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Traité sur le plastique : les pays reportent le débat sur la production

Malgré les avancées sur d’autres fronts, les États devront trouver un terrain d’entente sur la question de la production s'ils veulent accoucher d’un traité mondial sur la pollution plastique d'ici la fin de l'année.

L'Équatorien Luis Vayas Valdivieso, président du Comité intergouvernemental de négociation sur la pollution plastique, lors d'une séance plénière.

L'Équatorien Luis Vayas Valdivieso, président du Comité intergouvernemental de négociation sur la pollution plastique, lors d'une séance plénière

Photo : afp via getty images / DAVE CHAN

Après l'échec de la dernière session de négociations à Nairobi, les pays quittent Ottawa avec la promesse de poursuivre le travail d'ici l'ultime séance de pourparlers, fin novembre, qui doit mener à l'adoption d'un traité international sur la pollution par le plastique. Les délégués ont toutefois reporté l'épineuse question de la production qui les divise.

Rien ne garantissait que les États en arrivent à un compromis sur la production de plastique à Ottawa. Mais de nombreux participants au sommet des Nations unies espéraient que les pays arrivent à cheminer dans ce dossier, de façon à préparer le terrain pour le sprint final de négociations qui aura lieu à Busan, en Corée du Sud.

Surtout, il fallait éviter de reproduire le scénario de Nairobi. Lors de la précédente session de pourparlers, au Kenya, l'ébauche du traité d'une trentaine de pages s'était retrouvée gonflée par d’innombrables propositions, dont plusieurs s’appuyant sur des mesures volontaires.

Or, là réside la particularité de ce traité : contrairement à l’Accord de Paris sur les changements climatiques ou au cadre mondial sur la biodiversité de Kunming-Montréal, le texte débattu par les délégués de 176 pays présents à la table se veut juridiquement contraignant.

S’entendre sur la portée du traité et s’assurer de la clarté des énoncés est donc déterminant, sans quoi des observateurs redoutent que les pays se dotent d'un outil inefficace pour endiguer la pollution plastique d'ici 2040. D'autant qu'un ensemble de mesures volontaires viendrait, selon plusieurs, diluer l'effet qu'il pourrait avoir.

L'ennemi plastique

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Des matériaux plastiques recyclables  dans une décharge.

À Ottawa, les délégués sont parvenus à faire progresser le texte [...] en entamant des négociations sur plusieurs éléments, a déclaré le président du Comité intergouvernemental de négociation sur la pollution plastique, l'Équatorien Luis Vayas Valdivieso.

Nous repartons avec une image beaucoup plus claire du travail qu'il reste à accomplir, si nous voulons tenir notre promesse [d'adopter un traité d'ici la fin 2024].

Une citation de Luis Vayas Valdivieso, président du Comité intergouvernemental de négociation sur la pollution plastique

La production évacuée de l'ordre du jour, mais pas du texte

Au terme d'une semaine de débats, les délégués ont convenu, tard dans la nuit de lundi à mardi, de poursuivre le travail cet été en sous-comités. À Nairobi, ces séances avaient été compromises par un bloc de pays réfractaires à une baisse de la production de plastique.

Les discussions porteront sur les moyens de mettre en œuvre ce traité, dont les mécanismes nécessaires à son financement, et sur l'évaluation d'une liste de substances chimiques jugées préoccupantes.

Malgré la demande du Rwanda et du Pérou, appuyée par plusieurs pays, la production et la consommation de plastique ne se retrouvent pas à l'ordre du jour de ce travail entre les séances. Nous sommes profondément déçus que la proposition ignore l'éléphant dans la pièce , a déploré le représentant du Rwanda, lors de la session plénière.

Cet élément demeure néanmoins présent dans l'ébauche du texte et sera donc débattu à Busan.

Les pays du Sud, qui se battent bec et ongles pour un traité solide sur les plastiques, ont été écrasés par la volonté des nations riches.

Une citation de Camila Aguilera, responsable des communications chez GAIA Amérique latine et Caraïbes

Depuis le début des négociations, en 2022, c’est sur ce point que les négociations achoppent. Plusieurs États, dont des pays du Sud, de l'Afrique et des nations insulaires, jugent impératif de s'attaquer à la source du problème pour freiner la consommation de polymères plastiques primaires, qui ont connu une progression vertigineuse depuis les années 1950.

La rencontre à Ottawa a néanmoins été l'occasion de rallier plus de pays dans le camp des États réclamant une réduction de la production, qui sont désormais plus de 50, selon l'alliance GAIA (Global Alliance for Incinerator Alternatives).

Contrairement à Nairobi, l'ébauche du traité a en outre été réduite, et comprend des éléments que les pays du Sud veulent à tout prix conserver, dont la mise en œuvre d'une transition juste.

Les pays du G7 veulent s'attaquer à la production

À Turin, en Italie, les ministres du G7 responsables du climat, de l’énergie et de l’environnement s'apprêtent à s'engager à réduire la production mondiale de polymères primaires afin de mettre fin à la pollution plastique en 2040, selon l'AFP. Une position, à certains égards, plus ferme que ce qui a été défendu par les délégués de certains de ces pays, dont le Canada et les États-Unis, à Ottawa.

Ces pays s'opposent toutefois à un regroupement d'États liés aux intérêts pétrochimiques, notamment l'Iran, l'Arabie saoudite, la Russie, la Chine et Cuba.

Tout au long des pourparlers, ce bloc a minimisé la question de la production, jugeant plutôt prioritaire d’améliorer la gestion des déchets et d’établir le design des plastiques, de sorte d’en limiter les effets néfastes sur l’environnement et de faciliter le recyclage.

Une vague pleine de déchets.

La pollution des océans est particulièrement visible dans certains pays, comme en Thaïlande, où les déchets envahissent des plages.

Photo : Getty Images / AFP/MLADEN ANTONOV

Le leadership du Canada critiqué

À Turin pour une rencontre du G7, le ministre fédéral de l'Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, n'a pas pu participer aux derniers jours du sommet à Ottawa. Mardi, il a réitéré la volonté du Canada à parvenir à un accord final en Corée.

Le ministre y voit l'une des décisions environnementales les plus importantes, à l'image des grands accords de l'ONU pour lutter contre les changements climatiques et l'effondrement de la biodiversité.

Des groupes environnementaux ont toutefois critiqué le leadership du Canada, lui reprochant de ne pas avoir été suffisamment loquace au sein de la coalition pour la haute ambition, dont il fait pourtant partie. Les avancées réalisées au cours de cette avant-dernière session s'avèrent, selon eux, insuffisantes.

Les compromis faits à Ottawa nous éloignent encore plus du traité que la science exige et que la justice réclame, a réagi Graham Forbes, responsable de la campagne mondiale sur les plastiques à Greenpeace USA.

La production de plastique nuit chaque jour aux populations, mais les États écoutent davantage les lobbyistes de l’industrie pétrochimique que les scientifiques spécialistes de la santé.

Une citation de Graham Forbes, responsable de la campagne mondiale sur les plastiques à Greenpeace USA.

Les États-Unis, qui n'ont jamais officiellement pris parti sur la question de la production, sont néanmoins montrés du doigt pour avoir ralenti les discussions.

Même s'ils ont signalé au G7 qu’ils s’engageraient à réduire la production de plastique, ils ont intentionnellement bloqué les efforts visant à y parvenir dans les négociations mondiales les plus pertinentes sur la question, a affirmé Carroll Muffett, présidente du Center for International Environmental Law (CIEL).

Les réticences des uns et l'obstruction des autres sur la question de la production ont tout à voir avec les intérêts financiers de l'industrie du plastique, selon le CIEL.

L'Association canadienne de l’industrie de la chimie, qui représente notamment les multinationales Dow Chemical et Shell Chemicals Canada, a pour sa part salué la tenue des pourparlers entre Ottawa et Busan. Sa vice-présidente, Isabelle Des Chênes, s'est dite pleinement en faveur d’un accord juridiquement contraignant qui maintiendrait la production de plastiques aux avantages essentiels.

L'organisation CIEL a dénombré près de 200 lobbyistes de l'industrie des combustibles fossiles et des produits chimiques inscrits aux négociations à Ottawa.

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