Émission 186

Mardi 13 mars 2001


Combien pour la perte de l'usage d'un pied?

Le cas...

Un jeune homme est victime d'un grave accident de moto au mois de juillet 2000 et se fait amputer la majeure partie du pied gauche. Seulement deux os de son pied sont épargnés. En fait, il ne lui reste que le talon. Son orthopédiste lui remet un constat d'amputation médio-tarsienne pour sa réclamation auprès de sa compagnie d'assurances.

L'assureur accepte de payer pour un orteil seulement. Pour expliquer sa décision, l'assureur s'en remet aux détails de la police d'assurance, dans laquelle la perte totale du pied est définie comme l'amputation complète à la jointure de la cheville. La compagnie d'assurances considère que son client n'a pas perdu son pied au complet, puisqu'il lui reste le talon.

Monsieur ne comprend pas : il a perdu tout son avant-pied, donc beaucoup plus qu'un seul orteil. De plus, dans le document de souscription de la compagnie d'assurances, il est clairement indiqué qu'il est couvert en cas de mutilation ou de perte d'usage par suite d'accident. Sans plus d'explications.

L'enjeu est de taille : pour la perte d'un orteil, l'assureur verse 2 500 $, alors que pour la perte d'un pied,
25 000 $.

Au cours des semaines qui suivent, monsieur séjourne à l'Institut de réadaptation en déficience physique de Québec, où il obtient un certificat médical attestant qu'il a une perte d'usage de son pied.

Monsieur envoie ce certificat à sa compagnie d'assurances. L'assureur lui répond alors que la perte d'usage de son pied ne peut-être considérée totale et maintient sa décision de ne payer que pour la perte d'un seul orteil.

Ce que La Facture a découvert...

· L'orthopédiste qui a effectué l'amputation, Dr Sarto Arsenault, considère que son patient a perdu l'usage total de son pied : «Si on accepte au départ qu'un pied ne sert qu'à s'appuyer dessus et à se tenir debout, on joue un peu sur les mots en disant que l'usage normal d'un pied, il l'a encore, mais moi je pense que l'usage d'un pied normal c'est de se déplacer, c'est d'être capable de se déplacer sans béquille, sans support, ce qui n'est pas possible quand on a un pied comme il a».

· La compagnie d'assurances a fait parvenir une lettre à La Facture, dans laquelle elle s'en remet à l'avis d'un médecin conseil et d'un orthopédiste. Selon ces médecins, le client n'a pas perdu l'usage définitif de son pied.

· Selon Me Denis Borgia, avocat spécialiste en droit des assurances, les rapports des deux médecins de l'assuré contiennent assez d'information pour accepter d'indemniser le client.


La Cour d'appel et le Code civil sont clairs dans ce genre de dossier. Par exemple, si une compagnie d'assurances vous propose dans un premier document, une couverture en cas de mutilation et perte d'usage d'un membre, elle ne peut pas, dans la police qu'elle vous retourne par la suite, limiter cette couverture par une définition restrictive.


«Quand on regarde ce formulaire, on se rend compte que la couverture que le client achète est une couverture qui inclut une garantie additionnelle en cas de perte d'usage d'un membre. Or, il n'y a pas de limitation, ni de définition par rapport à l'expression perte d'usage dans le dépliant. Alors dans un tel cas, on doit toujours se poser la même question : qu'est-ce que ça signifie perdre l'usage d'un membre pour une personne raisonnable? Je pense que la perte d'usage d'un membre pour n'importe quelle personne ordinaire, c'est l'incapacité de s'en servir comme à l'habitude à cause d'un accident, comme le malheureux accident dont monsieur a été victime», indique Me Borgia.

· Serge Fecteau, médecin et spécialiste en réadaptation à l'Institut de réadaptation en déficience physique de Québec, considère lui aussi que le patient a perdu l'usage total de son pied : «Tout à fait, il a perdu complètement l'usage de son pied pour un pied normal d'une personne normale de son âge».

· L'assureur s'est finalement montré ouvert à réévaluer le dossier : «Moi je pense que c'est dans le droit du client d'avoir ce qu'il lui revient et s'il peut me fournir un document qui va me suffire et s'il est d'accord à ce qu'on ait une expertise médicale, il n'y a aucun problème non plus. On est très ouvert là-dessus».

La conclusion...

Monsieur est toujours en convalescence. Nous vous tiendrons au courant de ses démarches auprès de son assureur.

Retenez ceci : en général, il n'y a pas de différence entre la proposition que l'assureur vous fait et la police. Mais en cas de divergence entre la proposition et la police, c'est cette première qui fait foi du contrat, à moins que l'assureur ne vous ait indiqué par écrit dans un document séparé, les éléments sur lesquels il y a divergence.




Trois jours après la diffusion de ce reportage, la compagnie d'assurances nous écrivait qu'elle avait repris contact avec l'accidenté pour clarifier le dossier. Puis, peu de temps après, la compagnie reconnaissait le droit de son client de toucher l'indemnité de 25 000 $, prévue dans son contrat d'assurances.

Journaliste : Maxime Poiré
Réalisateur : Mario Hinse



Achat d'une maison : les titres sont-ils clairs?



Quand on achète une maison, on prend une hypothèque. Lorsque cette hypothèque est payée, on obtient une quittance, un document notarié qui prouve que la maison est libre de droits. Pour acheter une maison, il faut aussi un notaire. Son travail est, entre autres, de faire la recherche de tous les titres qui pourraient exister sur la maison afin de s'assurer qu'ils sont clairs, ou libre de droits. Cette démarche est importante car elle permet d'éviter que toute autre personne puisse revendiquer des droits sur la propriété.


Le cas...

Un homme achète une maison en 1988. Mais six ans plus tard, en 1994, il a des difficultés financières : monsieur doit vendre sa maison.

À sa grande surprise, le notaire de son acheteur lui apprend que cette maison a un problème de titres, car en 1968, une compagnie canadienne possédait une hypothèque sur cette propriété.

Monsieur ne comprend pas : son contrat d'achat a pourtant été préparé et signé par un notaire. Une clause y stipule que la maison est «libre de tout privilège et hypothèque, redevance et servitudes ou charges quelconques».

Puisque monsieur est incapable de fournir la quittance qui prouve que l'hypothèque de la compagnie canadienne a été payée, son acheteur se retire. Aucun acheteur ne se présente par la suite. En 1995, le créancier, qui est la caisse populaire, saisit sa maison pour défaut de paiements.


Ce que La Facture a découvert...

· Me Jean Lambert, notaire à Montréal ne voit qu'une interprétation au contrat d'achat : «Ça veut dire que le vendeur s'engage à fournir un titre tout à fait clair à l'acheteur».

· La Facture a rencontré trois anciens propriétaires de cette résidence : tous affirment n'avoir jamais été informés que les titres n'étaient pas clairs.

· Pourtant, dans le passé, la caisse
avait obtenu, lors d'une demande de prêt d'un ancien propriétaire, un rapport de titres qui signalait que les titres n'étaient pas clairs. Mais la caisse n'en a jamais informé ses clients.



En vertu de l'ancien Code civil, l'hypothèque de la compagnie canadienne, qui datait de 1968, devait être radiée 30 ans plus tard, soit en 1998.


Le propriétaire de notre histoire a acheté la maison en 1988 : l'hypothèque n'était donc toujours pas radiée, elle l'aurait été seulement en 1998. Mais monsieur ne pouvait se permettre d'attendre 10 ans pour vendre sa maison, puisqu'il avait des difficultés financières.

· Monsieur estime que rien de tout cela ne serait arrivé si au moment de la signature de son contrat d'achat, son notaire avait fait une recherche complète de titres. En 1994, il décide donc de s'adresser au Fonds d'assurance-responsabilité professionnelle de la Chambre des notaires du Québec pour obtenir un dédommagement.

· À ce jour, donc six ans après qu'il ait entamé ses démarches, la seule proposition faite par le Fonds est une offre verbale d'indemnisation de
10 000 $. Comme il réclame 150 000 $, il doit aller en cour.




Retenez ceci ...

Depuis 1994, le nouveau Code civil du Québec prévoit que le délai de prescription pour radier une hypothèque peut être de trois ans ou de dix ans, selon les cas. Mais la prescription de trente ans demeure pour les immeubles achetés avant 1994.


Journaliste : Cécile Durring

Réalisatrice : France Dauphin

Pour en savoir plus...

Chambre des notaires du Québec :
Protection du public

:(514) 879-1793 ou 1 800 263-1793

 

 

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