Les
faits
Les trois jeunes de notre histoire rêvaient de faire carrière
comme conseillers en finances personnelles. Ils ont joint une des
succursales les plus performantes du Groupe Investors au Canada,
le bureau de Pointe-Claire. Ils avaient toutes les raisons de croire
qu'ils gagneraient beaucoup d'argent en touchant d'importantes commissions
sur la vente de produits d'épargne retraite à des particuliers.
«
J'ai relevé «ce défi» en accumulant
une dette de
22
000$
»
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«J'ai
reçu la visite du huissier avec une lettre de réclamation
que je leur devais 6743 $ environ.»
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«Tu
penses
faire beaucoup d'argent et tu constates que tu as des
frais à rembourser qui sont si élevés
que tu es obligé de déclarer faillite.»
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Mais voilà
qu'après quelques mois à peine, ils ont tous quitté.
La raison : non seulement n'ont-ils presque rien vendu, mais en plus,
ils ont accumulé des dettes envers le directeur régional
du bureau. La Facture a tenté de le rencontrer, mais
il a refusé. Il nous a plutôt référé
au vice-président d'Investors pour le Québec et les
maritimes, Pierre Morin. Voici comment celui-ci explique les lourdes
dettes des nouvelles recrues :
«C'est
un rôle d'entrepreneur, avec les risques que ça
impose. C'est-à-dire que c'est une opportunité
qui est importante, mais également des risques qui sont
importants. C'est la nature même de l'entrepreneurship.»
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De
lourdes dettes pour de jeunes recrues
Mais
comment ces jeunes entrepreneurs ont-ils pu s'endetter autant? En
attendant de recevoir des commissions sur les ventes à venir,
le bureau de Pointe-Claire leur a proposé dans un contrat particulier
une aide financière pouvant atteindre 30 000 $ en un
an et qu'ils allaient devoir rembourser.
Ce soutien financier
consistait plus précisément à une avance de commission,
qui était versée aux employés à toutes
les deux semaines : «Pour la majorité des gens, qui
ont besoin de cet argent-là pour vivre, on s'en servait pour
payer nos loyers, etc., mais aussi payer nos frais de bureau, les
frais qu'on avait à payer à Investors», explique
l'un des jeunes.
Des
frais de bureau divers
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Le
contrat du bureau de Pointe-Claire prévoit des frais
de bureau de près de 700 $ par mois qui sont à
la charge des conseillers : télécopies, papeterie,
appels interurbains, photocopies, séminaires d'information
pour les clients. À
cela, s'ajoutent des dépenses pour les séminaires,
la publicité, et pour l'équipement informatique.
·
De
plus, selon les trois recrues, d'autres frais prévus
au contrat sont discutables : le café (même s'ils
n'en prennent pas); des info-publicités à la
télévision et à la radio; des formations
obligatoires; des dons de charité au fonds de recherche
sur les tumeurs cancéreuses de l'Université
McGill et aussi; une contribution au fonds de développement
de la région.
·
En
plus de ces frais de bureau, le contrat du bureau de Pointe-Claire
prévoit également plusieurs activités
obligatoires : solliciter la clientèle par
téléphone seulement, cibler exclusivement des
personnes possédant plus de 100 000 $ d'actif, suivre
un horaire de travail strict, etc.
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L'un des jeunes,
qui a tenté d'obtenir plus d'explication sur toutes ces dépenses,
affirme qu'on ne lui a jamais clairement répondu à ses
questions.
Un
horaire imposé
Bien qu'ils étaient
travailleurs autonomes, des normes strictes apparaissaient dans le
contrat des trois employés, tel leur horaire de travail, prévu
de 8h30 à 5h30. Les heures travaillées étaient
d'ailleurs contrôlées.
Pendant
qu'ils accumulent des dettes sur leurs avances de fonds et
qu'ils ne concluent presque aucune vente, les trois conseillers
financiers se font donc non seulement exiger toutes sortes
de frais de bureau, mais aussi imposer leur façon de
travailler.
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Une
plainte auprès de la Commission des normes du travail
Déplorant
la pratique de l'entreprise, l'un des trois travailleurs décide
de porter plainte à la Commission des normes du travail.
Robert
Rivest, de la Commission, croit que les trois jeunes ont
tout à fait raison de se plaindre :
«Lorsqu'on va jusqu'au point de prévoir l'horaire
de travail, lorsqu'on exige une certaine formation, lorsqu'on
précise les méthodes de travail, c'est évident
qu'on va bien au-delà de la notion qu'on peut connaître
de la relation entrepreneur indépendant versus un client
ou des clients.»
Quant
à l'employeur, il considère qu'il ne s'agissait
«pas du tout d'un contrat d'emploi, mais plutôt
d'un contrat de financement, de démarrage d'entreprise».
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Travailleurs
autonomes ou salariés?
Tout
compte fait, M. Rivest estime que les conseillers se retrouvent finalement
avec tous les désavantages liés à un entrepreneur
indépendant et aucun avantage lié à un salarié.
Travailleurs autonomes ou salariés? Ce sera à un tribunal
de trancher sur le statut réel de ces conseillers financiers.
«À
partir du moment où le statut est déterminé
comme étant un statut de salarié, toute convention
qui irait à l'encontre de ce statut-là serait
considérée comme nulle, de nullité absolue.»
- Robert Rivest, Commission des normes du travail
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En conclusion
Si
le contrat du directeur régional du bureau d'Investors
de Pointe-Claire était annulé, les trois ex-conseillers
pourraient avoir droit à un salaire pour les heures qu'ils
ont travaillé. En déduisant ce salaire des avances de
fonds qu'ils ont quand même reçu, leurs dettes pourraient
s'en trouver considérablement réduites.
À ce jour,
deux des ex-conseillers ont porté plainte auprès de
la Commission des normes du travail. Quant au troisième,
il devrait le faire sous peu.
Déjà,
la Commission des normes a mis en demeure le directeur régional
et le bureau de Pointe-Claire de verser un salaire à l'un des
deux plaignants. Devant un refus, la cause se retrouvera devant les
tribunaux.
Une histoire
que nous allons suivre!