«
Ça s'est fait d'une façon que la population
n'a rien su. On s'est réveillé, et puis
c'était là
"»
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«Ce
n'est pas tellement le bruit qui est dérangeant.
C'est surtout la vue : ça ne va pas du tout avec
ce qui est aux alentours
.»
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«Quand
on achète dans une zone récréotouristique
et que du jour au lendemain, il y a une industrie qui
est en train de s'installer, c'est très décevant.»
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Les
faits
Le
long de la rivière Sauvage à St-Zénon, une scierie
prend de l'expansion. Des citoyennes en colère s'y opposent.
L'une d'entre elles est, depuis 1979, propriétaire d'un modeste
chalet situé juste en face de la scierie, de l'autre côté
de la rivière Sauvage : «On a acheté ici pour
venir se reposer. On était tranquille, on était caché.
On était dans la nature, l'air était bon
»
Une
entreprise artisanale qui ne cesse d'agrandir
En
1995, un entrepreneur forestier obtient de la municipalité
un permis de construction pour une mini-scierie artisanale intégrée
dans le concept d'un centre de la nature. La nouvelle est alors bien
accueillie par les citoyens.
En 1997, l'entrepreneur
agrandit sa scierie, en ajoutant un séchoir à bois et
un entrepôt et ce, avant même d'obtenir son nouveau permis
de construction. Mais encore une fois, les citoyens ne s'y opposent
pas, car pour eux, « la municipalité a le contrôle
là-dessus.»
De
97 à 99, la scierie occupe de plus en plus de superficie.
À un tel point qu'elle va alors à l'encontre de la réglementation
municipale : «En agrandissant et en ayant des employés
et en devenant industrielle, la zone (récréotouristique)
ne supporte pas ce genre d'industrie-là», nous explique
Linda Melanson qui était, à l'époque,
l'inspecteur en bâtiment de la municipalité.
L'expansion de
la scierie passe toutefois presqu'inapercue dans le voisinage : une
haie d'épinettes et une rangée d'arbres (un écran
végétal) bloquent la vue aux citoyens. Mais un jour,
les arbres sont abattus. Et les citoyens constatent alors l'ampleur
de l'industrie
En
enlevant l'écran végétal, l'entreprise
va d'ailleurs encore une fois à l'encontre de la réglementation
municipale.
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Une
entreprise qui devient industrielle
Puis,
l'entreprise familiale voit encore plus grand : elle effectue du remblayage
pour agrandir la cour à bois et pour y construire éventuellement
des séchoirs et un nouvel entrepôt. Le remblayage du
terrain de la scierie déborde dans les zones humides de la
rivière, ce qui est illégal. L'inspecteur en bâtiment
de St-Zénon alerte alors le ministère de l'Environnement
: « Je ne pouvais pas émettre un permis comme ça
(
) j'ai vu l'ampleur que ça avait pris. Ils sont tellement
gros que c'est industriel.», affirme Mme Melanson.
Le
ministère conclue que le remblayage «est susceptible
de contaminer l'environnement» et exige que les lieux
soient remis en état. Une autre mauvaise surprise attend
les représentants du ministère : la scierie opère
sans certificat d'autorisation du ministère de l'Environnement.
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Pour obtenir un
tel certificat, la municipalité doit confirmer au ministère
que l'entreprise respecte toutes les normes municipales. Impossible,
puisque la scierie est une véritable industrie construite sur
un terrain zoné récréotouristique où l'industrie
n'a pas sa place.
Comment
se fait-il que la municipalité ait accordé tous ces
permis?
«Le permis
donne le OK pour construire. On serait dans l'erreur
de penser que nous ne sommes pas conformes»
- Mathieu Lebeau, gérant de la scierie.
Le Conseil de ville se réunit
Lors
de notre passage à St-Zénon, le conseil de ville
s'est réuni.
La
Facture a demandé à la mairesse de la municipalité,
en poste depuis novembre 95, de nous expliquer comment l'entrepreneur
a bien pu obtenir tous ces permis : celle-ci nous affirme
«qu'il n'y a pas eu de passe-droit», que
l'entrepreneur «attendait qu'on le prenne en défaut,
ou encore, qu'il commençait les travaux avant de venir
chercher les permis».
Ce
soir-là, les résidants mécontents de
l'expansion de la scierie avaient eux aussi des questions
à poser à la mairesse. Voici en bref, ce qu'elle
leurs a répondu :
Sur
l'installation de la scierie : « Jusqu'au moment
où l'écran végétal a été
enlevé l'automne dernier, personne n'a rien dit. On
a donc toléré que ça continue comme ça
»
Sur
l'ampleur que l'entreprise a prise : « Il
y a peut-être eu un certain laxisme à un moment
donné au conseil, parce que personne ne parlait. Mais
au début, il avait le droit de s'installer-là.
Ils ont eu les permis puis, ça s'est transformé
avec le temps. Maintenant, il nous reste à réagir
face à ça ».
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Impasse
pour la municipalité
St-Zénon
est dans un cul-de-sac. Elle ne peut changer le zonage du terrain
de la scierie sans susciter la colère des citoyens :
«Les
gens ne veulent pas qu'on transforme ça en zone industrielle?
On ne le fera pas», affirme la mairesse.
Et la scierie
ne peut fonctionner à moins d'un changement de zonage ou d'un
déménagement :
«On a
des résidants, on a aussi des villégiateurs. On comprend
qu'ils ont des raisons de se plaindre, on comprend qu'ils ont droit
de faire valoir leur point de vue. On comprend aussi que les résidants
ou les travailleurs de St-Zénon qui travaillent dans cette
usine viennent me voir et me disent : Mme la mairesse, est-ce que
je vais perdre ma job?»,
ajoute la mairesse.
L'inspecteur
en bâtiment perd son emploi
Mais
la première à perdre son emploi dans cette histoire,
c'est Linda Melanson. Le Conseil a décidé de
ne pas la réengager au poste d'inspecteur en bâtiment.
Rappelez-vous : c'est elle qui a alerté le ministère
de l'Environnement au sujet de la scierie.
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En
conclusion
Il
semble que les propriétaires de la scierie sortiront gagnants
de cet affrontement. Le 10 décembre 2002, le Conseil de ville
de St-Zénon devait adopter une modification du plan d'urbanisme
et du règlement de zonage afin d'agrandir sa zone industrielle
pour y inclure la scierie.
Une modification qui devra être entérinée par
la MRC, seul organisme qui peut encore se ranger du côté
des défenseurs de la zone récréotouristique.