Portrait
d'un homme sans scrupules
L'année dernière, La Facture a diffusé une enquête sur un homme
d'affaires de Québec, Jean Hébert, qui flouait ses associés en ouvrant
des magasins de matelas dans tout le Québec
Une auberge ou le cauchemar champêtre?
Il a récidivé
l'hiver dernier, en ouvrant, à Fossambault-sur-le-Lac, près de Québec,
une auberge avec de nouveaux associés. |
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De toute évidence,
ces derniers n'avaient jamais entendu parler de lui.
Voici leur histoire. |
D'abord,
il y a un jeune homme que Jean Hébert engage comme cuisinier pour «son»
auberge.
Il lui laisse
miroiter qu'en investissant 10 000 $, il pourra devenir son associé
et détenir 40 000 $ d'actions.
Le jeune homme perd son investissement : les actions ne valent rien.
Ensuite, il y a un retraité qui a été attiré par une annonce dans les
journaux.
L'hôtellerie l'intéresse : il investit 50 000 $ de son fonds de retraite
dans l'établissement.
Selon lui, la somme devait être investie en capital-actions dans une
compagnie.
La surprise de taille
Moins
de 20 jours après la transaction, le retraité découvre que Jean Hébert
n'est pas propriétaire mais locataire de la dite auberge.
Car l'homme d'affaires a signé avec le véritable propriétaire des lieux
un bail de location, assorti d'une promesse d'achat de l'immeuble.
Or,
comme il n'était pas libéré d'une faillite, Jean Hébert ne pouvait signer
de bail ni de promesse d'achat.
L'homme de paille
Il a fait appel à un homme de paille, qui a signé le bail.
Seulement, toutes les négociations ont été menées entre le propriétaire
et Jean Hébert.
Ce dernier nomme son homme de paille administrateur, président et actionnaire
majoritaire de l'auberge, puis lui soutire d'importantes sommes d'argent.
La Facture ne peut préciser le rôle joué par l'homme de paille
dans cette fraude.
Ce qui est certain, c'est qu'il a déclaré une faillite de 311 000 $.
Une partie de l'argent qu'il a versé dans la compagnie est allée directement
dans les poches de Jean Hébert.
Le jeune cuisinier a fait confiance à Jean Hébert, sans enquêter. Le
retraité, lui, a enquêté sur l'homme d'affaires, sans découvrir quoi
que ce soit.
L'homme d'affaires qui n'existe pas… officiellement
La raison en est simple : le nom de Jean Hébert n'apparaît
nulle part dans les registres gouvernementaux à titre de propriétaire
de l'auberge.
Au fédéral, l'auberge est enregistrée sous une société à numéro, au
nom du fils de Jean Hébert. Au siège social de la compagnie, à Sillery,
en banlieue de Québec, il n'y a aucune trace ni du père ni du fils.
Par contre, au Québec, c'est l'homme de paille qui est inscrit comme
administrateur de l'établissement.
Le retraité explique qu'il a été séduit : «C'est un personnage
qui possède un charisme remarquable. C'est un génie dans son genre.
D'ailleurs, je ne suis pas le seul à m'être fait embarquer, il a fait
ses preuves ailleurs.»
Dans
les filets de la SQ
Le 25 septembre dernier, Jean Hébert est arrêté. La Sûreté du Québec
enquêtait sur ses activités frauduleuses depuis deux ans.
Richard
Gagné, de la SQ, explique la durée de l'enquête : «C'est
une enquête ardue par la complexité de la fraude et par le nombre de
victimes. On parle de 250 personnes qui ont été approchées par M. Hébert.
Plus particulièrement, une soixantaine d'entre elles ont été flouées
pour une somme de $3,5 millions de dollars.»
Jean Hébert a plaidé coupable à plus de 80 chefs d'accusation de fraude,
le 9 novembre dernier, au Palais de justice de Québec.
Il a été condamné à cinq ans et cinq mois de prison.
Peu
de temps avant son arrestation, il s'apprêtait à ouvrir une concession
alimentaire à Longueuil.
D'où
sort cette facture?
Depuis quelque
temps, des consommateurs québécois reçoivent des factures qu'ils jugent
injustifiées, par la poste.
Une
compagnie inconnue, que nous appellerons le Refactureur, leur réclame
des sommes allant jusqu'à 130 $ pour un branchement internet.
La compagnie impossible à rejoindre
Il a été impossible aux récipiendaires de ces factures
de communiquer avec Le Refactureur pour avoir des explications :
- un message enregistré accueille les appels téléphoniques;
- une adresse sur les factures mène à un bureau de poste en Ontario.
Mais une clause de confidentialité protège la boîte postale;
- une autre adresse, disponible au registre des entreprises de l'Ontario,
mène à une case postale, elle aussi protégée par la confidentialité.
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Dans son message enregistré, le Refactureur renvoie ses clients à
une agence de recouvrement, qui refuse de donner son adresse. Comment
savoir alors si la facture reçue est justifiée?
La piste internet
Il reste encore deux pistes : sur la facture apparaissent un numéro
de téléphone 900 et un accès Internet. Quel lien existe-t-il entre
les deux?
Selon
Bruno Guglielminetti, expert de l'internet, certains sites
web ont trouvé une technique pour appâter des clients potentiels :
«Essentiellement, vous arrivez sur un site web gratuit et tranquillement
vous cliquez à travers du matériel gratuit. À un moment donné, vous
tombez sur un lien qui vous demande de télécharger quelque chose sur
votre ordinateur.»
Ce quelque chose, c'est un petit logiciel de composition téléphonique,
qui apparaît sur le bureau de l'ordinateur.
«Une
fois qu'il est sur votre ordinateur, explique Bruno Guglielminetti,
il suffit de doublecliquer, et il coupe la connexion que vous avez
avec votre fournisseur internet.
Puis,
il vous branche directement sur un numéro 900. Quelques mois
plus tard, vous recevrez une facture parce que vous venez de vous
brancher à un fournisseur internet qui facture à la minute.»
Le CRTC ouvre la porte
Au Canada, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications
canadiennes, le CRTC, réglemente l'utilisation des numéros 900.
Le CTRC a permis aux compagnies de téléphone de facturer ce genre
de service.
Sauf que notre facture n'a pas été envoyée par une compagnie de téléphone,
mais par le Refactureur.
Denis Carmel, du CRTC, explique : «Les compagnies de
téléphone nous ont dit, il y a plusieurs années, qu'elles aimeraient
avoir recours à une tierce partie. Cette tierce partie ferait de la
facturation avec les informations qu'elles lui fourniraient.»
Chasse au site web
Bell Canada confirme que Le Refactureur travaille pour un site web,
client de Bell. Mais la compagnie refuse d'en divulguer l'identité.
Devant
ce refus, La Facture navigue sur le web à la recherche du service
internet qui correspondrait à la facture du Refactureur, et trouve…
un site pornographique.
Pour y accéder, il n'est pas besoin de carte de crédit.
La facturation se fait par le biais d'un numéro 900 qui coûte 1,99
$ la minute.
Le temps d'utilisation est comptabilisé par Bell qui transmet ces
données au Refactureur.
«Le site s'annonce bien comme étant "nocreditcard.com",
nous dit Bruno Guglielminetti, donc un site qui s'adresse aux mineurs
qui n'ont pas encore de carte de crédit.»
Le matériel pornographique sur internet attirerait donc les jeunes,
ce qui expliquerait certaines factures étonnantes.
Le mécanisme de protection…
Comme les jeunes peuvent refiler d'importantes factures
à leurs parents, le CRTC a prévu un mécanisme de protection pour les
services 900 : le consommateur peut contester la première facture
qu'il reçoit.
Denis Carmel explique : «La compagnie de téléphone a l'obligation
d'effacer cette facture et d'offrir (au consommateur) le service de
blocage des appels 900 parce qu'il arrive qu'un enfant ou un invité
de la maison utilise le téléphone à l'insu des gens qui paient la
facture pour avoir accès à ces services-là.»
…incomplet
Mais il y a un hic.
Cette
protection s'applique uniquement aux factures émises par une compagnie
de téléphone. Non pas aux refactureurs.
«On réalise qu'il y a un problème, reconnaît Denis Carmel, on
va tenter de le régler.»
D'ici là,
il n'est pas nécessaire d'attendre d'avoir reçu une facture d'un refactureur
pour se protéger.
On
peut demander à sa compagnie de téléphone de bloquer l'accès de sa
ligne téléphonique au service 900. Cela ne coûte que 10 $, une fois
pour toutes.