Un
cours de recyclage,
mais à quel prix!
«J'ai
une dette à rembourser de $42,332. Je suis incapable de rembourser
cette dette là».
Depuis
25 ans, une dame est infirmière auxiliaire au Centre hospitalier
régional de Lanaudière. Or depuis novembre 2001, elle
est en congé de maladie
Cette infirmière auxiliaire s'est endettée lourdement
envers son employeur, pour compléter un cours intensif de recyclage
lui permettant de devenir infirmière diplômée. Et
elle n'est pas la seule
La Facture a rencontré quatre de ses collègues qui
ont tous suivi ce cours de recyclage, et qui se sont tous retrouvés
avec une lourde dette sur les épaules
Des dettes variant
entre $42,000 et $52,000
L'un d'entre eux a même dû
faire faillite personnelle.
Problèmes
psychosomatiques, burnout, faillite personnelle, bref l'expérience
a tourné au cauchemar.
Pourtant, ils ont tous réussi leurs cours et sont bel et
bien devenus infirmiers et infirmières.
Mais ce sont les avances de salaires consenties par l'hôpital
durant les deux années de cours qu'ils n'arrivent pas à
rembourser.
|
|
« Sur la première paye que j'ai eue de remboursement,
l'hôpital m'avait enlevé 402$. Ce qui me restait,
c'était 500 $ et quelques. Je leur ai dit que je ne pouvais
pas arriver avec ça
Ils ont arrêté mes
remboursements.»
|
Madame et ses collègues affirment qu'on ne leur a pas expliqué
clairement ce dans quoi ils s'engageaient en signant leur contrat de
recyclage. Ils réclament qu'on efface leur dette.
Ambiguïté sur les salaires
Pour les cinq nouveaux
diplômés, il était clair que le prêt octroyé
par l'hôpital devait être remboursé à la fin
du cours. Cependant, tout n'était pas si clair au niveau salarial
:
Les
auxiliaires n'ont jamais su précisément quel
serait leur nouveau salaire, ni leur capacité de remboursement
une fois devenus
infirmiers et infirmières.
|
|
La
direction de l'hôpital a mis sur pied en catastrophe le
projet de recyclage, n'offrant aux participants que deux séances
d'information pour se familiariser avec le programme.
|
Aux yeux du directeur
des Ressources humaines, qui s'est occupé personnellement du
programme, ce programme était financièrement avantageux
pour les participants : «
La perspective de gain au niveau de l'échelle salariale des infirmières
était en mesure de permettre à ces employés-là
de faire face à cet emprunt. »
C'est aussi ce que croyaient les futurs infirmiers et infirmières,
qui étaient convaincus que leur augmentation salariale allait
couvrir leur emprunt. Par exemple, la dame de notre histoire comprenait
qu'elle passerait du salaire du 10ième échelon d'infirmière
auxiliaire qu'elle recevait en 98, au salaire du 11 ième échelon
des infirmières lors du retour au travail en 2001. La différence
de salaire lui aurait permis de rembourser facilement sa dette de $171.80
par semaine.
Le directeur des Ressources humaines affirme qu'il n'a pas parlé
d'un échelon salarial supérieur, mais plutôt «
du montant salarial qui suivait immédiatement leur montant salarial
».
Une
grosse différence
En prenant pour base le salaire supérieur et non l'échelon
salarial supérieur, madame passe de $644.53 (son
salaire d'auxiliaire au début du cours en 98 ) à
$691.29 à son retour au travail en 2001. Ce qui lui
rapporte à peine $46.00 de plus par semaine pour rembourser
$171.80. Bref, elle n'arrive plus à boucler son budget
|
Ambiguïté
sur le taux d'intérêt
Et le taux d'intérêt de l'emprunt, qu'en était-il
exactement? Le directeur des Ressources humaines nous indique «qu'il
n'y a pas eu de chiffres avancés». Tout compte fait, c'est
un véritable flou artistique qui a entouré la mise en
place de tout ce projet. Il fallait faire vite, et les auxiliaires ont
plongé, en faisant confiance à la direction les yeux fermés
«
Ça fait 25 ans que je travaille à cet hôpital.
Je n'ai eu aucun doute que je pouvais
me ramasser avec une telle facture » .
|
Aucune
enquête de crédit
La
direction de l'hôpital affirme ne pas avoir fait d'enquête
de crédit préalable auprès des futurs infirmiers
et infirmières, estimant qu'elle n'est
« pas un établissement financier, mais un établissement
de santé qui a voulu aider des employés à cheminer
dans un cours de recyclage ».
Du côté
de la direction de Régie régionale, qui a autorisé
le projet, on admet ne pas avoir demandé à la direction
de l'hopital d'effectuer des enquêtes de crédit avant de
consentir à des avances salariales, puisqu'il "s'agissait
d'un engagement volontaire (
) d'un geste intéressant de
mobilisation du personnel et d'anticipation de problème de pénurie
".
Quant au syndicat des auxiliaires, il admet ne pas avoir pris
les devants pour faire les mise en garde qui s'imposaient à ses
membres.
Livrés à eux-mêmes, assaillis par les problèmes
financiers, certains membres du groupe n'ont pas résisté
à la pression et sont tombés malades. C'est le
cas notamment de la dame de notre histoire.
Pour l'instant, la direction de l'hôpital autorise ceux
qui en font la demande, de ne rembourser que les intérêts
de leur dette. On a aussi prolongé à 10 ans la
durée du prêt initialement échelonné
sur cinq ans. Or, pour les nouveaux diplômés, ce
n'est pas satisfaisant :
«J'ai été endetté plus que je
peux avoir comme revenu d'ici à ma pension. »
«Je ne veux pas perdre ma maison, je ne veux pas perdre
mon auto, je veux pas rien perdre. J'ai travaillé durement
pendant 24 ans pour avoir ce que j'ai
»
|
Une
seule demande : effacer leur dette
Ce
que réclament en fait la dame de notre histoire et ses collègues,
c'est qu'on efface leur dette, ce qui a d'ailleurs déjà
été fait dans d'autres hôpitaux pour des infirmiers
et infirmières auxiliaires qui étaient en disponibilité.
Ce qui est hors de question tant pour la direction de l'hôpital
que pour la Régie régionale.
Pour obtenir gain de cause, madame a donc frappé aux portes des
ministres Marois, Baril et Legault
Sans résultat. Son dossier
est toujours à l'étude. Pendant ce temps, les intérêts
sur sa dette continuent d'augmenter et madame n'est toujours pas apte
à retourner au travail.
Un
dossier que nous allons suivre!