Émission 220

Le mardi 17 septembre 2002


Un cours de recyclage,
mais à quel prix!


«J'ai une dette à rembourser de $42,332. Je suis incapable de rembourser cette dette là».

Depuis 25 ans, une dame est infirmière auxiliaire au Centre hospitalier régional de Lanaudière. Or depuis novembre 2001, elle est en congé de maladie…

Cette infirmière auxiliaire s'est endettée lourdement envers son employeur, pour compléter un cours intensif de recyclage lui permettant de devenir infirmière diplômée. Et elle n'est pas la seule…


La Facture
a rencontré quatre de ses collègues qui ont tous suivi ce cours de recyclage, et qui se sont tous retrouvés avec une lourde dette sur les épaules… Des dettes variant entre $42,000 et $52,000… L'un d'entre eux a même dû faire faillite personnelle.

Problèmes psychosomatiques, burnout, faillite personnelle, bref l'expérience a tourné au cauchemar.

Pourtant, ils ont tous réussi leurs cours et sont bel et bien devenus infirmiers et infirmières.

Mais ce sont les avances de salaires consenties par l'hôpital durant les deux années de cours qu'ils n'arrivent pas à rembourser.



« Sur la première paye que j'ai eue de remboursement, l'hôpital m'avait enlevé 402$. Ce qui me restait, c'était 500 $ et quelques. Je leur ai dit que je ne pouvais pas arriver avec ça… Ils ont arrêté mes remboursements.»

Madame et ses collègues affirment qu'on ne leur a pas expliqué clairement ce dans quoi ils s'engageaient en signant leur contrat de recyclage. Ils réclament qu'on efface leur dette.


Ambiguïté sur les salaires


Pour les cinq nouveaux diplômés, il était clair que le prêt octroyé par l'hôpital devait être remboursé à la fin du cours. Cependant, tout n'était pas si clair au niveau salarial :

Les auxiliaires n'ont jamais su précisément quel
serait leur nouveau salaire, ni leur capacité de remboursement une fois devenus
infirmiers et infirmières.


La direction de l'hôpital a mis sur pied en catastrophe le projet de recyclage, n'offrant aux participants que deux séances d'information pour se familiariser avec le programme.

Aux yeux du directeur des Ressources humaines, qui s'est occupé personnellement du programme, ce programme était financièrement avantageux pour les participants : « La perspective de gain au niveau de l'échelle salariale des infirmières était en mesure de permettre à ces employés-là de faire face à cet emprunt. »

C'est aussi ce que croyaient les futurs infirmiers et infirmières, qui étaient convaincus que leur augmentation salariale allait couvrir leur emprunt. Par exemple, la dame de notre histoire comprenait qu'elle passerait du salaire du 10ième échelon d'infirmière auxiliaire qu'elle recevait en 98, au salaire du 11 ième échelon des infirmières lors du retour au travail en 2001. La différence de salaire lui aurait permis de rembourser facilement sa dette de $171.80 par semaine.

Le directeur des Ressources humaines affirme qu'il n'a pas parlé d'un échelon salarial supérieur, mais plutôt « du montant salarial qui suivait immédiatement leur montant salarial ».

Une grosse différence…


En prenant pour base le salaire supérieur et non l'échelon salarial supérieur, madame passe de $644.53 (son salaire d'auxiliaire au début du cours en 98 ) à $691.29 à son retour au travail en 2001. Ce qui lui rapporte à peine $46.00 de plus par semaine pour rembourser $171.80. Bref, elle n'arrive plus à boucler son budget…

Ambiguïté sur le taux d'intérêt

Et le taux d'intérêt de l'emprunt, qu'en était-il exactement? Le directeur des Ressources humaines nous indique «qu'il n'y a pas eu de chiffres avancés». Tout compte fait, c'est un véritable flou artistique qui a entouré la mise en place de tout ce projet. Il fallait faire vite, et les auxiliaires ont plongé, en faisant confiance à la direction les yeux fermés…

« Ça fait 25 ans que je travaille à cet hôpital. Je n'ai eu aucun doute que je pouvais
me ramasser avec une telle facture »
.

Aucune enquête de crédit

La direction de l'hôpital affirme ne pas avoir fait d'enquête de crédit préalable auprès des futurs infirmiers et infirmières, estimant qu'elle n'est
« pas un établissement financier, mais un établissement de santé qui a voulu aider des employés à cheminer dans un cours de recyclage ».

Du côté de la direction de Régie régionale, qui a autorisé le projet, on admet ne pas avoir demandé à la direction de l'hopital d'effectuer des enquêtes de crédit avant de consentir à des avances salariales, puisqu'il "s'agissait d'un engagement volontaire (…) d'un geste intéressant de mobilisation du personnel et d'anticipation de problème de pénurie ".

Quant au syndicat des auxiliaires, il admet ne pas avoir pris les devants pour faire les mise en garde qui s'imposaient à ses membres.

Livrés à eux-mêmes, assaillis par les problèmes financiers, certains membres du groupe n'ont pas résisté à la pression et sont tombés malades. C'est le cas notamment de la dame de notre histoire.

Pour l'instant, la direction de l'hôpital autorise ceux qui en font la demande, de ne rembourser que les intérêts de leur dette. On a aussi prolongé à 10 ans la durée du prêt initialement échelonné sur cinq ans. Or, pour les nouveaux diplômés, ce n'est pas satisfaisant :

«J'ai été endetté plus que je peux avoir comme revenu d'ici à ma pension. »

«Je ne veux pas perdre ma maison, je ne veux pas perdre mon auto, je veux pas rien perdre. J'ai travaillé durement pendant 24 ans pour avoir ce que j'ai…»


Une seule demande : effacer leur dette

Ce que réclament en fait la dame de notre histoire et ses collègues, c'est qu'on efface leur dette, ce qui a d'ailleurs déjà été fait dans d'autres hôpitaux pour des infirmiers et infirmières auxiliaires qui étaient en disponibilité.

Ce qui est hors de question tant pour la direction de l'hôpital que pour la Régie régionale.

Pour obtenir gain de cause, madame a donc frappé aux portes des ministres Marois, Baril et Legault…Sans résultat. Son dossier est toujours à l'étude. Pendant ce temps, les intérêts sur sa dette continuent d'augmenter et madame n'est toujours pas apte à retourner au travail.

Un dossier que nous allons suivre!


Hyperliens pertinents

Fédération des infirmières et infirmiers du Québec (FIIQ)

La société de protection des infirmières
et infirmiers du Canada


Association des infirmières et infirmiers du Canada




 


 

 

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