Émission 226

Le mardi 29 octobre 2002

 


ASSURANCE-VOYAGE :
Les maladies préexistantes




«On a monté avec notre petite roulotte. On allait à Daytona Beach, on allait à Ste-Lucie, toutes les places… On se promenait!»


C'est l'époque de l'année où plusieurs personnes se préparent à partir vers le sud. La plupart prennent une assurance-voyage. Une simple formalité. Une transaction qui se fait souvent par téléphone. On se croit alors couvert contre tout et à l'abri des mauvaises surprises. C'est ce que croyait une dame jusqu'à ce qu'elle rentre de Floride, avec toute une facture.

Maintenant, elle et son conjoint parlent au passé de leurs nombreux séjours en Floride. Car un incident est venu bouleverser leurs habitudes de vacances…



Les faits

Le 31 mars 2001, alors que le couple est en Floride, madame est transportée d'urgence à l'hôpital Memorial de Jacksonville. Elle apprend qu'elle doit subir une angioplastie pour débloquer l'une de ses artères, qui est obstruée à 90 %… Or madame n'est pas au bout de ses peines : son assureur, la Croix-Bleue, refuse de payer l'opération. Il prétend que madame n'est pas assurable et qu'elle le savait : «Non. Je n'étais pas au courant. Avoir su, je ne serais pas partie en Floride», affirme-t-elle. La facture? Très importante : 60 mille dollars américains!


«C'est inhumain ce qu'ils m'ont fait vivre (…) ce que j'ai (vécu) comme stress, (dans) l'attente qu'on m'opère, ou qu'on ne m'opère pas…»


Maladie préexistante : non-couvert par l'assurance

Si la Croix-Bleue refuse de payer, c'est parce que dans le dossier médical de l'assurée, il est écrit qu'elle fait de l'angine. Une information capitale qui n'a jamais été inscrite sur le formulaire d'assurance-voyage que son conjoint a rempli par téléphone. Ce renseignement manquant devient donc la source de tous leurs problèmes.

Quant à la dame, elle ne croyait pas que cette information était si importante: «On mettait tout le temps sur mes papiers médicaux "possibilité d'état angineux", mais moi, je n'ai jamais eu la certitude que j'étais cardiaque. (…) Je n'étais pas au courant que j'avais une condition si grave que ça.»


Cette seule mention au dossier médical place madame dans une situation d'exclusion. Pour la Croix-Bleue, l'assurée était cardiaque avant son départ pour la Floride, donc non assurable pour ce problème. Elle avait ce que l'on appelle une maladie préexistante, soit l'élément le plus important d'une assurance-voyage que le couple n'avait pas bien compris.


Selon Me Marc Migneault, ces problèmes de mauvaise compréhension des exclusions d'une police d'assurance sont plus fréquents qu'on ne le croit : «Dans ces cas-là, c'est presque toujours ce qu'on entend : "on ne m'a jamais expliqué que si j'étais déjà malade et que je tombais invalide ou que j'avais besoin de soins pour cette maladie-là, que je n'allais pas être couvert." Il y a un problème au niveau de la vente et de la communication.»


Le couple a-t-il été bien informé des cas d'exclusions?

Le conjoint de madame a acheté l'assurance Croix-Bleue pour lui et sa conjointe, par l'entremise de l'agence de voyage de la Fédération québécoise de camping et de caravaning (FQCC). Raquel Francesco est la directrice de l'agence de voyage de la FQCC. C'est une de ses préposées qui a rempli, en décembre 2000, le formulaire d'assurance par téléphone. L'employée a aussi la responsabilité d'expliquer quelles étaient les exclusions de la police.

À la FQCC, on affirme que les préposés vérifient que les clients comprennent bien les exclusions : «En envoyant le livret, c'est la responsabilité du client aussi de lire son contrat. Je peux lui expliquer au téléphone, mais il faut vraiment qu'il le lise, qu'il soit sûr que c'est vraiment le produit qu'il veut.»

Une procédure qui inquiète Me Migneault : «Ce sont les clauses de conditions préexistantes, de maladies préexistantes. Vous pouvez avoir une personne qui est totalement de bonne foi, qui ne sait pas nécessairement qu'elle a une maladie qui pourrait faire en sorte qu'on pourrait refuser de l'indemniser.»

Pour la majorité des gens, une police d'assurance, c'est avant tout un jargon incompréhensible, même si les exclusions sont écrites en caractère gras.

Jules Goyette est président de l'Association francophone Canada-Floride, un regroupement de snowbirds. Pour lui, des cas comme celui de madame sont fréquents : «Au départ, les deux personnes sont de bonne foi, sauf que s'il arrive un problème, c'est évident qu'avec le rapport médical on va chercher les (bibittes).»

Une préposée qui outrepasse son rôle

Le conjoint de madame est furieux. Il affirme n'avoir rien caché et avoir dit toute la vérité. Il a en effet répondu à toutes les questions qu'on lui a posées, au téléphone. Le problème, c'est que la préposée de la FQCC n'aurait pas suivi à la lettre le questionnaire que lui fournit la Croix-Bleue, lorsqu'elle a demandé à monsieur quels médicaments madame prenait :

Étrangement, dans le formulaire, il n'existe aucune question qui se rapporte aux médicaments. En agissant ainsi, la préposée outrepasse son rôle. Elle n'a pas les compétences pour déterminer de quelles maladies souffrent les clients en se basant sur les médicaments qu'ils leurs sont prescrits. Cette façon de procéder laisse place à beaucoup d'interprétation…

«C'est là que je lui ai dit pour le médicament (…) qu'elle avait renouvelé, la Nitro. (…) qu'elle n'en prenait pas mais qu'elle en avait en cas de besoin, et qu'elle n'en n'a jamais pris depuis 18-20 ans. C'est alors qu'elle m'a dit "On n'a pas besoin d'écrire ça pour rien"», rapporte le conjoint de madame.

Le questionnaire est donc demeuré silencieux quant à l'ordonnance de Nitro. Or, c'est justement à cause de cette ordonnance, renouvelée deux mois avant son départ, que la Croix-Bleue refuse d'indemniser madame.


Achat d'une assurance : un proche peut-il répondre aux questions?

Non seulement la FQCC ne semble pas s'en tenir au questionnaire, mais un autre problème d'éthique s'ajoute : la préposée ne s'est jamais adressée personnellement à madame. Elle n'a parlé qu'avec son conjoint. Une condition qui ne semble pas primordiale, à la FQCC : «C'est la responsabilité de la personne qui appelle de s'assurer de l'autre état médical. S'il n'est pas sûr, il va me rappeler et me donner les bonnes informations», explique Mme Francesco.

Encore une fois, Me Migneault se dit inquiet de la procédure utilisée à la FQCC : «C'est à tout le moins extrêmement imprudent. Je ne crois pas qu'une personne qui est en train de distribuer un produit d'assurance-voyage devrait commencer à poser des questions à la mauvaise personne en se fiant que cette personne-là va se renseigner (…) Ça peut amener un risque qui pourrait être reproché à l'assureur, à mon avis.»

Trop de gens s'en vont en Floride en se croyant bien assurés alors qu'en réalité, ils ne le sont pas, estime Jules Goyette, président de l'Association francophone Canada-Floride.


Monsieur et madame craignent de retourner en Floride et ce, non pas parce qu'ils ne peuvent pas s'assurer, mais plutôt parce qu'ils n'ont pas acquitté la facture de 60 mille dollars américains : «Je ne suis pas en mesure de payer ça. Je n'ai pas le revenu, je suis incapable», affirme madame.



En conclusion…

Si contrairement à madame, vous possédez des biens, un hôpital américain peut saisir vos biens si vous ne payez pas la facture. De son côté, la Fédération québécoise de camping et de caravaning a changé sa procédure. Pour éviter les erreurs au téléphone, on envoie dorénavant le formulaire d'assurance au client pour approbation. Enfin, en cas de doutes, faites remplir le questionnaire d'assurance par votre médecin.



Hyperliens pertinents :

Croix-Bleue du Québec

Fédération québécoise de camping et de caravaning (FQCC)
Section «Service Voyages»


Association francophone Canada-Floride






 


 

 

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