Émission 219

Le mardi 10 septembre 2002


4 réclamations = plus assuré?

Depuis le printemps dernier, une mère de famille roule avec une voiture de 25 000$, sans assurance. Depuis que son assureur l'a laissée tombée, chaque fois qu'elle prend sa voiture, elle joue donc avec le feu... Mais celle-ci n'a pas le choix : son travail exige l'utilisation de son véhicule.

Son assureur lui refuse en fait pratiquement tout comme protections : le feu, le vol, le vandalisme, les accidents sans collision bref, tout, sauf… 100,000$ de responsabilité civile.

Une situation tout à fait déplorable aux yeux de Georges Iny, président de l'Association pour la protection des automobilistes (APA), qui juge que madame risque de «Tout perdre si son véhicule est volé ou déclaré perte totale».

Mais pourquoi cette conductrice est dans une si mauvaise posture? Simplement parce qu'au cours des cinq dernières années, elle a présenté quatre réclamations à son assureur…

Ses réclamations…

Il y a d'abord eu, en 97 et 98, deux petites réparations de pare-brise d'une valeur de quelques 80 dollars chacune. En avril 2000, un premier accident puis, à l'automne 2001, un petit accrochage.

Le total des réclamations en cinq ans s'élève à 4574 dollars. C'est moins que le montant des primes qu'elle a payées depuis qu'elle est avec cet assureur. Mais pour lui, c'est trop…

«J'ai reçu cette lettre qui disait que, à cause de ces réclamations, je n'étais plus assurable. Ma première réaction a été de téléphoner à mon assureur et de lui demander "c'était quoi l'affaire". C'est là que j'ai su qu'effectivement, étant donné que j'avais eu deux collisions dans les cinq dernières années, que j'étais maintenant considérée comme une conductrice à très haut risque et que je n'étais plus assurée…».

Bref, pour l'assureur de madame, deux accidents et deux réclamations mineures ont suffit pour justifier la résiliation de la police.

Un nouvel assureur pour madame? Loin d'être facile…

Madame n'a donc eu d'autre choix que de se trouver un autre assureur. Mais la chose est loin d'être facile : «Et là tu dois tout dire : "Donc, est-ce que vous avez déjà été refusée par une compagnie d'assurance?" J'ai été obligée de dire oui, ma propre compagnie avec laquelle je suis depuis neuf ans, vient de me refuser. Immédiatement, je suis refusée partout…»

Selon Georges Iny, dans un tel cas, magasiner ailleurs devient beaucoup plus difficile que de rester avec son propre assureur, car les compagnies d'assurance vont se fier sur la lettre d'annulation de l'assureur et ne regarderont pas plus loin. Celui-ci se dit toutefois convaincu que l'APA puisse trouver un nouvel assureur à la conductrice.

Mais surprise… Malgré son réseau de contacts, le président de l'APA ne parvient pas à dénicher une bonne couverture à prix abordable. Les réclamations de madame n'ont pourtant jamais dépassé les 4000$!

«Ce n'est pas le montant payé qui compte, c'est la fréquence des réclamations (…) C'est ça l'industrie des assureurs. Deux accidents responsables en trois ans, ils ne veulent rien savoir»,
affirme une courtière, rejointe par l'APA.

La courtière déniche finalement une assurance, mais avec une compagnie à très hauts risques : franchise de 1000 $, couverture contre la collision, le feu et le vol, au montant de… 2,727$.

Et si madame payait une franchise de 3 ou 5,000$, aurait-elle plus de chances d'obtenir une assurance collision, tout risque, et d'une compagnie régulière?

Négatif, nous répond la courtière :
«J'ai fait le tour du marché, ils m'ont tous déclinée. Et ce, à cause des fréquences : deux réclamations et plus, ils ne veulent rien savoir.»

La Facture a tenté d'obtenir une entrevue avec l'assureur de madame, ce qu'il a refusé. Celui-ci nous a plutôt référé au Bureau d'Assurances du Canada, où l'on nous a confirmé «qu'à partir de deux accidents en cinq ans (…) un assureur va examiner un dossier de plus près».

Une information «cachée» par les assureurs?

Selon le BAC, les assureurs évitent généralement de véhiculer ce genre d'information, question de se protéger contre la concurrence. Un silence qui est inacceptable, selon la dame de notre histoire : «D'après vous, est-ce que j'aurais réclamé ma dernière collision si j'avais su que j'allais être refusée comme ça? Non. Je trouve que c'est d'abuser de l'ignorance des gens».

L'assureur n'est-il pas tenu de nous aviser?


«Je pense que dans une institution financière, tout comme dans une compagnie d'assurance, il y a (différents) départements. Donc, je pense qu'une réclamation est traitée par le département des réclamations, et que le renouvellement fasse plutôt partie de la souscription. (…) C'est donc deux évènements dans la vie de la police qui sont traités par des gens différents», affirme Louis H. Guay, Bureau d'Assurances du Canada (BAC).


Un conseil : ne réclamez jamais en bas de 1000$

«Opter pour une franchise de 1000$, négocier auprès de plusieurs compagnies d'assurances (pour essayer de trouver le meilleur prix) et surtout, éviter de réclamer pour des petits dommages, car c'est justement la fréquence des réclamations qui fera augmenter votre prime d'assurance. Bref, deux incident de 20 000$ auront la même incidence sur votre prime que deux incidents à 10$».

- Michel Girard, chroniqueur au quotidien La Presse et spécialiste des finances personnelles.

 


Attention…

Si vous ne réclamez pas, vous devez quand même déclarer les incidents. La loi exige que vous déclariez tous les incidents qui peuvent influencer de façon importante le risque que vous représentez.

Et si on ne déclare pas?
«Quant on ment à son assureur, on s'expose à être pénalisé sévèrement, on peut perdre le droit à l'indemnité et l'assureur peut simplement résilier la police»,
- Louis H. Guay, Bureau d'Assurances du Canada (BAC).

Le texte de l'article 2466 du Code civil est clair :
"L'assuré est tenu de déclarer (...) les circonstances qui aggravent les risques (...) si elles sont de nature à influencer de façon importante un assureur dans l'établissement du taux de la prime (...) ou la décision de maintenir l'assurance".


Une étoile dans un pare-brise, un petit accrochage…
Doit-on déclarer les incidents mineurs?


«Cela dépend des assureurs, ça dépend des politiques», indique le porte-parole du BAP.

«Totalement ridicule», estime le chroniqueur Michel Girard. «Pourquoi aller affirmer que vous avez fait un accident si c'est un incident mineur? (…) Y'a des courtiers qui m'ont déjà dit de ne pas déclarer ce genre d'incidents mineurs. Pourquoi donc aller se tirer dans le pied si le courtier le conseille?»


Si vous décidez de ne pas déclarer un sinistre, sachez que vous jouez peut-être avec le feu.
Votre assureur pourrait découvrir que vous lui avez caché quelque chose et refuser de vous indemniser lors d'une prochaine réclamation

En conclusion...

Pour l'instant, madame n'a toujours pas d'assurance pour son véhicule, sauf l'assurance obligatoire pour responsabilité civile. Elle a donc réduit au maximum ses déplacements avec sa voiture.

Alors rappelez-vous : si vous êtes responsable de deux accidents, votre compagnie renouvellera sans doute votre assurance. Mais s'il y a deux autres incidents en plus, même mineurs, comme des pare-brises, alors le risque d'être refusé augmente.


Hyperliens pertinents

Association pour la protection des automobilistes (APA)

Bureau d'Assurance du Canada (BAC)

Groupement des assureurs automobiles

Société de l'assurance automobile du Québec

Office de la protection du consommateur




 


 

 

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