Émission 223

Le mardi 8 octobre 2002



Piano neuf ou d'occasion?




Vous êtes à la veille de prendre votre retraite. Comme beaucoup de monde, vous souhaitez prendre le temps de réaliser enfin un vieux rêve. Voyager, suivre des cours, cultiver un grand jardin, faire de la musique : toutes ces activités auxquelles vous n'avez jamais pu consacrer du temps au cours des trente ou quarante dernières années.

Se remettre au piano, c'était le rêve d'une dame de Sainte-Julienne, au nord de Montréal. Et, première étape, il lui fallait acheter un piano. Un piano neuf, évidemment.




Les faits...

Sur les recommandations de son professeur, madame désire acheter une marque particulière, soit «Technics».
Décidée à avoir cette marque, madame appelle chez un premier magasin, où elle apprend que la marque est disponible. Elle décide donc de s'y rendre, et trouve effectivement ce qu'elle cherche : un piano électronique de marque «Technics.» Elle l'achète sans hésiter, heureuse de s'offrir enfin un piano tout neuf. Le prix : 3,795.00 $avant taxes.



Mais.. Madame a beau savoir jouer du piano, un piano électronique c'est bien différent! Au bout de huit mois, elle n'arrive toujours pas à tirer partie des possibilités techniques de l'instrument : elle décide donc de prendre un cours. Elle appelle au hasard chez Nantel Music, chez qui on vend aussi des produits «Technics».

Alors qu'elle indique au commerçant qu'elle possède un piano neuf de marque «Technics», celui-ci lui dit que c'est impossible… Le piano ne peut être neuf s'il n'a pas été acheté chez lui, car il est le seul distributeur exclusif des pianos de marque «Technics» pour la grande région de Montréal…


Le propriétaire vérifie le numéro de série du piano, indiqué sur la facture de la cliente, afin de retracer son origine : le piano a bel et bien été vendu la première fois par ce commerçant, en décembre 2000…

Madame est sous le choc! Son beau piano neuf n'est pas neuf du tout et a d'abord appartenu … à un citoyen de Laval.

La retraite de madame commence décidément
sur une fausse note…



D'occasion, et trop cher…

Frustrée, madame décide de se rendre chez celui qui lui a vendu le piano d'occasion. Munie d'une enregistreuse qu'elle met dans son sac à main, elle enregistre sa conversation avec le commerçant. Le vendeur ne démord pas : il soutient qu'il y a huit mois, il lui a bel et bien vendu un piano neuf. Il refuse de la rembourser. Le jeu se complique…

Ce que le vendeur ne lui a évidemment pas dit, c'est qu'un piano d'occasion de ce modèle se vend normalement sur le marché environ 1,000 $ de moins que ce qu'elle a payé :

«Selon l'état de l'appareil, selon l'usure du meuble, etc. Donc, on pourrait facilement déprécier, ce serait en bas de 3000 $…» affirme Martin Nantel, de chez Nantel Music.

Décidée à se débarrasser de son piano, madame poursuit ses démarches. Elle entre alors en contact avec le vice-président du commerce, à qui elle réclame le remboursement complet de son piano.

L'homme d'affaires lui fixe alors un rendez-vous pour le surlendemain. Madame s'y rend, avec la ferme intention de ne pas abdiquer, convaincue de son droit d'être remboursée. Droit que lui reconnaît d'ailleurs l'avocat Jean-Pierre Fafard, spécialisé en consommation :

«Vous avez omis de me donner une information importante à l'effet que le piano était usagé, et la personne, selon les informations que j'ai, croyait qu'elle achetait un piano neuf. Donc dans ce sens-là, elle payait un juste prix pour un piano neuf. Si c'est un piano usagé, c'est un prix moindre.»


Mauvais présage : la rencontre avec le vice-président du commerce n'a duré que quelques minutes… Le commerçant refuse de rembourser madame : il lui propose plutôt d'échanger son piano contre une autre, mais de marque différente. Ce que madame refuse, évidemment.

Qu'est-ce qui prévaut : la facture ou les propos du vendeur?

La Facture décide d'aller rencontrer à son tour le vice-président. Il accepte de nous parler, mais sans la présence de la caméra. Grosso modo, il soutient qu'un an après la vente, l'offre qu'il fait à madame est très raisonnable.

Par ailleurs, il ajoute, que le mot «used» , qui veut dire d'occasion, est inscrit sur le coupon de caisse. Une inscription que madame n'avait pas remarquée‚ au moment de l'achat.

«C'est rare qu'on décortique une petite facture de caisse enregistreuse. Moi j'ai juste regardé le montant à payer qui était un bon montant, j'ai fait mon chèque…» - affirme madame.

Malgré ce qui est écrit sur le coupon de caisse, le vendeur lui, que nous avons rejoint au téléphone, prétend toujours que le piano était neuf…

Alors, ce qui prévaut, c'est ce que le vendeur lui a dit, ou la facture ? «C'est un ensemble de preuves à l'effet que, à savoir s'il était usagé ou neuf. Alors un ensemble de preuves, ça peut être les représentations du vendeur lors de l'achat, ça peut être la facture, les représentations du vendeur après la vente, s'il continue à prétendre que la marchandise était neuve. Madame a raison de croire qu'elle avait acheté un piano neuf», affirme Me Fafard.

En conclusion…

Le dossier se règlera peut-être au tribunal des petites créances. Le commerçant veut rembourser madame, mais sans les taxes qui, sur un montant de 3795 dollars, s'élèvent à près de 570 dollars. Madame, elle, veut tout récupérer. C'est un bémol dans une histoire qui aurait pu se terminer dans l'harmonie.



Hyperlien pertinent :

Office de la protection du consommateur




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