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AnalyseAdrian Newey, « le magicien » que Ferrari attend

Une homme, concentré, avec des écouteurs et une casquette de baseball sur la tête, regarde son cahier de notes.

Adrian Newey dans le garage de Red Bull

Photo : Getty Images / Mark Thompson

Son nom ne vous dit peut-être rien, mais il est en ce moment l’homme le plus convoité dans le paddock en F1. En tout cas autant que les pilotes disponibles pour la saison 2025.

Adrian Newey est un ingénieur aérodynamicien britannique de 65 ans qui roule sa bosse en F1 depuis 30 ans. Il a eu beaucoup de succès dans son métier de concepteur pour plusieurs équipes. Il a à son palmarès 12 titres des constructeurs avec 3 équipes et 13 titres individuels avec 7 pilotes.

C'est lui qui a dessiné la Williams FW19 avec laquelle Jacques Villeneuve a gagné son titre mondial en 1997.

Une monoplace freine à l'approche d'un virage, son disque de frein avant gauche devient incandescent.

Jacques Villeneuve en 1997

Photo : Reuters / Action Images/Brandon Malone

La victoire de Max Verstappen à Montréal en 2023 au volant de la RB19 était la 200e victoire d'une F1 conçue par Adrian Newey.

L'ingénieur s’est fait connaître avec March (Leyton House en 1990, avec notamment la retentissante 2e place d'Ivan Capelli au Grand Prix de France), puis a dessiné des voitures gagnantes pour Williams dans les années 1990, pour McLaren pendant huit ans jusqu’en 2005 et depuis 2006 pour Red Bull.

Son rôle a évolué à Red Bull. Il a d’abord été le directeur technique de l’équipe et a été à l’origine des succès de Sebastian Vettel, avec ses quatre titres d'affilée de 2010 à 2013.

La dernière F1 qu’il a créée sur sa grande planche à dessin (il est de la vieille école), c’est la RB11 de la saison 2015.

Un homme gaucher, en chemise, de profil, dessine avec un crayon.

Adrian Newey travaille sur sa grande planche à dessin dans son bureau.

Photo : Red Bull Racing

Il a ensuite laissé sa place de directeur technique et occupe aujourd’hui un rôle de consultant. Il travaille davantage à la conceptualisation des monoplaces et laissant le travail de développement à l’ingénieur français Pierre Waché, directeur technique de l’équipe depuis 2018. Newey et Waché sont donc les artisans du retour de Red Bull au premier plan avec la RB16B de Max Verstappen en 2021.

Mais voilà, Adrian Newey a besoin d’un environnement sain pour travailler. Il a besoin d’un certain calme professionnel pour mener à bien sa mission, comprendre les nouveaux règlements et les interpréter au mieux, sans jamais les contourner.

Or, les jeux de coulisse chez Red Bull, la guerre de pouvoir entre les deux familles d’actionnaires et l’affaire des gestes présumément inappropriés du patron de l’équipe Christian Horner rendent l’ambiance lourde, voire invivable.

Un homme en chemise commanditée et casque d'écoute dans le cou regarde devant lui.

Christian Horner, directeur de l'équipe Red Bull Racing

Photo : afp via getty images / GIUSEPPE CACACE

La semaine dernière, plusieurs médias sérieux qui suivent la F1, dont la BBC, ont affirmé qu’Adrian Newey avait l’intention de quitter Red Bull.

Il a reçu des offres d’Aston Martin, de Ferrari et de Mercedes-Benz. Déjà, en 1996 et 2014, il avait refusé des offres de Ferrari. Si, en 1996, c’est sa méconnaissance de l’Italie qui l’avait rendu méfiant, en 2015, c’est son lien familial avec Red Bull qui l’a convaincu de refuser l’offre pourtant incroyable.

Je ne voulais pas quitter Red Bull parce que je m’y sentais chez moi et que je m'étais engagé depuis le début avec Christian [Horner], a-t-il dit au réseau britannique Sky.

Je ne voulais pas renoncer à cela, mais Ferrari m’avait fait une offre incroyable. On voulait me confier l’ensemble des activités de Ferrari, les voitures de route et les voitures de course. On me promettait un style de vie digne d’une vedette de cinéma et on m’a fait une offre financière ahurissante : le double du salaire déjà généreux que je recevais de Red Bull.

Pourtant, Newey, fidèle en amitié, a été guidé par ses valeurs et a décliné l’offre.

Un homme en casquette tient un plateau contenant des verres.

Adrian Newey sert des boissons au personnel de l'équipe Red Bull pendant l'interruption d'une course en 2022.

Photo : Getty Images / Dan Istitene

On dit qu’aujourd’hui, Red Bull le paie 10 millions de livres par année, soit 17 millions de dollars canadiens. Il a en 2023 signé une prolongation de contrat, mais avec des clauses de départ.

Il aurait signifié à Red Bull que les conditions de travail ne sont plus optimales depuis que l’affaire impliquant Christian Horner a éclaté le 5 février.

Le Britannique se défend de tout geste inapproprié envers une collègue de travail (une enquête interne l'a blanchi) et cette personne, suspendue par l’entreprise, se bat pour récupérer son emploi. Cette affaire a entraîné une guerre de pouvoir entre les actionnaires thaïlandais (le fils du cofondateur de l’empire) et autrichiens (les héritiers de l’autre cofondateur de l’empire).

Le clan autrichien veut se débarrasser de Horner, le clan thaïlandais veut le maintenir en place jusqu’à la fin de la saison et, après, lui donner d’autres responsabilités dans l’entreprise.

Max Verstappen et son père Jos ont choisi leur camp, celui des Autrichiens. Ce qui fait que Max envisagerait de quitter Red Bull malgré un contrat le liant jusqu’à la fin de 2028, mais il bénéficie aussi de clauses de départ. A-t-il vraiment l’intention de quitter l'équipe qui continue grâce à lui, malgré toutes les distractions, à accumuler les victoires? Est-ce une tactique du clan Verstappen pour inciter Red Bull à faire le ménage?

Les jeux de coulisse sont en ce moment passionnants à suivre, mais assommants pour ceux qui les subissent. C'est le cas d'Adrian Newey.

Il ne se sent plus à son aise. À 65 ans, il n’a pas besoin de vivre ça. Sera-t-il encore fidèle à Christian Horner? Le croit-il coupable de gestes inappropriés? Si oui, il sera tenté de quitter la Grande-Bretagne pour s’installer en Italie. L’ingénieur britannique ne cache pas qu’il regrette de ne pas avoir eu l’occasion de travailler pour Ferrari durant sa carrière qui tire à sa fin.

Les changements de Ferrari

Or, l’arrivée de Frédéric Vasseur à la tête de l’équipe et le ménage qui a suivi ont permis à la Scuderia de revenir à l’avant-scène. L'écurie italienne se bat à nouveau pour la victoire.

Un homme sérieux est assis et a dans les mains des écouteurs. Il regarde au loin, à sa gauche.

Frédéric Vasseur, directeur de l'équipe Ferrari

Photo : Getty Images / ANDREJ ISAKOVIC

La décision de M. Vasseur d’inviter Lewis Hamilton à se joindre à l’écurie en 2025, invitation que le Britannique a acceptée, est une autre pierre à la fondation qu’il tente de bâtir pour rapporter le trophée du championnat des constructeurs à l’usine de Maranello.

Chez Ferrari, l’équipe passe avant les pilotes. C'est la vision du fondateur Enzo Ferrari qui se perpétue.

On sent qu'elle est dans une spirale ascendante, et Adrian Newey pourrait se laisser tenter. L'idée de travailler avec Hamilton le tente aussi.

S'il se joint à Ferrari en 2025, après avoir respecté une pause obligatoire, ou de jardinage comme disent les Britanniques (gardening leave), ce sera pour travailler sur la nouvelle génération des monoplaces prévue en 2026.

En effet, la F1 introduira une nouvelle génération de moteurs, qu’on appelle aujourd’hui des groupes propulseurs, et plus globalement un nouveau règlement technique qui modifiera en profondeur les monoplaces. Elles seront plus petites, plus légères, plus nerveuses (moins d’appui).

Cette nouvelle vision de la F1 impose aux équipes un travail de fond qui a commencé, mais les simulations par ordinateur ne sont pas encore concluantes.

Comme il n’y a plus d’essais privés en piste (interdits par le règlement de la FIA pour limiter les coûts dans le cadre du plafond budgétaire qui était de 138,6 M$ US en 2023), le travail de conceptualisation et d’interprétation du règlement devient essentiel. C’est à cet égard qu’Adrian Newey peut encore apporter son savoir-faire.

C’est pour cela que vous le voyez se promener dans les puits avec son célèbre carnet de notes, toujours à l’affût des nouveautés chez les concurrents.

Un homme à casquette, avec casque d'écoute sur la tête, regarde devant lui dans la ligne des puits avec un grand carnet à la main.

Adrian Newey dans la ligne des puits du Grand Prix de Hongrie avec son célèbre carnet de notes

Photo : Getty Images / Mark Thompson

Si Adrian Newey décide de quitter Red Bull, c’est chez Ferrari qu’il ira.

D’abord parce qu’il réaliserait un vieux rêve. Il peut déménager en Italie maintenant que ses quatre enfants issus de ses deux premiers mariages sont grands et que leur éducation est faite. Il tenait à ce qu'ils soient dans des écoles britanniques. Son plus jeune, Harrison, âgé de 25 ans, est pilote automobile et fait de l’endurance.

Ensuite parce qu’il sait qu’on l’accueillerait pour les bonnes raisons. Les motivations d'Aston Martin, qui lui aurait aussi fait une offre, selon le site motorsport.com, sont moins claires et dépassent peut-être le cadre du sport.

L'offre serait très généreuse, mais on se pose des questions sur les motivations de Lawrence Stroll, actionnaire majoritaire de l’équipe.

On a fait état, il y a déjà quelques semaines, de son plan, véridique ou pas, d’engager Adrian Newey pour augmenter la valeur de l’équipe pour mieux la vendre, plus cher, par la suite.

Un homme barbu regarde vers sa droite et salue.

Lawrence Stroll

Photo : Getty Images / ANDREJ ISAKOVIC

Lawrence Stroll a déjà refusé en 2023 une offre de rachat de son commanditaire en titre, l’entreprise pétrolière publique saoudienne Aramco, évaluée à 800 millions d'euros, soit 1,17 milliard de dollars canadiens.

Aramco, qui détient 21 % des parts de l'équipe, a signé un contrat de cinq ans en décembre 2023 avec l’équipe à titre de commanditaire en titre exclusif.

L’homme d’affaires canadien attendrait une meilleure offre, avec trois belles cartes dans sa manche : il a signé un contrat d’exclusivité avec le motoriste Honda à partir de 2026, il a prolongé le contrat de Fernando Alonso pour au moins deux ans et il fait construire une usine très moderne et tout équipée au bord du circuit de Silverstone.

Lawrence Stroll a vendu une portion minoritaire de l’équipe en novembre 2023 à la société d’investissements américaine Arctos Partners, et il aurait l’intention de refaire le même genre d’exercice.

Bloomberg News Network (BNN) précise qu’il serait prêt à vendre 25 % des parts de l’équipe, selon une source proche du dossier qui a souhaité garder l’anonymat.

Lawrence Stroll serait prêt à améliorer la valorisation de 1 milliard de livres (1,7 M$ CA) de l’accord de novembre dernier visant à vendre une participation minoritaire à la société américaine Arctos Partners, a indiqué la source.

L'arrivée d'Adrian Newey serait une quatrième belle carte dans la manche du Canadien. Voudra-t-il faire une offre à Aramco, fort de toutes ces cartes dans son jeu?

Tous ces mouvements de capitaux ne font rien pour rassurer Adrian Newey. Trop de questions subsistent. Que va devenir l’équipe Aston Martin? Deviendra-t-elle saoudienne dans un avenir rapproché?

Lawrence Stroll s’est voulu rassurant dans un entretien au New York Times le 13 décembre dernier.

Vous ne dépensez pas des centaines de millions, vous ne construisez pas le plus beau campus de la F1 et vous n’engagez pas 400 des meilleurs ingénieurs si vous êtes sur le point de quitter la F1, a-t-il affirmé.

Ce campus à Silverstone est en effet pharaonique. La toute nouvelle usine inaugurée en juillet 2023 est le premier des trois bâtiments à sortir de terre, le prochain sera la soufflerie (dont l’inauguration est prévue en 2025) et le troisième sera un centre multidisciplinaire en lieu et place de l’ancienne usine.

Graphique du nouveau complexe vu de haut.

La future usine de l'équipe Aston Martin

Photo : Aston Martin Racing

Si les dépenses sont réelles, la vision de Lawrence Stroll laisse perplexe. La présence de son fils Lance, inamovible pilote no 2, malgré des résultats en dents de scie depuis sept ans, n’aide pas la crédibilité de l’équipe. Les médias spécialisés se posent de plus en plus de questions sur les réelles ambitions du père.

Peut-il continuer à se priver d’un pilote no 2 capable d’aider Fernando Alonso? Le chemin pour remporter le titre passe obligatoirement par là. Voyant que son fils en arrache à sa huitième saison en F1, aurait-il pris la décision de laisser tomber son ambition de faire de son fils un champion du monde et de vendre l'équipe au meilleur prix possible?

Adrian Newey doit certainement se poser les mêmes questions. C’est pour cela que la piste vers Ferrari semble la plus sérieuse. Il aurait été aperçu à l’aéroport de Bologne (à 45 km de l'usine de Ferrari), si on se fie au magazine allemand Auto Motor und Sport, et il chercherait déjà à acquérir une propriété en Italie.

Pour la presse italienne, la cause est entendue, comme l’a titré le journal La Gazzetta dello Sport le 26 avril : Ecco il Mago (voici le magicien).

Une d'un journal, avec un titre en italien et une image d'une homme à casquette au téléphone.

Le titre de l'édition du 26 avril de la Gazzetta dello Sport : Ecco il mago (voici le magicien)

Photo : Gazzetta dello Sport

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