Phares
bleutés, lumière controversée
Depuis
quelques années, certaines voitures luxueuses sont équipées de phares
bleutés. Les constructeurs européens affirment qu'ils éclairent mieux.
Est-ce vrai?
Les études, comme
les vendeurs, se contredisent.
Mais
il reste un fait : ces phares sont devenus très populaires auprès
des propriétaires de voiture.
À
tel point que certaines
compagnies ont mis au point des ampoules traditionnelles imitant la
lumière bleutée des phares haut de gamme. Ainsi, tous les véhicules
peuvent en principe rouler avec des phares bleutés.
Sauf
que ces ampoules d'imitation sont souvent éblouissantes et peuvent
attirer des ennuis. Comme c'est arrivé à Alain Mireault, de Lavaltrie.
La
controverse
M. Mireault fait partie de ceux pour qui le bleu c'est mieux.
Selon lui, on voit mieux les obstacles sur une route non éclairée.
Il a donc installé des ampoules bleutées sur sa Honda.
Et
il a été intercepté par un policier qui lui a dit que ses phares n'étaient
pas légaux, qu'ils étaient trop éblouissants.
L'agent lui a laissé 72 heures pour les enlever et l'a menacé d'une
contravention de 135 $.
Que
dit la loi?
Pourtant,
aucune loi n'interdit la couleur bleutée des phares. Toutefois, le Code
de la sécurité routière exige qu'une automobile soit équipée
de phares blancs.
Comment expliquer,
alors, que les voitures luxueuses aient des phares bleus?
Tout
simplement parce que la loi les considère comme étant blancs, donc légaux,
comme l'explique André Côté, conseiller en sécurité routière
au Service de police de la Ville de Montréal : «Ce ne sont pas
des ampoules bleues comme telles; c'est blanc, mais avec une petite
teinte de bleu. Elles sont approuvées par le fédéral et par le provincial,
donc, pour nous, elles sont correctes.»
Par contre, les policiers se méfient des ampoules de remplacement bleutées
qui produisent une lumière soit trop bleue soit trop éblouissante.
André
Côté précise : «Si on est suivi par ce véhicule-là ou si on en
rencontre un, je ne suis pas certain que le conducteur ne se pose pas
des questions. Pendant qu'il se demande quel est ce véhicule, il n'est
pas attentif à la route. Ça peut être dangereux.»
Ampoules légales et illégales
L'avertisement du policier a incité Alain Mireault a remettre des ampoules
blanches sur sa voiture. Mais le policier avait-il raison?
Il faut savoir que plusieurs ampoules de remplacement sont conformes
aux normes de couleur et, donc, sont légales.
Bruno
Provencher, du CAA, est mandaté par la SAAQ pour l'inspection mécanique
: «On parle d'une teinte acceptable qui va varier de légèrement
jaunâtre à légèrement bleutée. Tout ce qui est excessif va faire partie
d'une non-conformité.»
Tout le problème est là : comment un policier peut-il, sur la route,
évaluer ce qui est excessif?
Il n'a pas à portée de la main les instruments de laboratoire
sophistiqués nécessaires pour mesurer le degré de bleu d'un phare.
Deux méthodes d'évaluation approximatives
André
Côté, du SPVM, reconnaît que les policiers se servent d'une méthode
approximative : «Si les phares du défendeur sont presque de la
même couleur (que ceux de l'autopatrouille) ou sont dans les blancs,
on peut présumer que les lumières son légales.»
Bruno Provencher, du CAA, utilise lui aussi une méthode d'évaluation
approximative :«On apprécie la texture de la lumière à l'œil,
on met un écran pour pouvoir voir en profondeur ce qu'elle réfléchit
comme couleur.»
Ces deux méthodes ne permettent pas de dire qu'une ampoule est légale.
Qu'est-ce qu'une ampoule légale?
Pour
être légale, une ampoule doit remplir deux conditions :
sa puissance ne doit pas dépasser 65 watts;
elle doit être identifée par les trois lettres du ministère
des transports américain : DOT (Department of transportation).
Ces lettres garantissent que le fabricant respecte les normes.
Outre
l'argument judiciaire, il y a une autre raison de vérifier la légalité
des ampoules bleues.
Elles sont de deux à cinq fois plus chères que les ampoules ordinaires
: leur prix peut atteindre jusqu'à 58 $.
Un test de La Facture
La Facture demande à M. Provencher, du CAA, d'évaluer six ampoules,
dont une qui appartient à Alain Mireault. Quand il a un doute, Bruno
Provencher vérifie si l'ampoule porte la mention DOT. Résultat : il
en refuse quatre.
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Mais
les ampoules que M. Mireault avaient sur sa Honda au moment de son arrestation
respectent les normes et, par conséquent, sont légales. Le policier
a donc commis une erreur.
André Côté admet que c'est possible : «Bien sûr, on est humain
comme tout le monde.»
Vente légale, usage illégal
Les
automobilistes auraient moins de problèmes si les commerçants ne vendaient
pas d'ampoules illégales.
Car
tout vient de là.
«La loi n'interdit pas la vente, dit l'agent Jean Baril,
de la Sûreté du Québec, mais interdit l'utilisation (de ces ampoules
bleues illégales).»
Et il ajoute qu'il y a une lacune dans la loi que le gouvernement devra
corriger.
Après analyse de ses ampoules bleues, Alain Mireault a décidé de les
réinstaller sur sa voiture.
Et il a l'intention de contester sa contravention si un policier lui
en colle une.
Il faut savoir que les autorités américaines réévaluent présentement
l'utilisation de ces ampoules.
Un dossier à suivre.
Un
ordinateur sans garantie malgré une subvention gouvernementale
Le
premier mai 2000, le gouvernement du Québec a mis en place le programme
Brancher les familles. Ce programme invitait les familles recevant
des allocations familiales à bénéficier d'un rabais pour accéder
à Internet et se procurer un ordinateur.
Jusqu'au 31 mars 2001, date de la fin du programme, l'État a subventionné
l'achat de 217 000 ordinateurs.
Plusieurs consommateurs qui ont acheté leur ordinateur dans un magasin
de Montréal, que nous appellerons Magasin Micro, se retrouvent
sans garantie.
C'est le cas d'un père de famille de Montréal.
Une offre alléchante
Ce
père de famille ne résiste pas à l'offre alléchante de Magasin Micro.
L'ordinateur coûte 1090 $.
Moins la subvention du gouvernement de 500 $, il revient à 590 $.
À ce prix-là, ce n'est pas un PC, mais un clone, c'est-à-dire un ordinateur
assemblé avec des pièces provenant de différents manufacturiers.
De mauvaise surprise en mauvaise surprise
Mais six mois plus tard, c'est la panne.
Le père de famille retourne chez Magasin Micro où on lui dit
que le magasin a été vendu et qu'on a changé sa raison sociale : Magasin
Micro s'appelle dorénavant Commerce Micro.
Et autre mauvaise surprise, sa garantie n'est plus valable.
Pourtant, il constate que Commerce Micro a gardé le même local, le
même numéro de téléphone et les mêmes vendeurs.
Son seul recours, selon l'Office de la protection du consommateur,
c'est d'envoyer une mise en demeure et de poursuivre le magasin devant
la Cour des petites créances.
Mais à qui doit-il envoyer la mise en demeure : au propriétaire
de Magasin Micro ou à celui du Commerce Micro?
Qui est le propriétaire de la boutique?
Dans
le registre de l'inspecteur général des institutions financières,
Magasin Micro est enregistré au nom d'un résidant de Rosemère.
Ce dernier explique qu'il a fermé Magasin Micro parce qu'il n'était
pas rentable.
Et il refuse net d'honorer la garantie des ordinateurs qu'il a vendus.
Quant à la nouvelle raison sociale de la boutique d'informatique,
Commerce Micro, elle est introuvable dans le registre de l'inspecteur
des institutions financières.
En fait, le commece appartient à une compagnie à numéro, propriété
d'un couple. Et le couple se dégage de toute responsabilité envers
les clients de Magasin Micro.
Le coeur du problème
Toutefois,
le gérant de commerce accepte de parler à La Facture.
Selon lui, c'est la carte-mère de l'ordinateur qui est défectueuse.
Il propose d'essayer d'en trouver une compatible avec l'ordinateur
du père de famille et de la lui vendre au prix coûtant. Le père de
famille refuse, exigeant le respect de sa garantie.
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De
plus, il souhaite que le gouvernement du Québec ouvre une enquête
sur Magasin Micro, qui a profité du programme Brancher les familles.
Les critères d'accréditation
au programme
Car le ministère de l'Industrie et du Commerce n'a pas enquêté sur
les 2200 fournisseurs accrédités pour le programme. Et les conditions
d'admission pour devenir fournisseurs étaient simples.
Outre des renseignements de base, le commerçant devait déclarer ne
pas être sour le coup d'une ordonnance de la Loi sur la faillite.
Magasin Micro répondait à ces critères.
Un homme au passé trouble
Mais,
La Facture a découvert des choses troublantes sur son propriétaire
en 1997, il a été libéré d'une faillite personnelle;
la même année, il plaidait coupable pour vol;
en 20 ans, il a reconnu sa culpabilité à une quarantaine de
chefs d'accusation, dont fraude, vol et circulation de monnaie contrefaite.
Mais ce n'est pas tout. La Facture a découvert deux autres
taches à son dossier :
en 1998, Magasin Micro est poursuivi par Microsoft, qui l'accuse
de piratage de logiciel. Le propriétaire affirme qu'il ne faisait
pas de piratage, mais qu'il donnait Windows à tout acheteur d'un ordinateur.
Finalement, le litige s'est réglé à l'amiable;
le ministère de l'Industrie et du Commerce a découvert que Magasin
Micro équipait ses ordinateurs avec des pièces réusinées au lieu de
pièces neuves, ce qui est contraire aux règles.
À cela, le propriétaire réplique qu'en tant que propriétaire de son
magasin il n'avait de compte à rendre à personne.
Mais il finit par admettre qu'il a vendu du matériel réusiné.
Le gouvernement n'enquête pas
Malgré ce passé peu reluisant, le propriétaire
de Magasin Micro s'est qualifié pour le programme Brancher
les familles.
Un
porte-parole du ministère de l'Industrie et du Commerce, Maxime Filion,
explique pourquoi: «On ne peut pas aller plus loin que de vérifier
des informations en lien avec cette entreprise-là. On ne peut pas
aller voir les dossiers de chacun des actionnaires.»
Un programme lucratif pour Magasin Micro
Magasin
Micro a vendu 1200 ordinateurs dans le cadre du programme Brancher
les Familles.
Quelques mois plus tard, en octobre 2001, il fermait ses portes.
Les clients lésés devraient-ils poursuivre Magasin Micro?
Selon François Robillard, avocat spécialisé en droit des affaires,
c'est risqué : «Finalement, c'est une coquille vide qu'on poursuivrait.»
À la question de savoir s'ils ont un recours contre les propriétaires
de Commerce Micro, Me Robillard répond : «La loi prévoit dans
la vente d'un fonds de commerce que l'acheteur ne ramasse pas les
obligations du vendeur. Sauf si les formalités prévues par le loi
n'ont pas été respectées.»
Et après avoir lu le contrat de vente de Magasin Micro à la compagnie
à numéro, il soutient qu'effectivement certaines formalités n'ont
pas été respectées : «Il semble manquer une formalité qui m'apparaît
essentielle, un affidavit ou un bordereau de distribution faisant
la liste des créanciers de l'entreprise.»
Selon Commerce Micro, le propriétaire de Magasin Micro aurait refusé
de la lui donner.
Mais
il y a plus surprenant : Magasin Micro a été vendu pour la somme de
1000 $.
«À première vue, commente Me François Robillard, c'est un prix
quasi ridicule.»
Le
propriétaire de Magasin Micro commence par expliquer ce prix en disant
qu'il a vendu les meubles, pour finir par dire qu'il les a donnés
au nouveau propriétaire.
Enfin, les consommateurs ne sont pas les seuls lésés dans cette affaire.
Le propriétaire de Magasin Micro n'a pas payé certains fournisseurs.
Et, selon lui, ça fait partie du jeu.
En conclusion, les consommateurs ne bénéficient pas d'une meilleure
protection ou de meilleures garanties parce qu'une entreprise est
subventionnée par le gouvernement. Ce dernier ne fait pas d'enquête
approfondie sur les fournisseurs de biens subventionnés.