Émission 205

Le mardi 27 novembre 2001


Heureux qui comme Ulysse...
n'a pas raté son voyage

Une enquête de la Facture

Ils étaient quatre étudiants, trois filles et un garçon, qui rêvaient de faire un beau voyage.

Au printemps dernier, ils achètent un forfait tout compris pour un séjour d'une semaine au «Sunflower Beach Resort and Villas», un centre de villégiature situé au bord de la mer des Caraïbes.

Le quatuor est revenu frustré de son séjour en Jamaïque.

Mer et monde pour pas cher

C'est une agence de voyages de Boucherville qui vend le forfait, mais c'est le bureau-voyage d'un cégep de Montréal qui en fait la promotion.

Avant d'acheter les forfaits, le quatuor se renseigne sur le «Sunflower».

Au bureau-voyage du cégep, on lui remet le dépliant de l'agence de voyages et on lui dit, affirme le groupe, que le centre de villégiature est coté quatre étoiles et demie.

D'ailleurs, le dépliant parle de «villas luxueuses» et de «centre en bord de mer».

Comme c'est un forfait tout compris, le quatuor a droit à trois repas et aux boissons.

Les étudiants déboursent 1050 $ chacun pour découvrir que le dépliant les a trompés.

Les représentants du bureau-voyage du cégep rejettent les accusations de fausses représentations.

Ils soutiennent que le dépliant est conforme à la réalité.


«L'un des pires centres de villégiature»


La Facture se rend au «Sunflower».

Elle occupe la même villa que les étudiants, et constate que leurs allégations sont vraies : les toilettes sont sales, le mur autour du climatiseur n'est pas étanche, les robinets s'effritent, les moustiquaires sont défoncées, les chaises longues aussi.

Benoît Laforêt, coordonnateur de 14 bureaux-voyages dans la région de Montréal, a séjourné au «Sunflower».

Selon lui, c'est probablement l'un des pires centres de villégiature parmi ceux qu'il connaît.



La plage… de cailloux

Déçu par la piètre qualité du centre, le groupe se console en pensant que le «Sunflower» a une plage.


Mais il s'aperçoit que, si la mer est bien là, elle vient battre contre un amas de roches.

Pour se baigner, les étudiants doivent marcher une vingtaine de minutes sur une route nationale passante. Quant à la navette devant assurer le transport, La Facture l'attend en vain une heure et demie.

Pour leur défense, les représentants du bureau-voyage brandissent le feuillet Info-voyage.

Selon eux, il y est écrit qu'il faut marcher 15 minutes ou prendre une navette gratuite pour se rendre à la plage.

En fait, la seule référence à l'emplacement géographique de la plage dans l'Info-voyage concerne un autre complexe hôtelier, l'Alamanda.




François Lebeau, un avocat qui représente souvent les agences de voyage, affirme: «On pourrait nous dire que, si l'Alamanda est situé à 15 minutes de marche, c'est donc que vous aussi vous êtes situés à 15 minutes de marche. Mais, ce n'est pas comme ça qu'il faut lire un texte.»


Où est la plage?


Les quatre étudiants, se fiant à une photo du dépliant, pensaient que le centre de villégiature était situé sur la plage.

Normand Fortier, le directeur de l'École April-Fortier, est d'accord avec eux : «La brochure donne l'impression que le "seaside" qui est là, avec la photo qui est là, c'est ça qu'on va voir devant l'hôtel. Pour moi, c'est clair.»

Et il ajoute : «Pour moi, c'est trompeur parce que ça laisse l'impression.»

C'est justement l'impression générale qu'elle laisse qui détermine si une publicité est trompeuse.

«Le critère pour analyser l'impression générale, explique Me François Lebeau, n'est pas ce que comprend un spécialiste en voyage, ni un consommateur moyen, mais ce que comprend un consommateur crédule.»

Après avoir analysé le dépliant remis aux étudiants, il déclare: «Même un consommateur moyen aurait toutes les raisons de croire que les villas sont situées sur la plage, le consommateur crédule encore plus.»

Le quatuor se plaint au représentant de l'agence de voyages en Jamaïque. Celui-ci décline toute responsabilité pour les représentations faites par le bureau-voyage du cégep. À Montréal, le président de l'agence fait de même.

Mais Me Lebeau est d'un avis contraire : l'agence de voyages est responsable des représentations faites par le bureau-voyage.


Retour à la dure réalité


De retour à Montréal, les quatre étudiants réclament le remboursement des forfaits à l'agence de voyages, qui refuse de les dédommager.

Le groupe attend l'audition de sa cause devant la Cour des petites créances.

L'organisme Tourisme-Jeunesse, qui regroupe la moitié des bureaux-voyages présents dans les cégeps et universités, a adopté en août dernier de nouvelles règles de fonctionnement.

Sauf que le bureau-voyage qui a vendu les forfaits au quatuor n'adhère pas à Tourisme-Jeunesse.




La Facture mène l'enquête
en Jamaïque


La Facture a voulu en savoir plus sur l'industrie des voyages au soleil. Elle a cherché des réponses à deux questions :
·• les catalogues distribués par les agences de voyages reflètent-ils la réalité?
·• les agents de voyage donnent-ils les informations permettant aux vacanciers de prendre une décision éclairée?


La réalité est-elle à la hauteur des catalogues?

Pour faire ce test, La Facture a visité 20 centres de villégiature en Jamaïque, de catégories économique, standard et intermédiaire. Ainsi, nous avons pu les comparer aux photos des catalogues de trois grossistes qui offrent la Jamaïque comme destination-soleil.


Quatre hôtels retiennent notre attention.

Premièrement, le «Turtle Beach Towers» : un des catalogues explique qu'il donne sur la baie d'Ocho Rios. Mais il ne dit pas que la vue côté jardin donne sur un port de marchandises.

Deuxièmement, l'hôtel Samsara, à Négril, est illustré par une seule photo : le bar-restaurant. L'hôtel n'y figure pas et pour cause : il affiche des signes de vieillissement évidents.

Troisièmement, un autre catalogue ne mentionne pas que les touristes du «Beachcomber Club», à Negril, doivent partager leur terrasse avec leurs voisins.

Quatrièmement, une photo servant à illustrer le «Doctor's Cave Beach Hotel», à Montego Bay, montre une partie de la piscine. Sur place, La Facture constate sa dimension plutôt réduite.

De plus, malgré son nom, l'hôtel ne donne pas sur la plage, mais sur la rue principale. Le catalogue ne dit pas, non plus, qu'il faut payer pour avoir accès à la plage, située à deux pas de l'hôtel.

Malgré ces quatre exemples, nous devons conclure que les catalogues reflètent assez bien la réalité.


Au retour, le voyage dans les agences

De retour à Montréal, La Facture contacte 13 agents de voyage dans le but de savoir s'ils connaissent les omissions des catalogues.

Plusieurs agents comprennent que notre budget est limité et se mettent en quête d'un forfait économique chez les grossistes.

Mais, en règle générale, ils semblent plus familiers avec les produits haut de gamme.

Aussi, leurs réponses aux questions sur les hôtels visités en Jamaïque laissent songeur.

Certains agents ignorent que la vue côté jardin du «Turtle Beach Towers» donne sur un port de marchandises.

Quand à l'hôtel Samsara, ses deux étoiles et demie accordées par le grossiste mettent la puce à l'oreille à la plupart des agents.

Il s'en trouve, pourtant, pour ignorer son état de décrépitude et dire que c'est un bon hôtel.

Dans le cas du «Beachcomber Club», des agents ignorent le manque d'intimité des balcons.

Finalement, tous les agents signalent que le «Doctor's Cave» n'est pas au bord de la mer, mais presque personne ne nous parle de la plage privée située tout près.


En résumé, nous relevons plusieurs imprécisions et inexactitudes, mais en règle générale, les agents semblent connaître assez bien leurs produits.

Dans le cas contraire, ils se montrent disposés à pousser leurs recherches.

En conclusion, comme les catalogues sont faits pour encourager le rêve, Me François Lebeau suggère aux consommateurs de demeurer vigilants : «Les gens voient une publicité et se disent : "Ça sera le plus beau voyage qu'on fera, on va être logé dans un hôtel extraordinaire." Il faut retomber les deux pieds sur terre. Les photos sont souvent prises dans le meilleur angle. Il faut que les gens conservent un jugement objectif. Le voyage ne sera peut être pas aussi bien que leurs plus grands espoirs.»



Hyperliens pertinents

Loi et règlements sur les agents de voyages

Le Réseau de protection du consommateur

Office de la protection du consommateur

 




 

 

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