Des
ateliers d'artistes subventionnés
Le quartier
St-Roch à Québec a bien changé. Il y a quelques années, la ville
a décidé de créer un programme de subventions pour revitaliser
le secteur. Un des volets de ce programme sert à aider les artistes
à acquérir leur propre atelier-condo à peu de frais dans de vieux
édifices rénovés. Un rêve qui devient réalité pour les artistes,
jusqu'au jour où celui-ci tourne au cauchemar…
Le
cas...
Un vingtaine
d'artistes décident d'acheter des ateliers en
copropriété. Il est prévu que le vieil édifice sera rénové. Le
projet devient «La copropriété de la Cartonnerie».
Les
ateliers rénovés se vendent entre 26 et 52 000 $ et chaque artiste
obtient une aide de la Ville. Au total, la Ville de Québec
octroie 325 500 $ en subventions à l'acquisition et à la rénovation
du projet.
Les artistes
prennent possession de leur atelier à l'été 97. Neuf mois plus
tard, des problèmes surgissent : au sous-sol, l'eau s'infiltre
au travers des fondations. Résultat : la moisissure envahit les
murs et la base des colonnes de soutien commence à pourrir.
La Ville de
Québec passe alors de subventionneur à médiateur entre les artistes
qui s'inquiètent et le promoteur du projet. Les artistes doivent
alors recourir à des services d'experts à leur frais,
afin
de prouver la nature des problèmes. Il devront finalement
attendre deux ans et demi avant la fin des réparations au sous-sol.
Entre
temps, d'autres problèmes surgissent. Le pire est celui du parement
extérieur, qui se met à fissurer.
Trois architectes
(un engagé par les artistes; un autre par le promoteur
du projet et un dernier, mandaté par le Fonds d'assurance
de la responsabilité professionnelle de l'Ordre des architectes
du Québec) élaborent
la solution suivante : découper un périmètre autour de chacune
des fenêtres, installer des membranes puis refaire une partie
du parement.
L'architecte
engagé par les artistes évalue à 202 400 $ le coût minimal des
réparations. Mais ni le promoteur, ni le Fonds des architectes,
ne semblent prêts à payer cette somme. Le promoteur se
dit prêt à régler le problème, mais à un coût beaucoup moins cher.
Ce
que La Facture a découvert...
La
Ville de Québec et le promoteur tiennent un discours semblable
: «Dans un projet de recyclage, les gens achètent une unité
de condominium à bas prix, alors ce n'est pas une voiture neuve,
c'est une voiture usagée dans la plupart de ses composantes. Et
sans porter de jugements sur les exigences manifestées par les
différents propriétaires, peut-être que certains pensent qu'ils
ont droit à la même qualité que dans une construction neuve»,
indique Réal Charest, à la Ville de Québec.
«J'ai
pas construit une Cadillac, j'ai fait un Volkswagen : alors quand
on le répare il faut le réparer avec des pièces de Volks pas avec
des pièces de Cadillac», estime le promoteur.
Les
artistes en demandent-ils trop? Pour le savoir, La Facture
a demandé à Stéphane Drapeau, un
expert indépendant, d'inspecter la Cartonnerie :
«À
mon sens, peu importe que le bâtiment soit neuf ou de type
rénové, il reste qu'on a vendu le bâtiment. On ne
devrait pas normalement, dans un court laps de temps, être
obligé d'apporter des travaux de rénovation ou de correction
du moins», souligne M. Drapeau.
L'expert
considère le problème au parement extérieur sérieux
et la proposition des trois architectes justifiée, voire
minimale : «À moyen terme, on aura de la moisissure
qui risque de s'accumuler et à long terme, le parement risque
de se décoller, ça c'est certain».
L'expert
détecte un autre problème : un mur bouge et doit
donc
être solidifié : «L'entrepreneur
devrait donner suite à ça rapidement», estime
M. Drapeau.
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Le promoteur...
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Reconnaît l'existence des problèmes, mais insiste pour qu'ils
se règlent de façon économique.
·
Éprouve des difficultés financières. Sa compagnie vient
de s'entendre avec ses créanciers après s'être placée sous la
protection de la Loi sur la Faillite. Une loi que le promoteur
connaît puisqu'il a déclaré trois fois faillite depuis 1987.
La Ville
de Québec...
Décline toute
responsabilité quant à la qualité des rénovations : «Ce
sont des rapports privés, déjà prévus par la loi en vertu du Code
civil. On n'agit pas comme maître d'œuvre dans ces dossiers-là»,
indique Sonia Ratté, directrice aux Permis et Programmes,
Ville de Québec.
La
conclusion...
Les artistes
de la Cartonnerie ont décidé d'intenter une poursuite contre les
responsables du projet. Jusqu'à maintenant, ils ont dépensé près
de
50 000 $ en frais d'expertises, de dédommagement et d'avocat.
Pendant ce
temps, le promoteur continue de rénover et de construire des immeubles.
La Ville de Québec, qui a versé près de 4 000 000 $ en subventions
dans ses différents projets, dit qu'elle le surveillera de plus
près.
Journaliste
: Maxime Poiré
Réalisateur : Mario Hinse