«On
peut avoir une intoxication qui peut être extrêmement
sévère chez l'enfant et dans certains
cas, une intoxication qui pourrait être mortelle.»
- Albert Nantel, toxicologue
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«Je
trouve ça vraiment inquiétant comme parent,
surtout les enfants qui pourraient être en contact
avec ces produits-là.»
- Monique Lucas.
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Des bijoux bon
marché. Des objets en apparence inoffensifs, mais qui contiennent
du plomb. Un métal toxique, particulièrement pour les
enfants, comme nous l'explique Albert Nantel, toxicologue :
«Les
enfants sont plus vulnérables que les adultes à
cause du fait que le plomb va affecter le système nerveux
et surtout au moment où il est en croissance, au moment
où il se développe chez l'enfant.»
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Albert
Nantel est médecin toxicologue. Depuis plus de vingt ans, il
a fait dela lutte contre le plomb l'un de ses principaux chevaux de
bataille : «Tout objet qui contient du plomb et qui est d'une
dimension suffisante pour que l'enfant puisse le mettre dans sa bouche
présente un potentiel de risque.»
Le
plomb a petit un goût sucré. Un pendentif qui en
contient risque donc de se retrouver dans la bouche d'un enfant.
Le danger, c'est que l'enfant prenne l'habitude de le porter
à sa bouche chaque jour souvent, régulièrement
et le mâche.
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Le
cas de la petite Lindsay
Lindsay Svendsen de Calgary avait justement cette habitude. En
mars 2001, nos collègues de la CBC racontaient son
histoire. Alors qu'elle avait quatre ans, elle subit une grave
intoxication au plomb. La source de l'empoisonnement : ce pendentif
fait entièrement de plomb.
«On le voyait dans sa bouche et on lui disait toujours:
"Lindsay, mets pas ça dans ta bouche" et elle
obéissait. Mais elle l'avait quand même souvent dans
sa bouche.» - affirme sa mère.
L'intoxication au plomb de Lindsay a été diagnostiquée
à temps. La petite fille a pu être soignée.
Mais ce type d'empoisonnement passe souvent inaperçu, car
ses symptômes s'apparentent à ceux de la grippe,
comme le souligne M. Nantel : «Le plus grand risque de
l'intoxication au plomb, ce n'est pas le fait de pouvoir le traiter
(
) c'est de manquer le diagnostic».
L'histoire
de la petite Lindsay a fait réagir Ottawa. Dans
une lettre datée d'avril 1999, Santé
Canada sollicite la collaboration de 8000 entreprises.
Le ministère leur suggère de s'assurer que
la teneur en plomb des bijoux destinés aux enfants
de moins de 15 ans ne dépasse pas la norme fédérale
de 65 parties par million. Mais aucune pénalité
n'est prévue pour les entreprises qui refuseraient
de s'y conformer.
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La Facture enquête
Trois
ans après ces recommandations, La Facture a voulu savoir
si parents et enfants risquaient encore d'acheter des bijoux dont
la teneur en plomb dépasse les 65 ppm. Nous avons acheté
une vingtaine de bijoux de fantaisie dans les magasins Ardène,
Rossy et Wal Mart. La valeur moyenne de ces bijoux : moins de
7 $. Nos bijoux ont ensuite été expédiés
à Québec, au Laboratoire de toxicologie de l'Institut
national de santé publique. À notre demande, ils
ont été analysés pour connaître leur teneur
en plomb. Or, les résultats sont étonnants :
Tous
les bijoux analysés contiennent du plomb. Et six d'entre
eux dépassent largement la norme fédérale
des 65 parties par million.
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Celui-ci
contient 303 ppm de plomb, c'est quatre fois la norme de Santé
Canada. |
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Celui-là,
353 ppm, plus de cinq fois la norme. |
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Et
ce dernier, 360 ppm, c'est presque six fois plus de plomb que
la limite de 65 ppm de Santé Canada. |
Que
se passe-t-il dans l'organisme?
Que
se passe-t-il si un enfant mâche à répétition
ou s'il a constamment dans sa bouche un bijou qui contient du plomb
dépassant autant la norme?
1-
Le plomb est d'abord dissout dans la salive;
2- Il est
ensuite transporté via l'sophage vers l'estomac;
3- Il est absorbé dans le
sang qui le transporte aux différents organes cibles
: le foie, les reins, la rate, le cur, les poumons.
4- «Mais
surtout, ce qui est le plus grave, (c'est que le plomb se dirigera
vers le) système nerveux central, et c'est là
qu'il peut créer le plus grave problème, c'est-à-dire
un risque de ralentissement du développement psychomoteur
chez l'enfant», explique Albert Nantel.
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Des
bijoux presque tout en plomb
L'analyse
nous réservait une autre surprise : certains bijoux sont presque
entièrement faits de plomb :
Monique
Lucas est vice-présidente de l'Association québécoise
pour les enfants avec des troubles d'apprentissage. Le plomb étant
justement l'une des causes des troubles d'apprentissage chez l'enfant,
elle se dit préoccupée par ses résultats. D'autant
plus qu'elle était convaincue que des normes fédérales
strictes existaient sur le sujet : «J'avais l'impression
qu'au Canada, on était bien protégé pour le plomb
quand on l'a éliminé dans les peintures, dans l'essence
et même dans les boîtes de conserves, il y a plusieurs
années. Alors on ne s'attend pas à en (retrouver) dans
des objets et en si grandes quantités»
«Dans
certains pays, (où) des enfants ont été exposés
au plomb, (ils) ont même développé jusqu'à
une déficience intellectuelle, (ce qui est donc) beaucoup plus
sévère que des troubles d'apprentissage»,
ajoute-t-elle.
Des
commerçants qui font fi des recommandations
de Santé Canada
Comment se fait-il qu'on trouve encore des bijoux destinés
à des enfants de moins de 15 ans qui contiennent du plomb dans
des proportions dépassant jusqu'à 5 fois la limite de
Santé Canada? Rossy et Ardène ont
refusé de répondre à la question. Mais chez Wal
Mart, on conteste cette limite de 15 ans, car on estime qu'elle
serait trop difficile à appliquer :
«Comment
peut-on distinguer un bijou fait pour un adolescent d'un bijou fait
pour un adulte ? (
) Je ne crois pas que l'âge de 15 ans
va fonctionner pour les détaillants parce que dans les faits,
ça voudrait dire qu'il ne se vendrait plus aucun bijou dans
ce pays», affirme le porte-parole du magasin.
Wal Mart
affirme avoir tout de même retiré de ses tablettes des
bijoux contenant du plomb. Mais le détaillant aurait retiré
seulement ceux qui sont destinés à des enfants de moins
de six ans. Or selon M. Nantel, le risque n'est pas pour autant éliminé
: «Ce n'est pas parce que la jeune fille qui reçoit
le bijou est assez vieille pour savoir qu'elle ne doit pas le mettre
dans sa bouche qu'il n'y a pas de risque pour ses jeunes frères
et surs dans la même maison».
Les trois détaillants que nous avons visités
ne contrôlent donc pas les teneurs en plomb de tous les
bijoux qu'ils ont en magasin. Chez Santé Canada,
on ne s'en étonne pas :
«Il y en aura toujours qui vont se conformer au programme,
(et) toujours un grand nombre qui ne le feront pas»
- Charles Éthier, directeur général, Bureau
de la sécurité des produits.
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Santé Canada décide d'adopter une réglementation
spéciale
Comme
ses recommandations n'ont pas été suivies à la
lettre, Santé Canada prend les grands moyens : La
Facture a appris que le ministère va interdire par une
réglementation spéciale la vente de tout bijoux dont
la teneur en plomb dépasse 65 ppm. Mais est-ce réalisable?
«C'est
peut-être ambitieux sauf que dans l'élaboration
de la réglementation, il y a eu des consultations avec
les importateurs aussi bien (qu'avec) les fabricants, et puis
tous sont d'accord. On s'attend à ce que les importateurs
coopèrent pleinement avec la réglementation sinon,
on peut tout simplement les obliger à retirer les bijoux
du marché», déclare M. Éthier.
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Albert
Nantel estime que l'intervention de certaines ressources, notamment
celle des inspecteurs, se verra fort importante dans l'application
de cette nouvelle réglementation. Mais
d'ici à ce qu'on voit des inspecteurs de Santé Canada
retirer des bijoux des tablettes, il faudra attendre au plus tôt
l'été 2003, soit plus de cinq ans après l'intoxication
de la petite Lindsay.
«En attendant une réglementation qui serait vraiment
meilleure, je pense que les parents devraient ne pas acheter
de bijoux à moins d'être certains qu'ils n'en
contiennent pas.»
-
Monique Lucas, vice-présidente de l'Association québécoise
pour les enfants avec des troubles d'apprentissage.
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«Qu'on
utilise du plomb, c'est simplement à cause du coût.
Ça ne coûte pas cher et c'est lourd. Je pense
qu'on peut essayer de trouver des solutions alternatives,
que ce soit en plastique, que ce soit avec d'autres matériaux
que le plomb. (...) Le risque ne vaut pas le bénéfice
que peut avoir un enfant.»
- Albert Nantel, médecin toxicologue.
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En conclusion
La
nouvelle réglementation qui contrôlera la quantité
de plomb dans les bijoux de fantaisie devrait être en vigueur
l'été prochain. Entre-temps, pour savoir si un objet
contient du plomb, un des tests consiste à écrire sur
une feuille de papier : si ça laisse une marque grise, c'est
que ça contient du plomb, comme les anciens crayons de bois.
Mais, ce n'est pas un test infaillible puisque certains bijoux sont
recouverts d'un autre métal.
Dici lété 2003, Wal Mart prévoit
avoir retiré tous les bijoux de fantaisie contenant
du plomb au-delà de 65 ppm, donc peu importe lâge
de la clientèle visée et ce, dans l'ensemble des
magasins du pays.
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