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370 interventions policières depuis 4 ans au 33, rue Bowen Sud, à Sherbrooke

Un gros trou dans un mur. Un plancher sale. Des marques sur une porte d'appartement.

Les méfaits sont nombreux dans cet immeuble à logements du centre-ville de Sherbrooke. Aussitôt réparés, les murs troués refont leur apparition.

Photo : Radio-Canada / Marie Eve Lacas

« On en a tellement parlé et étant donné qu’il n’y a rien qui bouge, on n’y croit même plus que ça va changer », témoigne, émotif, un locataire du 33, rue Bowen Sud, au centre-ville de Sherbrooke. S’il accepte de raconter ce qu’il se passe dans cet immeuble à logement, c’est de façon confidentielle parce qu’il a peur. Peur d’être harcelé. Peur d’être victime de représailles. S’il pensait y vieillir en toute tranquillité, la lourde réalité est toute autre.

Car depuis 2020, le Service de police de Sherbrooke (SPS) y a multiplié les interventions, entre autres pour des menaces, des introductions par effraction, du désordre, des bagarres et des méfaits. Les 155 plaintes que les résidents de l’immeuble ont fait, qui est géré par l’Office municipal d’habitation (OMH) de Sherbrooke, ne sont que la pointe de l’iceberg.

Des données obtenues par Radio-Canada par la Loi d'accès à l'information montrent qu'en quatre ans, la Ville de Sherbrooke a compilé environ 370 cartes d’appels, 120 rapports d’événements et 250 constats d’infraction pour l’adresse mentionnée. L'année 2023 a été particulièrement intense pour les policiers qui se sont déplacés autant de fois que le total des trois années précédentes.

L'inspecteur du SPS, Patrick Roy, confirme que le téléphone sonne souvent pour divers problèmes qui surviennent à cet endroit. Effectivement, on a un certain nombre d’appels à cet endroit-là. Il faut les prendre au sérieux. Le sentiment de sécurité de nos citoyens est important.

Un policier cadre habillé de blanc.

« Je crois beaucoup en la cohabitation, la prévention, l'encadrement, travailler ces enjeux avec les partenaires. On s'en fait un défi organisationnel pour tenter de régler ces problèmes », assure l'inspecteur au Service de police de Sherbrooke, Patrick Roy.

Photo : Radio-Canada

Il tempère toutefois les inquiétudes.

On a 35 000 appels et déplacements par année à la ville de Sherbrooke. De dire que cet endroit-là représente un enjeu, possiblement, mais est-ce que c’est dangereux? Non!

Une citation de Patrick Roy, inspecteur au Service de police de Sherbrooke

Néanmoins, des locataires ébranlés ont témoigné à de multiples reprises de leur sentiment d’insécurité dans les aires communes de l’immeuble. Je suis très triste. Je suis découragé. Ça fait quatre, cinq ans que c’est comme ça. Rien ne se passe, confie l’un d'eux. La vente de stupéfiants, le flânage, les bris et l’intimidation sont monnaie courante, selon plusieurs personnes rencontrées.

Un budget d’urgence de 25 000 $ a d’ailleurs été octroyé par la Ville de Sherbrooke, juste avant la période des Fêtes pour sécuriser l’endroit. Entre autres, un gardien de sécurité a été engagé pendant deux semaines pour couvrir les vacances du personnel de l’OMH. C’est aussi à ce moment qu’un rapport sur les enjeux de sécurité a été commandé.

Un mur d'un immeuble à logement avec un grafiti. Au sol, il y a un sac de poubelles.

Entre les nombreux graffitis faits sur les murs, il n'est pas rare de trouver des sacs à poubelle remplis de déchets.

Photo : Radio-Canada / Marie Eve Lacas

L’OMH doit agir

En janvier dernier, la directrice générale de l’OMH, Marie-Claude Bégin, reconnaissait que la situation la préoccupait et qu’elle voulait qu’elle se résorbe. On a beaucoup d’individus qui ont des comportements indésirables dans les aires communes. On parle, entre autres, de vandalisme. Présentement, on a un système de caméras qui nous permet de couvrir plusieurs angles de vue pour pouvoir voir les méfaits qui se passent et pouvoir intervenir, expliquait-elle.

Après des signalements de vols dans des appartements, l’OMH a aussi changé toutes les serrures de l'immeuble. À présent, la gestion des clés, qui ne sont pas reproductibles, est mieux encadrée, selon Mme Bégin. Mais les problèmes sont encore bien présents, disent des locataires. Étant donné que la clientèle qui est assez hot, même si les serrures ont été changées, les gens se passent les clés ou les perdent. Et quand ils les perdent, l’OMH les remplace. Ça revient comme si c’étaient des clés ordinaires, confie l’un d'eux.

De nouvelles mesures de sécurité bientôt en place

Les conclusions du rapport des experts ont été partagées avec le conseil d'administration de l’OMH jeudi dernier. Plusieurs actions seront mises en place dans les prochaines semaines pour sécuriser les lieux.

Une femme devant un immeuble

La présidente de l'OMH, Joanie Bellerose assure que les doléances des locataires sont prises au sérieux.

Photo : Radio-Canada

La présidente de l’OMH et la conseillère municipale à la Ville de Sherbrooke, Joanie Bellerose, réitère que la situation n’est pas prise à la légère. C’est une situation préoccupante et coûteuse qui est à l’ordre du jour. Il n’y a pas de temps mort, explique-t-elle.

Par exemple, des aspects de sécurisation ont été faits à la porte arrière et une benne protectrice a été ajoutée. Aussi de la sensibilisation aux locataires pour leur dire que c’est important qu’ils n’ouvrent pas la porte à n’importe qui. Seulement à leurs visiteurs. Le va-et-vient, on veut éviter ça. On le faisait déjà depuis trois ans, mais on va le faire plus intensément dans les prochains jours avec notre soutien communautaire, ajoute Mme Bellerose.

L'adresse 33 sur le mur.

Le 33, rue Bowen Sud est géré par l'Office municipal d'habitation de Sherbrooke. Au total, il compte 58 appartements.

Photo : Radio-Canada / Eric Carbonneau

Par ailleurs, le SPS a désormais accès aux caméras de surveillance de l’endroit, en plus d’avoir les clés du bâtiment. On veut qu’ils puissent faire des rondes ponctuelles, quand ils ont un moment, et à différentes heures du jour et de la nuit pour voir l’état de la situation sans attendre de recevoir des plaintes, ajoute la conseillère.

Des actions sont déjà posées, confirme l’inspecteur au SPS, Patrick Roy qui soutient que la présence policière a été augmentée depuis plusieurs mois dans le secteur.

On a été déposer, à l’intérieur, des accroche-porte avec des conseils sur quoi faire et de sécurité pour les rassurer. Avec les partenaires, il y a d’autres choses qui s’en viennent.

Une citation de Patrick Roy, inspecteur au Service de police de Sherbrooke

Des résidents à bout de nerfs

Le loquet d'une porte d'immeuble brisée.

La porte d'entrée de l'immeuble a été abîmée la semaine dernière, ce qui permettait à n'importe qui d'entrer.

Photo : Radio-Canada / Marie Eve Lacas

Corriger la situation : c’est le plus grand rêve de plusieurs locataires. Ils déplorent le vieillissement prématuré de l’immeuble de 58 logements, construit en 2012. Murs troués, graffitis, mégots de cigarettes au sol sont au nombre des marques du passage des malfaiteurs. Lors de notre passage, on a vu une tache dans l’ascenseur, apparue pendant la nuit, qui pouvait ressembler à de l’urine. Aussi, une forte odeur de cannabis flottait dans l'air.

Encore mercredi, l’équipe de maintenance a dû venir réparer les portes de l’immeuble. Elles venaient d’être remises en état lundi. Des personnes les ont bloquées pour donner accès [à l’intérieur] sans clé. C’est toujours à refaire.

Une citation de Un locataire du 33, rue Bowen Sud

Ce dernier avoue être à bout d'idée pour venir à bout du désordre qui y règne. Je ne sais pas moi-même ce qui pourrait être fait, ajoute-t-il, découragé. Un concierge en tout temps, un gardien de sécurité?

Loin de la mixité sociale souhaitée

Des locataires rappellent que leur immeuble devrait être un exemple de mixité sociale, comme le prévoit le modèle de l’OMH. On préconise toujours ça. On voit la réalité du monde, c’est très agréable. Les gens en général sont gentils, mais il y a tellement de problèmes dans cet édifice-là qu’en ce moment, ce n’est pas possible, raconte l’un d’eux.

Des dessins faits au stylo sur un mur blanc

Rares sont les endroits où il n'y a pas de dommages faits au 33, rue Bowen Sud.

Photo : Radio-Canada / Marie Eve Lacas

La situation actuelle les attriste. On est dans un immeuble de toute beauté, une tour d’habitation tout équipée, pour différents revenus et même pour les personnes en perte d’autonomie. On est à proximité de tous les services. On peut partir à pied. Il y a la piste cyclable, le centre-ville, l’épicerie. L'hôpital n'est pas loin pour les gens qui vieillissent. C’est magique comme endroit. Il faut des actions.

Un cadre du Service de police de Sherbrooke a été détaché pour se pencher, avec les partenaires, sur ce dossier. On va faire tout notre possible pour les rassurer avec la direction générale de la Ville et l’OMH. [On veut] aider les gens à retrouver leur sentiment de sécurité s’ils l’ont perdu, martèle Patrick Roy.

Problème connu à l’échelle provinciale

Les problèmes récurrents vécus par les locataires de l'endroit font écho plus loin qu'à Sherbrooke. Si le cabinet de la ministre de l'Habitation du Québec, France-Élaine Duranceau n'a pas voulu répondre à nos questions, la Société québécoise d'habitation est au courant que des mesures doivent être mises en place au 33, rue Bowen Sud pour que les locataires de cet immeuble puissent bénéficier d’un sentiment de sécurité optimal.

Nous suivons cette situation de près et continuons à travailler en collaboration avec l’Office, qui est déjà en lien avec plusieurs partenaires sur le terrain pour corriger la situation.

Une citation de Société d’habitation du Québec
Une pipe en verre servant à fumer du crack.

Lors du passage de Radio-Canada en 2023, du matériel de consommation de drogue peut être trouvé sur le plancher devant la porte d'entrée de l'immeuble.

Photo : Radio-Canada / Marie-Claude Lyonnais

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