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L’inflation des pourboires

Autrefois réservé au service aux tables et aux livraisons, le pourboire s’invite désormais dans de nombreux commerces de détail alimentaires, a constaté L’épicerie. À tel point qu’on peut se demander si ces pourboires ne servent pas à subventionner les salaires.

Une personne paie par carte à la boulangerie.

Le pourboire est désormais proposé dans de nombreux commerces de détail alimentaires.

Photo : Getty Images / PeopleImages

Un ajout de 10, 12, 15, 18, 20, voire 25 % : le pourboire est désormais proposé à l'achat d'un simple café, d'un pain frais ou d'une viennoiserie. Notamment parce que les terminaux de paiement sans contact sont devenus communs, mais aussi parce que les employés le demandent.

Nicolas Delourmel est copropriétaire de Mamie Clafoutis, une chaîne de boulangeries-pâtisseries de Montréal. Il était plutôt réticent à l’idée d’inciter sa clientèle à laisser du pourboire.

On s'est retrouvé un petit peu dos au mur, en nous disant : "Si vous nous mettez pas de tip, on ne vient pas travailler pour vous", raconte le pâtissier de formation. Il n’y a pas de service réel à table, mais on l'a mis en place avec la COVID à la demande des employés, en fait, ce qui nous a aussi permis d'augmenter les salaires.

De l’aveu même de l’entrepreneur, ces pourboires permettent en effet de bonifier les salaires des employés. C'est à peu près 5 $ ou 6 $ de l'heure et ils peuvent monter jusqu'à 12 $, constate M. Delourmel. Si on me dit : "Vous avez juste à augmenter [les salaires] de 6 $ de l'heure", on n'en serait pas capable.

Nicolas Delourmel, copropriétaire de Mamie Clafoutis, sourit.

Nicolas Delourmel, copropriétaire de Mamie Clafoutis

Photo : Radio-Canada / L'épicerie

Le Québec est la seule province au pays où il existe un salaire au pourboire minimum. Dès le 1er mai, celui-ci sera de 12,60 $ de l’heure, environ 3 $ de moins que le salaire minimum.

Le pourboire est facultatif

Il n'y a pas de loi qui oblige qui que ce soit à laisser du pourboire, rappelle François Pageau, professeur en gestion de la restauration à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ). C'est plutôt une entente qu'on a convenue entre nous.

Il rappelle que le pourboire est d’abord destiné aux employés qui sont payés au salaire au pourboire, selon la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail.

Les seules personnes qui ont le droit d'être payées au salaire minimum avec pourboire sont les serveurs et les livreurs, c'est-à-dire ceux qui vont donner une prestation de service directement aux clients, explique M. Pageau.

François Pageau, professeur en gestion de la restauration à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ)

François Pageau, professeur en gestion de la restauration à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ)

Photo : Radio-Canada / L'épicerie

François Pageau craint que l’extension du pourboire dans des commerces autres que ceux de la restauration ait des répercussions sur les employés.

On est en train d'instituer une manière de faire qui risque de devenir une nouvelle convention et qui va nuire éventuellement à l'industrie, explique M. Pageau.

Selon un sondage d’Angus Reid Forum effectué en ligne du 31 janvier au 2 février 2023 auprès de 1610 répondants adultes, quatre personnes sur cinq estiment que toutes ces sollicitations sont devenues un irritant.

Le reportage de Myriam Fehmiu, Gildas Menu et Éric Barbeau présenté à l'émission «L'épicerie»

Dans les 126 rôtisseries St-Hubert du Québec qui offrent à la fois le service aux tables et les commandes à livrer et à emporter, on a aussi mis en place le pourboire sur les terminaux de paiement. Au comptoir ou à la livraison, les taux varient de 8 % à 12 %.

On veut garder nos employés, explique Richard Scofield, le président du Groupe St-Hubert. Puis je pense que chez les clients, il y a un désir de laisser un peu de reconnaissance à l'employé.

Il laisse la porte ouverte à de futurs changements.

Est-ce que le modèle doit évoluer? Je pense que oui. Est-ce qu'on peut le faire seul? Il y a des restaurants qui vont essayer d'enlever la notion de pourboire, de l'inclure dans la facture, mais la clientèle n'est pas tout à fait là, estime-t-il.

Richard Scofield, président du Groupe St-Hubert, sourit.

Richard Scofield, président du Groupe St-Hubert

Photo : Radio-Canada / L'épicerie

Quelque 60 % des consommateurs souhaiteraient abandonner le pourboire dans les restaurants et passer à un modèle où tout est inclus dans le prix, selon le sondage Angus Reid Forum de 2023.

Les autres gagnants de ce boom des pourboires seraient-ils les entreprises qui gèrent les terminaux de paiement?

Ces gens-là sont rémunérés au volume qui est transigé sur chacun des modules de paiement, explique M. Pageau. Plus on laisse de pourboire, plus ils vont faire d'argent, parce qu'il y a une commission sur les montants qui sont transigés.

Mais les commerçants peuvent facilement changer les pourboires recommandés sur les terminaux. On peut mettre 15, 18, 20 %, mais nous, on voulait absolument l'option de ne pas donner de pourboire, explique Nicolas Delourmel, de Mamie Clafoutis.

La personne qui vient tous les jours chercher son pain ne va pas forcément donner tous les jours du tip, constate M. Delourmel.

Tout le monde doit se rappeler que le pourboire est discrétionnaire, rappelle M. Scofield. Ils ont le choix de dire non.

François Pageau rappelle qu’on peut difficilement se tromper en donnant un pourboire équivalent à 15 % de l’addition avant les taxes.

Si on est satisfait, on en laisse un peu plus. Si on n'est pas satisfait, on peut en laisser moins. On a le droit!

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