus de téléphone (...) Nous sommes allés vivre 15 jours à l'hôtel, ça fait beaucoup de frais.»

Un entrepreneur indépendant a évalué le coût des réparations à 57 000 $. Mais heureusement, la facture s'est finalement avérée moins élevée pour le couple. Une autre bonne nouvelle: monsieur et madame recevront sous peu un chèque (8197$) du Programme gouvernemental d'aide aux victimes de la pyrite. Une aide fort appréciée, mais qui est loin de correspondre au coût total des réparations. Car le programme, administré par la Société d'habitation du Québec, ne paie en fait qu'une partie du coût des réparations.

Charles Tanguay, porte-parole de l'Association des consommateurs pour la qualité dans la construction, nous explique que ce couple fait partie d'une minorité, car la plupart des victimes de la pyrite ne sont pas admissibles au programme d'aide : «Le programme vise la réparation de sous-sol, mais les garages sont exclus. Or il y a beaucoup de cas qui se situent dans les garages, car il y a une plus grande épaisseur de remblais sous le garage généralement. Il y a donc beaucoup de (gens) qui sont déçus.»

* La Société d'habitation du Québec prévoit que d'ici 2010, 20 % des garages de la banlieue sud de Montréal auront été endommagés. Ce sont 15 000 garages qui devront être réparés aux frais de leurs propriétaires. En fin de compte, seuls les 12 000 sous-sols qui pourraient être endommagés d'ici là sont admissibles au programme.


«Il y a aussi tous les cas dont les dommages ne sont pas suffisamment sérieux pour nécessiter des réparations mais qui doivent quand même subir des pertes de valeur.»
- Charles Tanguay, ACQC.


Exigez la pierre «DB»!

Depuis 1999, les gens sont inquiets. Selon les chiffres obtenus par La Facture, environ 35 000 propriétaires de la région de Montréal ont demandé un test de dépistage de pyrite. Plus de 25 % de ces tests en ont révélé la présence. Et pour 10 % d'entre eux, la pyrite avait déjà fait des dommages.

Mais comment s'assurer que la pierre de remblais ne gonflera pas? Selon le géologue Alain Blanchette, il existe une seule garantie : exiger une pierre certifiée DB, dalle de béton, soit «une pierre qui a été testée spécifiquement pour le potentiel de gonflement.»

Mais le problème, comme le souligne le géologue, c'est que cette certification n'est même pas encore obligatoire : «Dans le système actuel, un consommateur qui achète une maison neuve qui a été construite à l'été 2002 et qui ne demande pas les billets de pesée, les bordereaux de livraison, bref, des preuves qu'il a bel et bien une pierre DB, n'aura pas nécessairement cette pierre certifiée (…) On peut donc pas garantir que ces bâtiments sont sur un remblais qui est stable chimiquement.»

La demande pour de la pierre certifiée DB ne cesse d'augmenter. Ce qui inquiète, c'est que d'après le nombre de mises en chantier résidentielles, plus d'une maison sur deux a été construite avec de la pierre de remblais non certifiée!


Combien coûte cette pierre?

Utiliser de la pierre certifiée DB pour une maison neuve coûte à peine 100 $ de plus. Selon Bruno Nantel de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec (APCHQ), son prix ne pose donc pas de problème : «Les entrepreneurs ont compris rapidement que c'était dans leur intérêt et dans celui des consommateurs d'utiliser une bonne pierre.»

Mais d'ici là, d'autres propriétaires découvriront eux aussi des dommages causés par la pyrite: «On ne peut pas y échapper, il y a des travaux à faire (…) Il faut savoir que lorsqu'on s'embarque dans un recours judiciaire, ça peut être très long et très coûteux.» - le propriétaire Michel Thériault.


En conclusion…

D'ici à ce que la certification DB soit obligatoire, si vous achetez une maison neuve, inscrivez dans votre contrat d'achat l'obligation d'utiliser une pierre de remblais certifiée «DB» et demandez à voir le bon de livraison. Mais sachez une chose : si vous avez acheté une maison construite depuis 2000 et qu'un jour vous avez un problème de pyrite, vous pourrez poursuivre l'entrepreneur pour vices cachés.

 

Hyperliens pertinents :

Association des consommateurs pour la qualité dans la construction (ACQC)
Tél. : (514) 384-2013

Association provinciale des constructeurs
d'habitations du Québec

Tél. : (514) 353-9960

Régie du bâtiment du Québec (RBQ)
Tél. : 1 800 362-0761

Société d'habitation du Québec (SHQ)
Tél. : (418) 643-7676, (514) 873-8130, 1 800 463-4315

 

 




 


 

 

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