Émission 222

Le mardi 1er octobre 2002


Terrain privé en zone inondable:
qui est responsable?





«Je subis des inondations régulièrement, deux ou trois fois par année, dues au mauvais écoulement des eaux. Automne, hiver et même en plein été».


Lorsqu'on décide de s'installer sur les bords de la rivière Richelieu, ce n'est pas seulement une maison qu'on achète. C'est aussi un environnement, un mode de vie.

Or, depuis dix ans, un citoyen de St-Charles-sur-Richelieu vit dans la hantise des inondations. Dans son histoire il y a un voisin, un conseil municipal, la municipalité régionale de comté, le ministère de l'Environnement et… un profond sentiment d'injustice.




Les faits...

En 1988, un homme achète la propriété parfaite pour bien profiter de sa retraite à St-Charles-sur-Richelieu, en bordure de la rivière. Mais la quiétude et le repos recherchés n'auront duré que quatre petites années…


«Ça inonde à aller jusqu'à la base des arbres, ce qui donne environ
18 à 24 à 30 pouces d'eau sur mon chemin d'accès de ma propriété
...»

Les problèmes de ce citoyen commencent en 1992. Ils n'ont rien à voir avec le débordement de la rivière Richelieu, mais plutôt avec l'arrivée de nouveaux voisins : ceux-ci se seraient servis d'une flottille de pelles mécaniques et de camions de terre pour surélever le niveau de leur terrain.

1- L'écoulement naturel des eaux se fait des montagnes
et des champs agricoles avoisinants vers la propriété de monsieur et celle de ses voisins, puis se termine
dans le Richelieu;

2- L'eau se jette finalement dans le Richelieu;

3- En élevant le niveau de leur terrain, les voisins bloquent l'écoulement naturel de l'eau qui s'accumule sur le terrain de monsieur et l'inonde.

La dernière inondation remonte au 28 mars 2002 : «Il a fallu que je sorte en marchant le long du Richelieu …(Que je) me rende jusqu'au troisième voisin, et après ça, aller prendre ma voiture que j'avais laissée au bord du chemin des Patriotes. (…) T'as le goût de pleurer quand tu vois ça, surtout quand ça fait dix ans que ça dure, ça devient complètement intolérable…»

Les voisins : ont-ils fait des efforts?

Les voisins ont fait une canalisation, mais au contraire de ce qu'ils croyaient, ils n'étaient pas sur leur terrain : une nouvelle délimitation des propriétés a en effet démontré que les travaux ont plutôt eu lieu chez le citoyen de notre histoire. Quant à lui, il estime que ses voisins ont agi sans obtenir sa permission.

La qualité des travaux

Est-ce que les voisins ont choisi la bonne canalisation, les bons tuyaux? Non, nous répond monsieur : «Mes experts me disent que les tuyaux sont trop petits, que la pente d'écoulement n'est pas bonne.»


* La Facture a tenté d'obtenir des explications des voisins, mais ils ont refusé de nous rencontrer.

* La canalisation qu'ils ont faite sur le terrain du résidant de notre histoire est à ce point mal exécutée qu'un peuplier de 15 centimètres de diamètre pousse à travers…

* L'eau des terrains voisins emprunte la canalisation inadéquate installée sur le terrain de monsieur, puis emprunte une autre canalisation en direction du Richelieu. Cette autre canalisation serait tout aussi inadéquate que
la première et créerait un refoulement
sur le terrain de monsieur.

La municipalité

Le citoyen de notre histoire estime que la municipalité n'a rien fait dans ce dossier. Pendant trois ans, il presse les dirigeants municipaux d'agir pour corriger la situation. Le maire actuel de la ville, qui était inspecteur de voirie à l'époque, prétend le contraire : «Il y a eu des travaux qui ont été fais, portés à notre connaissance et on a arrêté les travaux immédiatement dans les quelques jours qui ont suivi. On a même remercié le propriétaire d'avoir cessé les travaux…»

Faux, estime le citoyen : les travaux se sont étendus sur une période d'au moins trois ans, de 92 à 95…

Une zone inondable

En 99, monsieur découvre que son terrain, de même que celui de ses voisins, sont situés dans une zone inondable vingtenaire, c'est-à-dire avec un risque d'inondation à tous les 20 ans. Or au ministère de l'Environnement, on nous explique que dans un tel cas, c'est la municipalité qui devient responsable :

«Lorsque l'on fait référence à une activité de nature privée, que ce soit au niveau urbanisme, de construction de maison, au niveau de remblaiement comme c'est le cas du dossier qui nous concerne, la responsabilité relève depuis plusieurs années de la municipalité, qui elle, doit adopter un règlement à l'intérieur du schéma d'aménagement qui a été adopté par la MRC»,
- Pierre-Hugues Boisvenu, ministère de l'Environnement.
»


* Ces mesures de protection des zones inondables
existent depuis 1989.

* Pourtant, les voisins de monsieur ont effectué l'aménagement de leur terrain trois ans plus tard.

* Du côté de la municipalité, on affirme pourtant «qu' en général, on ne peut pas effectuer de travaux dans une zone inondable, soit un remblai ou du creusage ou des
choses comme ça».

Puisque le ministère de l'Environnement a établi que la zone inondable existait, monsieur exige que la réglementation à ce sujet soit appliquée. De plus, un rapport d'inspection du ministère de l'Environnement donne raison à la plainte du citoyen dans cette affaire.

Jusqu'à présent, le ministère a rencontré la municipalité à quelques reprises pour l'inciter à appliquer son règlement.

On se renvoie la balle…

Le ministère de l'Environnement… attend que la municipalité de St-Charles-sur-Richelieu fasse respecter sa réglementation.

La municipalité… dit attendre de récentes cotes d'élévation de terrain du ministère de l'Environnement, que le ministère n'a pas.

Bref, tout le monde attend et rien de concret
n'est fait dans le dossier du citoyen.

«Faut pas être un génie pour savoir que depuis 10 ans, mon terrain inonde deux ou trois fois par année, que son terrain est complètement sec. Bon dieu, qu'ils s'ouvrent les yeux!»

Le citoyen entame des poursuites…

Le citoyen intente des poursuites contre ses voisins pour lui avoir causé des dommages, des poursuites également contre la municipalité pour ses fautes et négligences dans ce dossier. Après dix ans de tracas et une dépense de 60 mille dollars, il demande en tout dernier recours à la municipalité régionale de comté de la Vallée du Richelieu d'intervenir, en appliquant la réglementation sur la zone inondable.

Monsieur peut bien déployer tous les efforts inimaginables pour se trouver des alliés, mais la MRC, elle, refuse d'intervenir. Il se retrouve donc seul…

«Si monsieur était venu nous voir dès le départ avant d'intenter des poursuites, à ce moment-là, le portrait aurait été très différent et les possibilités pour la MRC d'intervenir sans danger de se mettre en contradiction avec des jugements éventuels n'auraient pas été là».

- Pierre Bourbonnais, préfet, MRC de la Vallée du Richelieu.

En conclusion…

La saga de ce citoyen est loin d'être terminée. La poursuite pour dommage intentée contre ses voisins sera entendue en mai 2003. La poursuite contre la municipalité sera, elle aussi, portée en justice l'an prochain. Entre-temps, il risque de devoir affronter d'autres inondations…

Hyperliens pertinents

Politique de protection des rives,
du littoral et des plaines inondables

Site du Ministère de l'Environnement

Construction en zones inondables : Les municipalités devraient analyser les risques avant de permettre la construction dans des zones de plaines inondables
Article, Inforoute municipale, 16 mars 2000.




 


 

 

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