Les faits...
Ces
dernières années, tout allait assez bien pour ce Sherbrookois.
Mais, à l'automne 2001, des problèmes financiers font
en sorte qu'il n'arrive plus à payer ses créanciers.
Son compte en banque est à sec.
«
Plein de choses que je laissais retarder et je me disais, je
vais prendre le dessus, je vais prendre le dessus
»
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En
décembre, la compagnie Assurances générales
des caisses Desjardins, qui assure sa voiture et sa maison, résilie
la police d'assurance pour non-paiement des primes.
« Je ne répondais même pas aux lettres. Ils
se sont dits, bon on résilie le contrat.»
Monsieur
décide alors de régler ses dettes. Il reçoit
alors le soutien de son père qui l'aide à se refaire
une santé financière. Deux mois après la résiliation
de sa police, le premier février 2002, il décide de
ré-assurer sa voiture. Cette fois, il contacte une autre compagnie
avec qui il a déjà fait affaires, la SSQ Assurances
générales. Comme c'est l'habitude, il répond
aux questions qu'on lui pose sur sa nouvelle voiture et sa situation
personnelle. Selon monsieur, «Tout se passe de façon
très rapide.»
De nouveau assuré, il peut reprendre la route mais, pas pour
très longtemps
À peine deux jours plus tard, il
perd la maîtrise de son auto sur une petite route de campagne
enneigée. L'auto est envoyée chez un carrossier. Évaluation
des dommages :13 000$.
Les
travaux ne débutent pas tout de suite, puisque la compagnie
d'assurance veut enquêter avant d'indemniser. Finalement, trois
semaines après l'accident, il reçoit une lettre de la
compagnie d'assurance qui indique que : «Notre enquête
révèle plusieurs irrégularités, notamment
l'omission de nous déclarer avoir été résilié
par votre ancien assureur (
) nous devons résilier le
contrat en titre ab initio, c'est-à-dire depuis sa date d'entrée
en vigueur.» Abasourdi, monsieur dit ne pas comprendre ce
qui se passe...
Une fausse déclaration?
La
SSQ prétend que «L'assuré a fait une fausse
déclaration. Nous avons annulé ab initio son contrat,
c'est à dire que c'est comme s'il n'y avait jamais eu de contrat.
Donc, (..) il n'y a pas d'assurance», explique Jocelyne
Bergeron, vice-présidente.
Mais pourquoi la compagnie d'assurance qualifie l'acte de monsieur
de fausse déclaration? «Lorsque monsieur (
)
s'est assuré, il ne nous a pas déclaré qu'il
avait été annulé pour non-paiement de ses primes
par son assureur précédent (
) et ça c'est
passé un petit peu moins que deux mois avant qu'il nous appelle.
Si nous avions su qu'il avait été annulé pour
non-paiement, nous n'aurions pas accepté de l'assurer»,
précise Mme Bergeron.
Au
Bureau d'assurance du Canada (BAC), on nous explique pourquoi
les compagnies d'assurances exigent de connaître ce type de
renseignements : «À un moment donné, il faut
qu'il y ait une confiance entre l'assuré et l'assureur, et
les assureurs ont des statistiques qui démontrent qu'il y a
une corrélation entre les gens, la situation financière
des gens et les réclamations, la fréquence et tout ça,
la fraude bon», affirme Me Louis H. Guay, vice-président
adjoint.
Client ayant des difficultés financières = client à
risque?
Aux
yeux du BAC, les clients qui ont de la difficulté à
payer leur prime d'assurance «pourraient être des clients
plus à risque». Mais chez Option Consommateurs,
on voit les choses d'une toute autre façon : «Je ne
crois pas que parce qu'une personne a des difficultés financières,
il y ait plus de risques qu'elle ait un accident. (
) peut-être
plus de risques que si elle ait une petite réclamation elle
réclame, mais ça malheureusement, ça ne fait
pas vraiment partie de l'établissement du risque»,
estime Me Marc Migneault.
Non-paiement
des primes : un critère majeur pour les assureurs
L'annulation
d'une police antérieure pour non-paiement des primes demeure
un critère important à la SSQ : «C'est
un contrat qui est basé sur la bonne foi. Donc, on veut que
l'assuré déclare les circonstances qu'il connaît
et qui pourraient nous influencer. (Or) malheureusement, lorsqu'un
assuré est annulé pour non-paiement, nous n'acceptons
pas de l'assurer», affirme Mme Bergeron.
Pourtant, monsieur est catégorique : jamais la SSQ ne lui a
posé de question sur l'annulation de son ancienne police. Du
côté de la SSQ, on se dit convaincu que le ou la préposé
(e) a vérifié cette information : «(Ils) ont
cette question-là systématiquement à leur écran
(
) et comme c'est arrivé dans un délai très
court, monsieur s'en souvenait». Mais ni la SSQ ni monsieur
n'ont pu fournir de preuves de leurs allégations.
L'assuré
a-t-il une obligation de déclarer toute information?
Selon le BAC, afin d'éviter de voir un jour son contrat
annulé, «L'assuré a une obligation de
déclarer (
) tous les faits pertinents que l'assureur
devrait savoir et qui touchent le bien à assurer. (
)
Il a aussi l'obligation de déclarer toutes les choses
qui touchent sa personne et qui peuvent avoir un impact : les
réclamations antérieures, la relation qu'on a
pu avoir avec un assureur avant, la résiliation de contrat,
l'annulation de contrat, les antécédents judiciaires
aussi».
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Monsieur considère
lui, qu'il ne s'agissait pas là d'informations importantes
que devait savoir son nouvel assureur : «Non parce que je
me disais je repars en neuf, de l'argent il y en a dans mon compte,
puis ma marge de crédit est revenue à flot, je vais
m'organiser pour que ça ne se reproduise plus.»
Advenant
le cas où un assuré «cache» une information,
que se passe-t-il? L'assureur peut-il automatiquement résilier
son contrat?
Selon
Option consommateurs, «Si l'assureur peut démontrer
que c'était un fait important dans l'établissement de
la prime ou dans l'acceptation du risque (
) un assureur raisonnable
n'aurait pas assuré cette personne-là si elle l'avait
su. À ce moment-là, on peut donc annuler la police et
rembourser les primes.», affirme Me Marc Migneault.
Quant au cas présent,
l'avocat doute que le tribunal «arriverait à la conclusion
que les simples problèmes de solvabilité d'un individu
soient un fait important.» Ainsi, l'homme de notre histoire
pourrait peut-être avoir raison. Toutefois, le BAC croit
tout de même que la SSQ a bien agi en résiliant son contrat
car «La pratique de SSQ dans un cas comme ça suit
tout à fait ce qui se passe dans l'industrie.»
La
suite : devant les tribunaux
Devant le refus de payer de la SSQ, monsieur a finalement dû
faire réparer sa voiture à ses frais. Il veut maintenant
récupérer son argent car il estime que son contrat est
toujours valide. Il entend donc entamer des moyens juridiques. Du
côté de la SSQ, on affirme avoir «tous les éléments
au dossier pour faire la preuve à la cour de notre bon droit.»
«Je
conseille à monsieur à l'avenir d'être
honnête avec son assureur.»
- Jocelyne Bergeron, vice-présidente, SSQ.
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«Je
trouve que c'est injustifié. (
) S'ils avaient
des choses à me demander, ils n'avaient qu'à
les demander. (
) S'il y avait des renseignements
supplémentaires qu'ils voulaient savoir, ils n'avaient
qu'à aller vérifier ou à les demander.
J'y suis pour rien là-dedans.»
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En
conclusion
Puisque
la SSQ a annulé sa police d'assurance et qu'elle lui a remboursé
ses primes, monsieur a dû trouver un autre assureur pour sa
voiture. Ce qui n'a pas été facile. En raison de son
histoire, les dommages à sa voiture ne sont plus couverts s'il
est responsable d'un accident et sa prime lui coûte quatre fois
plus cher que la moyenne des conducteurs.