Émission 224

Le mardi 15 octobre 2002

 


CHAMP D'ÉPURATION :
Les
tests de percolation, indispensables!




En ville, on ne se pose pas de question, nos eaux usées vont dans les égouts. Mais, à la campagne, pour traiter leurs eaux usées, les citoyens n'ont d'autre choix que de faire construire une fosse septique et un champ d'épuration. Au Québec, on dénombre plus de 700 000 de ces installations septiques privées.

Le type de sol est déterminant pour le bon fonctionnement du champ d'épuration. Un citoyen de Ste-Sabine a fait construire la mauvaise installation septique sur le mauvais type de sol.

Conséquence : regardez bien et, heureusement, vous ne sentirez rien. Mais, à qui la faute?





Les faits...

En 1999, un couple construit sa maison, dans la petite municipalité de Ste-Sabine, en Montérégie. Mais… Ce qui devait ressembler au bonheur se transforme rapidement en cauchemar. Dans la maison, utiliser l'eau est devenu un véritable enfer…


«C'était vraiment dégueulasse, à chaque fois qu'on avait des invités qui venaient à la maison (…) ça sentait, quand il faisait chaud, les odeurs étaient encore plus fortes (…) C'est très désagréable dans la maison : il y a la toilette qui bouche souvent…»

«On s'est levé un matin (d'hiver) : plus rien ne fonctionnait… L'eau monte dans le renvoi principal, puis là, il n'est plus question qu'un évier coule, qu'une toilette part ou quoi que ce soit. Même l'eau sort par le couvert du réservoir septique...»


Pourtant, pour construire leur champ d'épuration, le couple a suivi les recommandations de leur inspecteur municipal. Ce dernier a lui-même rempli la demande de permis, fait les croquis et pris les mesures. Bref, c'est bien lui qui a décidé du type d'installation

L'inspecteur avait recommandé un champ d'épuration classique, un système parfait pour les terrains sablonneux de la région. Coût des travaux : 4100$. Puis, un entrepreneur a effectué les travaux sous sa supervision. Ce dernier a refusé de nous accorder une entrevue.


Des spécialistes se prononcent

Découragé du mauvais fonctionnement de son champ d'épuration, le couple mandate un groupe de consultants, des spécialistes de la qualité des sols, pour expertiser son terrain et ses installations septiques.

*Contrairement à ce qu'avait dit l'inspecteur municipal, les consultants découvrent que le terrain du couple est argileux et non sablonneux. Sur un sol aussi peu perméable, on ne doit pas construire un champ d'épuration de type classique, comme celui qui a été suggéré par l'inspecteur.

* Le sol argileux des propriétaires aurait plutôt nécessité un champ d'épuration hors-sol : c'est-à-dire un champ pour lequel on érige artificiellement une masse filtrante.


Puis un autre expert…

Pour en avoir le cœur net, La Facture a requis, à son tour, l'avis d'un expert. Selon lui, l'inspecteur municipal aurait dû avoir constaté la dureté du sol : «Il aurait dû voir ça facilement.» Même chose pour l'entrepreneur, qui aurait dû, selon lui, s'apercevoir des problèmes éventuels : «Il aurait dû prévoir que c'est loin d'être un sol homogène et qu'il aurait fallu qu'il prenne certaines précautions.»

Les deux expertises confirment que le terrain du couple est argileux. Alors pourquoi l'inspecteur a-t-il précisé sur la demande de permis que la nature du sol était du sable?


Les tests de percolations : indispensables!

Sur les demandes de permis, on peut lire que l'inspecteur n'a pas effectué de tests de percolation, tests qui permettent de mesurer la capacité d'absorption du sol.


René Drouin, président de la Corporation des officiers municipaux,
dont l'inspecteur de notre histoire est membre, a refusé de commenter le cas de Ste-Sabine. M. Drouin a confirmé que les tests de percolation sont indispensables au bon fonctionnement des installations septiques : «C'est la base, c'est important que ce soit fait, puis de vérifier la profondeur de la nappe phréatique, pour ne pas qu'on se retrouve avec des problèmes éventuellement.»

Au Québec, ce ne sont pas toutes les municipalités qui exigent des tests de percolation. Pour l'avocat Daniel Chenard, c'est le début des problèmes :

«Je pense que ce qui est le déclencheur là-dedans, c'est la municipalité, c'est l'inspecteur. Si (ce dernier) avait demandé les informations appropriées au début, on serait en mesure de savoir si on a un bon champ d'épuration ou non. La personne qui l'installe doit connaître son métier également, doit être en mesure de connaître le sol, comment il va réagir.»

L'entrepreneur nous confirme avoir vérifié la capacité d'absorption du sol. Mais selon lui, l'inspecteur n'aurait jamais demandé à voir les résultats de ce test.

Une erreur camouflée…

Le couple nous affirme qu'un an après avoir rempli la première demande de permis, l'inspecteur aurait tenté de camoufler son erreur en remplissant une deuxième demande de permis modifiée… Sur la deuxième demande, on a changé la nature du sol: le sable est devenu de la glaise…. Dans la première demande, les travaux sont approuvés. Dans la deuxième, ils sont refusés!

«Il nous a dit : "Si vous voulez aller en cour contre (l'entrepreneur), j'aurais une solution : vous allez me le remettre (le permis original), moi je vous en ai préparé un autre (où) je change les données, ce n'est plus du sable, c'est de la glaise. Je le refuse, vous me le signez, vous me remettez l'original, puis après ça si vous avez à aller en cour, je vais pouvoir aller témoigner pour vous…"», rapporte les propriétaires. Quant à l'inspecteur, il n'a jamais nié avoir falsifié une deuxième demande de permis.

Une erreur que l'on tente de corriger…

L'année dernière, l'inspecteur municipal et l'entrepreneur tentent de régler le problème. Ils procèdent à l'installation d'un tuyau supplémentaire qui rejette, plus loin, tout ce que le champ ne peut absorber.

L'inspecteur aurait d'abord demandé la permission au couple. Une information que l'inspecteur nie aussi : «Du tout. Comment j'aurais pu faire ça, de dire à quelqu'un de poser un tuyau qui se rejette dans le fossé?» L'entrepreneur nous a pourtant confirmé que l'inspecteur était bel et bien sur les lieux au moment de l'installation du tuyau de déviation.

Le tuyau est-il la solution?

«Je dirais qu'il a bouché les trous temporairement. Le champ ne bloquait plus, sauf qu'on avait des odeurs qui sortaient. L'an passé, c'était effrayant, à trois quatre cents pieds d'ici, on pouvait sentir l'odeur directement d'une fosse septique (…)», affirme le propriétaire.


Le tuyau évacue le trop-plein du champ d'épuration dans le fossé : le couple contrevient ainsi aux lois environnementales. Et comme si ce n'était pas assez… L'inspecteur municipal vient d'émettre une contravention de 138$ pour l'installation du tuyau d'évacuation dont il aurait lui-même supervisé la réalisation!

« Je reçois une amende pour me présenter en cour pour enlever quelque chose que je n'ai même pas installé. Et en plus, si je l'enlève, tout va bloquer! (...) Je suis responsable de quoi? D'avoir fait confiance à des professionnels!» - le propriétaire.

En conclusion…

Monsieur poursuit la municipalité. Il veut être dédommagé pour être capable de refaire ses installations septiques. Mais ni la ville, ni l'inspecteur ne veulent attendre le résultat de cette poursuite : la municipalité a donné 10 jours à monsieur pour refaire en entier, et à ses frais, son champ d'épuration. Quant à l'inspecteur, il menace monsieur d'une amende s'il ne complète pas son terrassement.

Une histoire que nous allons suivre!

Hyperlien pertinent

Eaux usées
Site du Ministère de l'Environnement





 


 

 

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