Émission 184

Mardi 27 février 2001


Investissements sur antiquités :
des dépôts qui disparaissent...

Le cas...

Un homme décide d'investir dans une compagnie par le biais de mise de côté sur des antiquités. Le principe est simple : l'investisseur fait un dépôt sur un meuble que la compagnie se réserve le droit de vendre pour une période de 120 jours. Si le meuble est vendu, l'investisseur récupère le montant de son dépôt plus un pourcentage compensatoire de 20 %.

Monsieur fait un dépôt sur un meuble de 500 $. Quelques jours plus tard, l'antiquité est vendue et l'investisseur reçoit son chèque comme prévu.

Le représentant lui propose ensuite d'investir beaucoup plus d'argent. Monsieur investit 6 200$ en l'espace d'une semaine. À partir de ce moment, les chèques ne rentrent plus.

Chaque semaine, l'investiseur appelle la compagnie pour savoir si ses meubles ont été vendus. Un premier meuble est vendu en janvier. Le reste des antiquités est finalement vendu huit mois plus tard à un acheteur de Boston. Monsieur s'attend à recevoir la balance de son investissement plus 20 %, soit près de 7 000 $. Mais il ne reçoit rien du tout.

Deux mois passent et l'investisseur reste sans nouvelle de la compagnie.

Ce que La Facture a découvert...

· La Facture a repéré le magasin de la compagnie à Laval : il est vide. Et le centre de liquidation de Piedmont aussi. C'est à Mirabel que nous retrouvons l'entreprise derrière des portes closes.

· L'investisseur de notre histoire n'est pas le seul client frustré de cette compagnie. La Facture en a retrouvé six, tous des entrepreneurs qui vivent en région, loin des locaux de la compagnie. Ils ont tous vécu à peu près la même histoire et réclament qu'on leur remette leur investissement. Au total, plus de 50 000 $.

· Ces clients ont préféré ne pas témoigner à la caméra mais certains d'entre eux nous ont fait parvenir leurs documents. En comparant ceux-ci, nous découvrons que plusieurs meubles ont peut-être été vendus deux fois.

· Le «présumé propriétaire» de l'entreprise a refusé de répondre à nos question. Quant à son avocat, il admet que les affaires de son client sont désorganisées et que lui-même n'y ferait pas d'investissement.

· L'investisseur apprend finalement que les meubles n'ont jamais été vendus à Boston. Peu de temps après, les antiquités sont livrées à la résidence de l'investisseur. On lui livre même un meuble qu'il n'a jamais payé mais qu'il a tout de même réclamé.

· L'équipe de La Facture a finalement retrouvé le «présumé propriétaire» Surprise : il s'agit d'un des hommes qui était allé livrer les meubles chez l'investisseur! Il s'était alors présenté sous une fausse identité.

La conclusion...

Nous avons appris que quatre poursuites ont été intentées contre cette compagnie par des gens qui ont vécu sensiblement la même chose que l'investisseur de notre histoire.

Dans un cas, l'entreprise a été condamnée à rembourser les 14 000 $ acquis d'un investisseur. Dans un autre, qui s'est réglé hors cour, l'investisseur a récupéré ses biens d'une valeur de 26 000 $. Aux dernières nouvelles, les deux autres causes étaient toujours devant les tribunaux.


Journaliste : Madeleine Roy

Réalisateur : Alain Abel

 

Des ateliers d'artistes subventionnés

Le quartier St-Roch à Québec a bien changé. Il y a quelques années, la ville a décidé de créer un programme de subventions pour revitaliser le secteur. Un des volets de ce programme sert à aider les artistes à acquérir leur propre atelier-condo à peu de frais dans de vieux édifices rénovés. Un rêve qui devient réalité pour les artistes, jusqu'au jour où celui-ci tourne au cauchemar…

Le cas...

Un vingtaine d'artistes décident d'acheter des ateliers en copropriété. Il est prévu que le vieil édifice sera rénové. Le projet devient «La copropriété de la Cartonnerie».

Les ateliers rénovés se vendent entre 26 et 52 000 $ et chaque artiste obtient une aide de la Ville. Au total, la Ville de Québec octroie 325 500 $ en subventions à l'acquisition et à la rénovation du projet.

Les artistes prennent possession de leur atelier à l'été 97. Neuf mois plus tard, des problèmes surgissent : au sous-sol, l'eau s'infiltre au travers des fondations. Résultat : la moisissure envahit les murs et la base des colonnes de soutien commence à pourrir.

La Ville de Québec passe alors de subventionneur à médiateur entre les artistes qui s'inquiètent et le promoteur du projet. Les artistes doivent alors recourir à des services d'experts à leur frais, afin de prouver la nature des problèmes. Il devront finalement attendre deux ans et demi avant la fin des réparations au sous-sol.

Entre temps, d'autres problèmes surgissent. Le pire est celui du parement extérieur, qui se met à fissurer.

Trois architectes (un engagé par les artistes; un autre par le promoteur du projet et un dernier, mandaté par le Fonds d'assurance de la responsabilité professionnelle de l'Ordre des architectes du Québec) élaborent la solution suivante : découper un périmètre autour de chacune des fenêtres, installer des membranes puis refaire une partie du parement.

L'architecte engagé par les artistes évalue à 202 400 $ le coût minimal des réparations. Mais ni le promoteur, ni le Fonds des architectes, ne semblent prêts à payer cette somme. Le promoteur se dit prêt à régler le problème, mais à un coût beaucoup moins cher.

Ce que La Facture a découvert...

La Ville de Québec et le promoteur tiennent un discours semblable : «Dans un projet de recyclage, les gens achètent une unité de condominium à bas prix, alors ce n'est pas une voiture neuve, c'est une voiture usagée dans la plupart de ses composantes. Et sans porter de jugements sur les exigences manifestées par les différents propriétaires, peut-être que certains pensent qu'ils ont droit à la même qualité que dans une construction neuve», indique Réal Charest, à la Ville de Québec.

«J'ai pas construit une Cadillac, j'ai fait un Volkswagen : alors quand on le répare il faut le réparer avec des pièces de Volks pas avec des pièces de Cadillac», estime le promoteur.

Les artistes en demandent-ils trop? Pour le savoir, La Facture a demandé à Stéphane Drapeau, un
expert indépendant, d'inspecter la Cartonnerie
:

«À mon sens, peu importe que le bâtiment soit neuf ou de type rénové, il reste qu'on a vendu le bâtiment. On ne devrait pas normalement, dans un court laps de temps, être obligé d'apporter des travaux de rénovation ou de correction du moins», souligne M. Drapeau.

L'expert considère le problème au parement extérieur sérieux et la proposition des trois architectes justifiée, voire minimale : «À moyen terme, on aura de la moisissure qui risque de s'accumuler et à long terme, le parement risque de se décoller, ça c'est certain».

L'expert détecte un autre problème : un mur bouge et doit donc être solidifié : «L'entrepreneur devrait donner suite à ça rapidement», estime M. Drapeau.







Le promoteur...

· Reconnaît l'existence des problèmes, mais insiste pour qu'ils se règlent de façon économique.

· Éprouve des difficultés financières. Sa compagnie vient de s'entendre avec ses créanciers après s'être placée sous la protection de la Loi sur la Faillite. Une loi que le promoteur connaît puisqu'il a déclaré trois fois faillite depuis 1987.

La Ville de Québec...

Décline toute responsabilité quant à la qualité des rénovations : «Ce sont des rapports privés, déjà prévus par la loi en vertu du Code civil. On n'agit pas comme maître d'œuvre dans ces dossiers-là», indique Sonia Ratté, directrice aux Permis et Programmes, Ville de Québec.

La conclusion...

Les artistes de la Cartonnerie ont décidé d'intenter une poursuite contre les responsables du projet. Jusqu'à maintenant, ils ont dépensé près de
50 000 $ en frais d'expertises, de dédommagement et d'avocat.

Pendant ce temps, le promoteur continue de rénover et de construire des immeubles. La Ville de Québec, qui a versé près de 4 000 000 $ en subventions dans ses différents projets, dit qu'elle le surveillera de plus près.

Journaliste : Maxime Poiré
Réalisateur : Mario Hinse

 

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