Louer
une auto pour 50 $ par mois
: danger!
La vente
pyramidale est interdite au Canada et l'exploitation d'un tel système
est passible d'une forte amende ou même d'une peine d'emprisonnement.
Mais ce n'est pas toujours facile de savoir si on est en présence de
ce système.
Comment
se qualifier pour avoir droit à une location
Un club originant
de Québec, mais actif dans toutes le régions de la province,
offre aux consommateurs de louer une voiture pour 50 $ par mois.
Voici comment fonctionne le club, selon les explications données par
sa présidente, lors d'une séance d'information tenue à Saint-Georges-de-Beauce.
D'abord,
il faut acheter une carte de membre en versant 250 $ chaque année, pendant
un minimum de trois ans.
Ensuite, le futur membre doit référer cinq membres potentiels.
Ces derniers doivent aussi acheter une carte de membre selon les mêmes
termes et référer trois membres potentiels.
Le premier participant doit donc recruter directement ou indirectement
20 nouveaux membres.
Quand
ces derniers possèdent leur carte de membre, il se qualifie pour la
location d'un véhicule, selon les termes de la présidente du club. C'est
dire qu'il peut se présenter chez un concessionnaire automobile et choisir
une voiture.
Les
restrictions
Mais pas n'importe laquelle. Il doit choisir un véhicule dont la valeur
totale n'excède pas 17 500 $, taxes incluses, et il doit signer un contrat
de location pour une durée de trois ans.
Dès lors,
le club s'engage à lui envoyer chaque mois un chèque de 350 $.
Selon
la présidente du club, cette somme correspond au versement mensuel du
coût de location d'une voiture de 17 500 $ échelonné sur trois ans.
Mais,
des 350 $, le club retient 50 $ plus taxes pour les frais administratifs:
ce sont les 50 $ dont parle la publicité. Autrement dit, c'est
une chèque de 292,50$ que reçoit le membre pour payer les mensualités
de son véhicule de location.
Comme
c'est le membre qui signe le contrat de location chez le concessionnaire,
c'est lui qui reste responsable du contrat si le club ferme ses portes.
Quant
aux 20 personnes recrutées par le nouveau membre, chacune doit, pour
se qualifier, en recruter cinq autres qui en recruteront trois autres.
Est-ce difficile
de recruter vingt personnes pour obtenir un véhicule ?
Le rayonnement du club
À
la question de savoir combien de véhicules le club a sur la route, sa
présidente répond 15, pour un minimum de 225 membres.
Mais ce chiffre varie selon les jours : trois semaines auparavant, elle
parlait de 21 automobiles, une autre fois, un de ses collaborateurs
avance le chiffre de 28.
L'argent du club est administré par une entreprise de gestion.
Son président
refuse d'accorder une entrevue à la caméra, mais au téléphone, il fournit
des chiffres beaucoup plus conservateurs que ceux de sa cliente. Selon
lui, il verse des chèques pour huit voitures.
Les limites du sytème
L'actuaire Ghyslain Nadeau déclare: «C'est un système qui
repose sur le fait qu'il faut recruter de plus en plus de gens pour
que ça fonctionne. Et on se rend compte assez vite qu'il y a des limites
physiques à trouver autant d'individus dans un même réseau.»
Il ajoute : «C'est un système qui généralement dure un an ou deux.
Après cette période, la plupart des gens se rendent compte qu'ils ne
sont pas cabables de continuer et essentiellement l'entreprise ferme
ses portes.»
Mais la présidente
du club se fait rassurante en affirmant qu'un compte en fiducie dans
une banque de Montréal protège les avoirs des membres. Ce compte est
administré par la compagnie de gestion qui fait parvenir les chèques
aux membres.
Cependant
une employée de la Banque TD est formelle : ce n'est pas un compte en
fiducie.
Ce qui détruit l'argument dont se sert la présidente du club
pour rassurer ses clients.
Elle va plus loin en soutenant que son système ne relève pas
de la vente pyramidale.
Comment
reconnaître un système de vente pyramidale
Une avocate spécialiste en droit de la concurrence, maître
Sophie Dufour, explique les conditions qui déterminent si on est
en présence d'un tel système.
«Quand on
parle d'un système de vente pyramidale, essentiellement, on retrouve
trois éléments. Le premier, c'est l'obligation pour la personne qui
désire devenir membre de ce système, de verser une somme d'argent fixée
par le système. Dans un deuxième temps, cette personne est tenue
de recruter ou de référer de nouveaux membres. Et si ces deux éléments
sont réunis, le résultat, en principe, est une rémunération.»
Dans le cas qui nous occupe, les conditions qui déterminent s'il s'agit
de vente pyramidale illégale semblent réunies.
À
la question de savoir si elle respecte les articles de la loi sur la
concurrence relatifs à la vente pyramidale, la présidente du club dit
l'ignorer.
Toutefois elle ajoute qu'elle a présenté sa documentation à certains
organismes pour se rassurer.
Parmi ces organismes, elle cite l'Office de la protection du consommateur,
la GRC, la Sûreté du Québec et La Facture. Pourtant, aucun de
ces organismes n'a conservé de trace d'une rencontre avec la présidente
du club.
Dans ses contrats, la présidente du club offre de rembourser
les clients qui changent d'idée à l'intérieur de 90 jours.
Afin de vérifier cette assertion, un collaborateur de La Facture
a payé 250$ pour adhérer au club. Par la suite, il a téléphoné
et écrit pour demander son remboursement. Il n'a toujours pas reçu son
argent.
Coupable, pas coupable, Hydro-Québec frappe fort
Hydro-Québec
affirme que le vol d'électricité lui fait perdre des millions de dollars
chaque année.
Pour enrayer le problème, la société d'État a recours à une loi remontant
au 19e siècle, qui lui permet de condamner un abonné à payer des amendes,
même s'il n'est pas coupable du vol.
Le cas d'un rentier de Québec
Un
septuagénaire à la retraite de Québec vit non seulement
de ses rentes mais aussi des revenus d'un immeuble de six logements.
Au printemps 2001, Hydro-Québec fait une inspection de routine des
compteurs des locataires de son immeuble.
Ils sont en bon état, mais l'inspecteur découvre une anomalie dans
le branchement d'un des chauffe-eau. Il est relié à la boîte
électrique, sans être connecté au compteur.
Ainsi, l'électricité
utilisée par le chauffe-eau n'est pas comptabilisée.
Le propriétaire s'explique
Le
rentier-propriétaire explique ce branchement irrégulier de la façon
suivante : il dit avoir fait réparer la boîte électrique du chauffe-eau
à la suite d'un court circuit il y a quelques années.
Selon lui,
c'est l'électricien venu effectuer la réparation qui est responsable
du branchement irrégulier.
Le problème, c'est que le propriétaire de l'immeuble ne se rappelle
pas son nom. Il l'a payé sans réclamer de facture.
De son côté, Hydro-Québec estime que le branchement irrégulier remonte
à 1995, et, en conséquence, établit à 367 $ le montant d'électricité
détournée. Le propriétaire de l'immeuble et Hydro-Québec s'entendent
pour exonérer la locataire de l'appartement de tout blâme. Quant au
rentier, il affirme qu'il n'a aucun intérêt à jouer dans une boîte
électrique pour faire épargner sept ou huit dollars par mois à un
locataire.
La
situation semble donc claire.
Peut-être...
mais Hydro-Québec frappe
Dans
un premier temps, Hydro-Québec réclame à la locataire les 367 $ d'électricité
non facturés.
Et la société
d'État n'en reste pas là : dans un deuxième temps, elle revient contre
le rentier-propriétaire pour lui imposer une amende de 9059,22 $.
Ce montant équivaut à une pénalité égale à trois fois le montant de
l'électricité non facturée, plus quatre dollars par jour pour une
période d'un peu plus de cinq ans, plus une pénalité statutaire de
100 $.
C'est ce que prévoit la Loi Victoria, qui donne à Hydro-Québec le
pouvoir de condamner quiconque détourne du courant ou tolère qu'on
le fasse.
Dans
ce cas-ci, la société d'État condamne le rentier
parce qu'il ne peut identifier la personne qui a fait l'erreur de
raccordement et qu'en tant que propriétaire, il est responsable de
ses installations.
Coupable, vraiment?
Pourtant la société d'État ne porte pas d'accusations criminelles
contre le propriétaire parce qu'elle reconnaît qu'il n'y a pas d'intention
criminelle. Pour Hydro, que le propriétaire ait reconnu avoir fait
effectuer des travaux équivaut à un aveu de sa part.
Le
rentier admet qu'il y a eu un détournement involontaire d'électricité
mais s'insurge contre l'accusation de vol d'électricité.
Une accusation non conforme à l'esprit
de la loi
La
professeure de droit Pauline Roy affirme que la loi Victoria
vise à punir les voleurs d'électricité.
Selon elle, ce qui semble clair, c'est que l'accusation d'Hydro, dans
ce cas, n'est pas conforme à l'esprit de la loi.
«Ce que la Loi permet, précise-t-elle, c'est d'imposer une sanction
punitive à l'encontre de personnes qui agissent de mauvaise foi, dans
l'intention de faire un détournement d'électricité. Ce compteur n'est
pas le sien et n'a jamais été le sien. Aucun autre compteur n'a été
affecté par cette manœuvre-là. Ce sont des éléments qui pourraient
permettre à un tribunal d'avoir des doutes», conclut-elle.
Et
lorsqu'un juge a suffisamment de doutes, Hydro-Québec perd son procès
et ne peut plus exiger de pénalités.
Mais pour cela, il faut vouloir se battre.
Le propriétaire y a songé.
Il affirme cependant qu'il n'a pas les moyens de dépenser de 25 000
à 30 000 $ dans un procès contre Hydro-Québec.
Un
règlement à l'amiable
Entre temps, la société d'État lui propose un règlement à l'amiable.
Elle propose de régler le litige pour 3677,40 $ si le propriétaire
accepte de reconnaître sa culpabilité dans une déclaration
écrite.
.
Son avocat lui conseille d'accepter ce règlement. Mais il refuse de
signer un papier qui le reconnaît coupable de subtilisation d'énergie.
À sa demande, Hydro-Québec a retiré toute allusion à la notion de
vol dans une nouvelle version du règlement à l'amiable, qui ne mentionne
plus que le montant à rembourser.
Il
faut savoir que si le propriétaire avait pu présenter une facture
en bonne et due forme, Hydro-Québec aurait peut-être refilé l'amende
à l'électricien.
Depuis,
la direction d'Hydro-Québec a demandé à son vérificateur interne d'ouvrir
une enquête sur la division du vol d'énergie.