Trop d’offre, moins de ventes : les alcools québécois séduisent moins
En raison d’une baisse généralisée des ventes, la Société des alcools du Québec diminuera le nombre de produits québécois proposés dans ses succursales.
La SAQ va libérer de l'espace sur les tablettes en réduisant le nombre de spiritueux québécois.
Photo : Radio-Canada
Il y aura bientôt moins de produits québécois dans les succursales de la Société des alcools du Québec (SAQ). En réduisant l’offre, la société d’État espère relancer ses ventes, qui sont en forte baisse.
Dans la dernière année, les ventes de vins québécois ont diminué de 5,9 %, selon des données fournies par la SAQ.
La baisse est encore plus marquée du côté des spiritueux. Ceux estampillés Origine Québec
, donc fabriqués entièrement dans la province, sont les plus touchés (-13,3 %), tandis que les achats de spiritueux préparés au Québec avec des ingrédients provenant de l’étranger ont connu une chute de 8,1 % par rapport à la précédente année financière.
Cette diminution des ventes est généralisée à la SAQ, mais n’est pas aussi visible avec les autres produits. En décembre, le monopole d’État a annoncé une baisse générale de 0,6 % (Nouvelle fenêtre) des ventes pour le deuxième trimestre de l’exercice financier.
Globalement, on remarque un certain essoufflement de l’engouement de l’achat local chez nous, et combiné à un contexte économique difficile, on constate malheureusement des performances en décroissance pour certaines catégories de produits du Québec
, assure Anne-Sophie Desroches, porte-parole de la société d’État.
Conscients de cette situation, les vignerons québécois restent prudents.
En ce moment, pour tout ce qui est luxueux, les gens font plus attention.
C’est inquiétant, car une baisse des ventes n’est pas désirable, surtout avec l’augmentation des coûts de production, mais ce n’est pas dramatique
, nuance Sébastien Daoust, propriétaire du vignoble Les Bacchantes, en Montérégie.
Nos ventes ont beaucoup augmenté pendant la pandémie. Il y a eu un engouement pour les produits locaux, dont les vins québécois
, précise Charles-Henri De Coussergues, copropriétaire du vignoble de l’Orpailleur, l’un des plus importants du Québec.
Il y a eu une baisse certaine, mais pas dramatique. Les années COVID étaient exceptionnelles.
Pour l’instant, ajoute-t-il, on vend toujours plus qu’avant la COVID
.
Charles-Henri de Coussergues, copropriétaire du vignoble l’Orpailleur, a constaté une baisse des ventes, mais aussi une baisse de la fréquentation dans son vignoble durant la dernière année.
Photo : Radio-Canada / Fannie Bussières-McNicoll
Néanmoins, admet Sébastien Daoust, il faut qu’on apprenne tous à s’ajuster
.
Est-ce qu’on a une gamme de produits trop variée? Il faut revoir nos stratégies, croit-il. Moi, je préfère maintenant me focaliser sur la production de trois produits seulement, avec un volume intéressant, pour chercher des économies d'échelle.
Exception pour les prêts-à-boire et les bières
Une catégorie fait néanmoins exception. Les prêts-à-boire, les cidres et les bières entièrement produits au Québec s’en sortent mieux. Leurs ventes sont même en augmentation de 5,5 %. Cependant, la valeur totale de ces ventes est nettement inférieure à celle des vins et spiritueux.
Les spiritueux dans la mire de la SAQ
Proposer moins de produits différents, mais en vendre plus, c’est justement l’idée de la SAQ. Notamment concernant les spiritueux, qui ont connu une forte croissance dans les dernières années.
Ces produits ont inondé les tables
, ce qui a rendu le choix plutôt difficile pour les clients
, indique la porte-parole de la société d’État, qui compte retirer à terme
de 150 à 200 produits ayant des difficultés de vente.
Trop de choix tue le choix.
Je ne suis pas surpris. Il faut revenir à un modèle qui est viable pour tout le monde, basé notamment sur la demande des clients
, assure Joël Pelletier, président de l’Union québécoise des microdistilleries (UQMD).
Avec l’augmentation du nombre de produits disponibles, la tarte [des ventes] est séparée en plus petites pointes
, résume-t-il.
On ne tire pas la sonnette d’alarme, mais il faudra voir les produits qui se trouveront sur les tablettes.
Selon ce dernier, qui dirige également la distillerie du St. Laurent à Rimouski, les futurs choix de la SAQ seront déterminants pour l’industrie.
« En ce moment, pour les produits faits au Québec, avec des producteurs qui font la fermentation, l’embouteillage et la commercialisation, les coûts de fabrication sont plus élevés et ça se reflète sur le prix du produit, détaille-t-il. Mais il faudra faire attention à ce que ce ne soit pas seulement les produits québécois qui soient mis de côté. »
Rien n’indique que lorsque l’économie va reprendre, ces produits ne reprendront pas leur envol
, croit-il.
La SAQ et son président Jacques Farcy ont confirmé que certaines bouteilles subiront prochainement une hausse des prix, y compris les produits québécois.
Photo : Radio-Canada / Guillaume Cyr
Des promotions, mais pas d’exemption pour les hausses de prix
Le retrait de ces spiritueux libérera 15 % de l’espace en tablettes
pour des produits davantage recherchés par la clientèle, mais qu’elle n’arrive pas toujours à trouver présentement dans notre réseau de succursales
, avance la SAQ, qui vient de publier son futur plan d’action pour valoriser les produits québécois.
La société d'État mise sur une hausse de ventes des produits québécois de 2 % pour l'année 2024-2025.
Pour y parvenir, elle compte notamment augmenter les dégustations et le nombre de promotions visant les produits Origine Québec
.
Un meilleur placement sur les tablettes est aussi espéré par les vignerons. Si on n’est pas capables d’atteindre nos clients, ça va être difficile, croit Sébastien Daoust. Les dégustations, c’est pertinent pour des produits nouveaux. Mais à un moment donné, nos produits sont connus.
Les producteurs québécois ne pourront cependant pas compter sur une exemption de la SAQ de la prochaine majoration pour les bouteilles vendues à plus de 15 $, qui vise à augmenter la marge et les revenus de la société d’État.
Cette hausse touchera l’ensemble du réseau, confirme le monopole québécois. Nous devons appliquer les règles en vigueur quant à la majoration, dans le respect des accords de commerce internationaux, qui nous obligent à traiter tous nos fournisseurs sur un pied d’égalité, peu importe leur origine
, affirme Anne-Sophie Desroches.
Avec la collaboration d'Aude Garachon