Émission 206

Le mardi 4 décembre 2001


Portrait d'un homme sans scrupules



L'année dernière, La Facture a diffusé une enquête sur un homme d'affaires de Québec, Jean Hébert, qui flouait ses associés en ouvrant des magasins de matelas dans tout le Québec

Une auberge ou le cauchemar champêtre?

Il a récidivé l'hiver dernier, en ouvrant, à Fossambault-sur-le-Lac, près de Québec, une auberge avec de nouveaux associés.

De toute évidence, ces derniers n'avaient jamais entendu parler de lui.

Voici leur histoire.

D'abord, il y a un jeune homme que Jean Hébert engage comme cuisinier pour «son» auberge.

Il lui laisse miroiter qu'en investissant 10 000 $, il pourra devenir son associé et détenir 40 000 $ d'actions.

Le jeune homme perd son investissement : les actions ne valent rien.

Ensuite, il y a un retraité qui a été attiré par une annonce dans les journaux.



L'hôtellerie l'intéresse : il investit 50 000 $ de son fonds de retraite dans l'établissement.

Selon lui, la somme devait être investie en capital-actions dans une compagnie.


La surprise de taille

Moins de 20 jours après la transaction, le retraité découvre que Jean Hébert n'est pas propriétaire mais locataire de la dite auberge.

Car l'homme d'affaires a signé avec le véritable propriétaire des lieux un bail de location, assorti d'une promesse d'achat de l'immeuble.

Or, comme il n'était pas libéré d'une faillite, Jean Hébert ne pouvait signer de bail ni de promesse d'achat.


L'homme de paille

Il a fait appel à un homme de paille, qui a signé le bail.

Seulement, toutes les négociations ont été menées entre le propriétaire et Jean Hébert.

Ce dernier nomme son homme de paille administrateur, président et actionnaire majoritaire de l'auberge, puis lui soutire d'importantes sommes d'argent.

La Facture ne peut préciser le rôle joué par l'homme de paille dans cette fraude.

Ce qui est certain, c'est qu'il a déclaré une faillite de 311 000 $.

Une partie de l'argent qu'il a versé dans la compagnie est allée directement dans les poches de Jean Hébert.

Le jeune cuisinier a fait confiance à Jean Hébert, sans enquêter. Le retraité, lui, a enquêté sur l'homme d'affaires, sans découvrir quoi que ce soit.

L'homme d'affaires qui n'existe pas… officiellement

La raison en est simple : le nom de Jean Hébert n'apparaît nulle part dans les registres gouvernementaux à titre de propriétaire de l'auberge.


Au fédéral, l'auberge est enregistrée sous une société à numéro, au nom du fils de Jean Hébert. Au siège social de la compagnie, à Sillery, en banlieue de Québec, il n'y a aucune trace ni du père ni du fils.

Par contre, au Québec, c'est l'homme de paille qui est inscrit comme administrateur de l'établissement.

Le retraité explique qu'il a été séduit : «C'est un personnage qui possède un charisme remarquable. C'est un génie dans son genre. D'ailleurs, je ne suis pas le seul à m'être fait embarquer, il a fait ses preuves ailleurs.»

Dans les filets de la SQ

Le 25 septembre dernier, Jean Hébert est arrêté. La Sûreté du Québec enquêtait sur ses activités frauduleuses depuis deux ans.

Richard Gagné, de la SQ, explique la durée de l'enquête : «C'est une enquête ardue par la complexité de la fraude et par le nombre de victimes. On parle de 250 personnes qui ont été approchées par M. Hébert. Plus particulièrement, une soixantaine d'entre elles ont été flouées pour une somme de $3,5 millions de dollars.»

Jean Hébert a plaidé coupable à plus de 80 chefs d'accusation de fraude, le 9 novembre dernier, au Palais de justice de Québec.

Il a été condamné à cinq ans et cinq mois de prison.

Peu de temps avant son arrestation, il s'apprêtait à ouvrir une concession alimentaire à Longueuil.




D'où sort cette facture?


Depuis quelque temps, des consommateurs québécois reçoivent des factures qu'ils jugent injustifiées, par la poste.

Une compagnie inconnue, que nous appellerons le Refactureur, leur réclame des sommes allant jusqu'à 130 $ pour un branchement internet.


La compagnie impossible à rejoindre

Il a été impossible aux récipiendaires de ces factures de communiquer avec Le Refactureur pour avoir des explications :

- un message enregistré accueille les appels téléphoniques;

- une adresse sur les factures mène à un bureau de poste en Ontario. Mais une clause de confidentialité protège la boîte postale;

- une autre adresse, disponible au registre des entreprises de l'Ontario, mène à une case postale, elle aussi protégée par la confidentialité.


Dans son message enregistré, le Refactureur renvoie ses clients à une agence de recouvrement, qui refuse de donner son adresse. Comment savoir alors si la facture reçue est justifiée?

La piste internet

Il reste encore deux pistes : sur la facture apparaissent un numéro de téléphone 900 et un accès Internet. Quel lien existe-t-il entre les deux?

Selon Bruno Guglielminetti, expert de l'internet, certains sites web ont trouvé une technique pour appâter des clients potentiels :

«Essentiellement, vous arrivez sur un site web gratuit et tranquillement vous cliquez à travers du matériel gratuit. À un moment donné, vous tombez sur un lien qui vous demande de télécharger quelque chose sur votre ordinateur.»


Ce quelque chose, c'est un petit logiciel de composition téléphonique, qui apparaît sur le bureau de l'ordinateur.

«Une fois qu'il est sur votre ordinateur, explique Bruno Guglielminetti, il suffit de doublecliquer, et il coupe la connexion que vous avez avec votre fournisseur internet.
Puis, il vous branche directement sur un numéro 900. Quelques mois plus tard, vous recevrez une facture parce que vous venez de vous brancher à un fournisseur internet qui facture à la minute.»

Le CRTC ouvre la porte

Au Canada, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC, réglemente l'utilisation des numéros 900.

Le CTRC a permis aux compagnies de téléphone de facturer ce genre de service.

Sauf que notre facture n'a pas été envoyée par une compagnie de téléphone, mais par le Refactureur.

Denis Carmel, du CRTC, explique : «Les compagnies de téléphone nous ont dit, il y a plusieurs années, qu'elles aimeraient avoir recours à une tierce partie. Cette tierce partie ferait de la facturation avec les informations qu'elles lui fourniraient.»



Chasse au site web

Bell Canada confirme que Le Refactureur travaille pour un site web, client de Bell. Mais la compagnie refuse d'en divulguer l'identité.

Devant ce refus, La Facture navigue sur le web à la recherche du service internet qui correspondrait à la facture du Refactureur, et trouve…
un site pornographique.

Pour y accéder, il n'est pas besoin de carte de crédit.

La facturation se fait par le biais d'un numéro 900 qui coûte 1,99 $ la minute.


Le temps d'utilisation est comptabilisé par Bell qui transmet ces données au Refactureur.

«Le site s'annonce bien comme étant "nocreditcard.com", nous dit Bruno Guglielminetti, donc un site qui s'adresse aux mineurs qui n'ont pas encore de carte de crédit.»


Le matériel pornographique sur internet attirerait donc les jeunes, ce qui expliquerait certaines factures étonnantes.

Le mécanisme de protection…

Comme les jeunes peuvent refiler d'importantes factures à leurs parents, le CRTC a prévu un mécanisme de protection pour les services 900 : le consommateur peut contester la première facture qu'il reçoit.

Denis Carmel explique : «La compagnie de téléphone a l'obligation d'effacer cette facture et d'offrir (au consommateur) le service de blocage des appels 900 parce qu'il arrive qu'un enfant ou un invité de la maison utilise le téléphone à l'insu des gens qui paient la facture pour avoir accès à ces services-là.»


…incomplet

Mais il y a un hic.

Cette protection s'applique uniquement aux factures émises par une compagnie de téléphone. Non pas aux refactureurs.

«On réalise qu'il y a un problème, reconnaît Denis Carmel, on va tenter de le régler.»

D'ici là, il n'est pas nécessaire d'attendre d'avoir reçu une facture d'un refactureur pour se protéger.

On peut demander à sa compagnie de téléphone de bloquer l'accès de sa ligne téléphonique au service 900. Cela ne coûte que 10 $, une fois pour toutes.


Hyperliens pertinents

Bell Canada

Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes

Le Réseau de protection du consommateur

Office de la protection du consommateur

 




 

 

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