Émission 232

Le mardi 10 décembre 2002



Véhicules vendus
«tels quels» ou «sans garantie»






Lors de l'émission du 17 septembre 2002, nous vous invitions à nous contacter si vous aviez signé un contrat d'achat d'automobile portant la mention « vendu tel quel » ou « sans garantie ». Une clause qui est de plus en plus utilisée par de nombreux commerçants de voitures d'occasion.

Or, vous avez été nombreux à nous faire parvenir des copies de ces contrats qui sont contraires à l'esprit de la Loi de la protection du consommateur. Et à notre grande surprise, nous avons découvert que de gros concessionnaires ont aussi recours à cette clause « sans garantie ».



Les faits

En septembre dernier, le jeune homme de notre histoire a le coup de foudre pour une voiture : une Chevrolet Cavalier 97 avec seulement 65 000 km au compteur. Ce qui le rassure, c'est que la voiture est vendue par un gros concessionnaire de la région de Montréal. Mais cette confiance est vite ébranlée : le vendeur lui apprend que la voiture de 8 700$ est vendue « sans aucune garantie » et
« tel quel ».

La clause :
« Après avoir vu et essayé ce véhicule, je l'accepte tel quel
sans aucune garantie.»

Inquiet face à une cette clause, le consommateur ne prend pas de risque et décide de faire inspecter le véhicule par un mécanicien indépendant. Or, celui-ci ne détecte aucun problème majeur.

Monsieur reste tout de même hésitant. Il sait ce qu'une telle clause implique : toute réparation devra être payée de sa poche. Se fiant à l'inspection et à la crédibilité du concessionnaire, il décide finalement de signer le contrat et achète la voiture.


Clause sans garantie : le consommateur est-il condamné à payer?

Selon Jacques Castonguay, avocat spécialisé dans le domaine de la consommation, la clause «sans garantie» pourrait facilement être contestée en cour: « À moins de se retrouver avec un véhicule extrêmement vieux et avec énormément de kilométrage. Sinon, ces clauses-là n'ont pas beaucoup de valeur devant les tribunaux».

La catégorie «D»

Il est vrai que la loi n'oblige pas les commerçants à fournir une garantie qu'on appelle la garantie de bon fonctionnement pour les véhicules de catégorie « D », soit les véhicules d'occasion de plus de 80 000 km ou de plus de cinq ans, comme celui de notre consommateur.

La garantie d'usure normale

Mais contrairement à ce que dit le contrat, le véhicule de monsieur est bel et bien protégé par une autre garantie, prévue par la Loi sur la protection du consommateur (LPC) : « la garantie d'usure normale». En effet, les articles 37 et 38 de la loi stipulent qu' «un véhicule doit pouvoir fonctionner pendant une durée raisonnable ».

Mais qu'est-ce qu'une « durée raisonnable » ?

«
Une voiture de 100 000 km dont vous devez remplacer le moteur ou une pièce importante après un mois, je vous dirais manifestement, que ce n'est pas une durée raisonnable». Tout dépendant d'ailleurs de « l'utilisation qu'on en fait, par rapport au prix payé », précise Me Castonguay.Bref, si une panne survenait dans les semaines suivant la vente, l'acheteur pourrait invoquer la Loi sur la protection du consommateur pour forcer son concessionnaire à assumer les frais de réparation.


La signature d'une clause « sans garantie » n'implique-t-elle pas une renonciation?

Le fait d'avoir signé une clause «sans garantie» ne fait-il pas perdre au consommateur la garantie d'usure normale? Non, nous dit Me Castonguay : « Malgré le fait que cette mention apparaisse au contrat, cela ne signifie pas que le consommateur n'a plus aucun recours.»


L'avocat nous réfère en fait à l'article 262 de la Loi sur la protection du consommateur :
«
Le commerçant ne peut demander au consommateur de renoncer à un droit que lui confère la loi.»


Le consommateur a-t-il été induit en erreur?

Les clauses sans garantie iraient d'ailleurs à l'encontre du Code d'éthique de la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec (CCAQ), comme nous l'explique son président directeur général, Jacques Béchard : « Dans certain cas, effectivement. Car si les articles 37 et 38 (sur la garantie d'usure normale) de la LPC s'appliquent plus tard, on l'a induit en erreur. Dans de tels cas, nous n'hésiterons pas à intervenir ».


Une clause utilisée par les gros concessionnaires

Le concessionnaire de notre histoire, qui est important dans la région de Montréal, n'est pas le seul à utiliser la clause «tel quel», «sans garantie» sur ses contrats :

Lors de l'émission du 17 septembre 2002, nous vous invitions à nous contacter si vous aviez signé un contrat d'achat d'automobile portant la mention «vendu tel quel» ou «sans garantie».

Or, nous avons reçu des copies d'une vingtaine de contrats de vente de véhicule d'occasion, de partout au Québec. Ces contrats portent les mentions : «tel quel», «sans garantie» et même
«à vos risques et périls».


Et surprise : la plupart des contrats n'ont pas été signés chez de petits marchands, mais bien chez de gros concessionnaires d'automobiles comme St-Léonard Nissan, Deslauriers Ford à Laval et Albi de Mascouche.

À l'Association pour la protection des automobilistes (APA), on se dit fort surpris d'une telle découverte : «On savait déjà qu'il y avait certains concessionnaires qui s'adonnaient à cette pratique, mais (…) on ne pensait pas aux joyaux dans la couronne de GM ou Mazda. C'est abusif», estime George Iny, président de l'APA.


Le point de vue des concessionnaires

«C'est évident que l'idée de cette clause n'était pas de décourager un client de nous appeler. Au contraire, on veut que nos clients nous rappellent. La politique chez nous était vraiment de dire «vous êtes quand même conscient qu'il y a un risque à acheter le véhicule»».
- Denis Leclerc, président Albi Mazda
.

«On ne peut pas acheter un véhicule d'occasion et croire que tout est garanti comme un véhicule neuf, par exemple. C'est pour être sûr que le consommateur soit bien informé avant de faire son achat qu'on a décidé d'utiliser ça»
- Sylvain Hogues, président Deslauriers Ford Lincoln.


Une clause abandonnée

Bonne nouvelle : tous les concessionnaires de notre reportage disent avoir abandonné l'utilisation de la clause «tel quel» ou «sans garantie», après avoir été contacté par l'équipe de La Facture.

Au moment de notre visite chez Albi, on terminait la modification des contrats. La clause «sans garantie» a été remplacée par l'article 37 de la Loi sur la protection du consommateur. Le texte rappelle à l'acheteur qu'il a droit à la garantie d'usure normale.

«Avec cette clause, j'ai constaté que j'ai peut être vendu 3-4 ou 5 véhicules de plus (hier), parce que le client était complètement en confiance.» - Denis Leclerc, président, Albi Mazda.


En conclusion…

Suite à l'enquête de La Facture, la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec a écrit à ses 860 membres pour leur recommander de ne pas utiliser les clauses «tel quel» ou «sans garantie».

Si votre voiture d'occasion vous lâche et que vous n'arrivez pas à vous entendre avec votre vendeur, vous pouvez vous présenter en Cour des petites créances où vous invoquerez la garantie d'usure normale. Ce sera alors au juge de trancher si votre véhicule a fonctionné pendant une durée raisonnable ou pas.


Hyperliens pertinents :

Corporation des concessionnaires d'automobiles
du Québec


Association pour la protection des automobilistes

Guide d'information sur les véhicules d'occasion
Office de la protection du consommateur

 



 


 

 

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