Émission 225

Le mardi 22 octobre 2002



Assurance-auto :
faut-il tout dire?



Lorsqu'on assure sa voiture, ça se passe souvent au téléphone. C'est un contrat basé sur la bonne foi. Ça semble simple, mais vous êtes-vous déjà demandé ce que vous avez l'obligation de dire à votre assureur à ce moment? Quelles informations sont nécessaires pour qu'il évalue le risque que vous représentez et accepte ou non de vous assurer?

Pour le savoir, voici l'histoire d'un citoyen qui a gardé une information pour lui lors de la prise d'assurance pour son auto et qui aujourd'hui en paie le prix.





Les faits...

Ces dernières années, tout allait assez bien pour ce Sherbrookois. Mais, à l'automne 2001, des problèmes financiers font en sorte qu'il n'arrive plus à payer ses créanciers. Son compte en banque est à sec.

« Plein de choses que je laissais retarder et je me disais, je vais prendre le dessus, je vais prendre le dessus…»

En décembre, la compagnie Assurances générales des caisses Desjardins, qui assure sa voiture et sa maison, résilie la police d'assurance pour non-paiement des primes.

« Je ne répondais même pas aux lettres. Ils se sont dits, bon on résilie le contrat.»

Monsieur décide alors de régler ses dettes. Il reçoit alors le soutien de son père qui l'aide à se refaire une santé financière. Deux mois après la résiliation de sa police, le premier février 2002, il décide de ré-assurer sa voiture. Cette fois, il contacte une autre compagnie avec qui il a déjà fait affaires, la SSQ Assurances générales. Comme c'est l'habitude, il répond aux questions qu'on lui pose sur sa nouvelle voiture et sa situation personnelle. Selon monsieur, «Tout se passe de façon très rapide.»

De nouveau assuré, il peut reprendre la route mais, pas pour très longtemps… À peine deux jours plus tard, il perd la maîtrise de son auto sur une petite route de campagne enneigée. L'auto est envoyée chez un carrossier. Évaluation des dommages :13 000$.

Les travaux ne débutent pas tout de suite, puisque la compagnie d'assurance veut enquêter avant d'indemniser. Finalement, trois semaines après l'accident, il reçoit une lettre de la compagnie d'assurance qui indique que : «Notre enquête révèle plusieurs irrégularités, notamment l'omission de nous déclarer avoir été résilié par votre ancien assureur (…) nous devons résilier le contrat en titre ab initio, c'est-à-dire depuis sa date d'entrée en vigueur.» Abasourdi, monsieur dit ne pas comprendre ce qui se passe.
..

Une fausse déclaration?


La SSQ prétend que «L'assuré a fait une fausse déclaration. Nous avons annulé ab initio son contrat, c'est à dire que c'est comme s'il n'y avait jamais eu de contrat. Donc, (..) il n'y a pas d'assurance», explique Jocelyne Bergeron, vice-présidente.



Mais pourquoi la compagnie d'assurance qualifie l'acte de monsieur de fausse déclaration?
«Lorsque monsieur (…) s'est assuré, il ne nous a pas déclaré qu'il avait été annulé pour non-paiement de ses primes par son assureur précédent (…) et ça c'est passé un petit peu moins que deux mois avant qu'il nous appelle. Si nous avions su qu'il avait été annulé pour non-paiement, nous n'aurions pas accepté de l'assurer», précise Mme Bergeron.

Au Bureau d'assurance du Canada (BAC), on nous explique pourquoi les compagnies d'assurances exigent de connaître ce type de renseignements : «À un moment donné, il faut qu'il y ait une confiance entre l'assuré et l'assureur, et les assureurs ont des statistiques qui démontrent qu'il y a une corrélation entre les gens, la situation financière des gens et les réclamations, la fréquence et tout ça, la fraude bon», affirme Me Louis H. Guay, vice-président adjoint.

Client ayant des difficultés financières = client à risque?


Aux yeux du BAC, les clients qui ont de la difficulté à payer leur prime d'assurance «pourraient être des clients plus à risque». Mais chez Option Consommateurs, on voit les choses d'une toute autre façon : «Je ne crois pas que parce qu'une personne a des difficultés financières, il y ait plus de risques qu'elle ait un accident. (…) peut-être plus de risques que si elle ait une petite réclamation elle réclame, mais ça malheureusement, ça ne fait pas vraiment partie de l'établissement du risque», estime Me Marc Migneault.

Non-paiement des primes : un critère majeur pour les assureurs

L'annulation d'une police antérieure pour non-paiement des primes demeure un critère important à la SSQ : «C'est un contrat qui est basé sur la bonne foi. Donc, on veut que l'assuré déclare les circonstances qu'il connaît et qui pourraient nous influencer. (Or) malheureusement, lorsqu'un assuré est annulé pour non-paiement, nous n'acceptons pas de l'assurer», affirme Mme Bergeron.

Pourtant, monsieur est catégorique : jamais la SSQ ne lui a posé de question sur l'annulation de son ancienne police. Du côté de la SSQ, on se dit convaincu que le ou la préposé (e) a vérifié cette information : «(Ils) ont cette question-là systématiquement à leur écran (…) et comme c'est arrivé dans un délai très court, monsieur s'en souvenait». Mais ni la SSQ ni monsieur n'ont pu fournir de preuves de leurs allégations.

L'assuré a-t-il une obligation de déclarer toute information?


Selon le BAC, afin d'éviter de voir un jour son contrat annulé, «L'assuré a une obligation de déclarer (…) tous les faits pertinents que l'assureur devrait savoir et qui touchent le bien à assurer. (…) Il a aussi l'obligation de déclarer toutes les choses qui touchent sa personne et qui peuvent avoir un impact : les réclamations antérieures, la relation qu'on a pu avoir avec un assureur avant, la résiliation de contrat, l'annulation de contrat, les antécédents
judiciaires aussi».

Monsieur considère lui, qu'il ne s'agissait pas là d'informations importantes que devait savoir son nouvel assureur : «Non parce que je me disais je repars en neuf, de l'argent il y en a dans mon compte, puis ma marge de crédit est revenue à flot, je vais m'organiser pour que ça ne se reproduise plus.»

Advenant le cas où un assuré «cache» une information, que se passe-t-il? L'assureur peut-il automatiquement résilier son contrat?


Selon Option consommateurs, «Si l'assureur peut démontrer que c'était un fait important dans l'établissement de la prime ou dans l'acceptation du risque (…) un assureur raisonnable n'aurait pas assuré cette personne-là si elle l'avait su. À ce moment-là, on peut donc annuler la police et rembourser les primes.», affirme Me Marc Migneault.

Quant au cas présent, l'avocat doute que le tribunal «arriverait à la conclusion que les simples problèmes de solvabilité d'un individu soient un fait important.» Ainsi, l'homme de notre histoire pourrait peut-être avoir raison. Toutefois, le BAC croit tout de même que la SSQ a bien agi en résiliant son contrat car «La pratique de SSQ dans un cas comme ça suit tout à fait ce qui se passe dans l'industrie.»

La suite : devant les tribunaux

Devant le refus de payer de la SSQ, monsieur a finalement dû faire réparer sa voiture à ses frais. Il veut maintenant récupérer son argent car il estime que son contrat est toujours valide. Il entend donc entamer des moyens juridiques. Du côté de la SSQ, on affirme avoir «tous les éléments au dossier pour faire la preuve à la cour de notre bon droit.»

L'assureur…
L'assuré…
«Je conseille à monsieur à l'avenir d'être honnête avec son assureur.»

- Jocelyne Bergeron, vice-présidente, SSQ.
«Je trouve que c'est injustifié. (…) S'ils avaient des choses à me demander, ils n'avaient qu'à les demander. (…) S'il y avait des renseignements supplémentaires qu'ils voulaient savoir, ils n'avaient qu'à aller vérifier ou à les demander. J'y suis pour rien là-dedans.»

En conclusion…

Puisque la SSQ a annulé sa police d'assurance et qu'elle lui a remboursé ses primes, monsieur a dû trouver un autre assureur pour sa voiture. Ce qui n'a pas été facile. En raison de son histoire, les dommages à sa voiture ne sont plus couverts s'il est responsable d'un accident et sa prime lui coûte quatre fois plus cher que la moyenne des conducteurs.


Hyperliens pertinents :

Bureau d'assurance du Canada (BAC)


Option consommateurs



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