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Des anthropologues de Montréal souhaitent restituer 49 dépouilles autochtones anciennes

Vue aérienne de l'Université de Montréal.

Une cinquantaine de dépouilles attendent depuis des décennies dans les armoires de l'Université de Montréal.

Photo : Getty Images / Sébastien St-Jean

Les dépouilles de 49 ancêtres autochtones sont conservées dans des locaux du Département d’anthropologie de l’Université de Montréal (UdeM), toutes exhumées au Québec depuis les années 1970 par des archéologues. Des professeurs du département estiment qu’il est grand temps de les retourner à leurs communautés d’origine, a appris l’émission Les années lumière.

Les restes humains sont contenus dans cinq collections. Ils ont été déterrés dans cinq sites différents au fil des ans. La majorité de ces restes dateraient de 300 à 400 ans. Quelques-uns pourraient être plus anciens encore, jusqu’à 1000 ans dans deux cas, et jusqu’à 3000 ans dans un autre.

Ils sont bien entretenus, bien conservés. Des armoires scellées auxquelles personne n'a accès. Donc, en attendant qu'ils soient éventuellement redonnés aux communautés autochtones, personne n'y touche.

Une citation de Christian Gates St-Pierre, archéologue et professeur au Département d'anthropologie de l'Université de Montréal

Des anthropologues de l’Université de Montréal ont récemment procédé au rapatriement au Mexique d’une dépouille d’enfant autochtone vieille d'environ 2000 ans, qui y était entreposée depuis des décennies.

Les membres de l’équipe qui travaille à ce projet ont cependant constaté l’absence d'un cadre éthique et juridique clair, au Québec et au Canada, pour les accompagner dans ce type d’initiatives.

Dans un tiroir de bois, dans un laboratoire d'anthropologie, se trouve une boîte, sur laquelle apparaissent des inscriptions et un dessin de squelette.

Dans un projet de rapatriement récent, des anthropologues ont remis aux autorités mexicaines une boîte découverte à l’Université de Montréal qui contenait la dépouille ancienne d’un enfant autochtone.

Photo : Carlos Jacome

Christian Gates St-Pierre et ses collègues se butent au même obstacle dans leurs efforts pour restituer les 49 dépouilles qui sont toujours en leur possession. Au pays, à peine quelques universités et musées se sont dotés de politiques en la matière.

Le ministère du Patrimoine canadien confirme qu’il n’y a pas de loi ni de programme national pour les restitutions de ce genre. En réponse à nos questions, le ministère rappelle toutefois que le gouvernement du Canada a publié en 2023 un Plan d’action pour la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

La mesure 98 du Plan d'action [...] est un engagement à co-élaborer une approche globale afin de permettre le rapatriement des biens culturels et des restes ancestraux autochtones, qui comprendra des mesures législatives, des programmes et/ou des services. L’approche adoptée sera éclairée par le processus d’élaboration conjointe et en consultation avec les peuples des Premières Nations, des Inuit et des Métis. Il est trop tôt dans le processus pour dire quelles seront les mesures prises, a indiqué le ministère du Patrimoine canadien dans un courriel.

Une longue attente

Christian Gates St-Pierre ne cache pas son empressement à faire avancer le dossier. Il souligne que ses collègues et lui y travaillent depuis plusieurs années.

Des contacts ont été établis, tant avec les Premières Nations qu’avec la direction de l’Université de Montréal et divers ministères. Mais les choses progressent lentement.

Ça fait exactement sept ans qu'on a initié des premières conversations avec différentes parties prenantes dans ce dossier-là.

Une citation de Christian Gates St-Pierre, archéologue et professeur au Département d'anthropologie de l'Université de Montréal
L'entrée de la section, dans un corridor de l'université.

La section Études autochtones du Département d'anthropologie de l'Université de Montréal.

Photo : Christian Gates St-Pierre

Un défi est de déterminer quelles sont les communautés concernées par chacune des dépouilles, précise-t-il. Ça ne sera pas à nous de déterminer à qui doivent retourner les restes humains [...] On va partager toute l'information à toutes les Premières Nations, à toutes les communautés autochtones au Québec.

Christian Gates St-Pierre souhaite fournir des renseignements tels que le nombre d’individus pour chacun des cinq sites, les circonstances de leurs découvertes, si les restes sont complets ou pas, ainsi qu’une datation la plus précise possible. Il explique qu’il serait difficile scientifiquement d’établir la provenance de chacun de ces restes humains.

Ce sera aux communautés elles-mêmes de décider à qui les restituer, poursuit-il.

L'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL) est une des parties contactées dès le début du processus, il y a sept ans.

Pour nous, la question demeure entière : à qui appartiennent ces sépultures? L'APNQL peut jouer son rôle de ramener cette question à la Table des chefs et de voir de quelle façon celle-ci sera répondue.

Une citation de Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador

Le gouvernement du Québec est une autre instance impliquée dans le dossier, par l’intermédiaire du ministère de la Culture et des Communications (MCC).

Le ministère de la Culture et des Communications est au courant du dossier et échange avec l’Université de Montréal dans ses démarches afin de s’assurer du respect des sépultures et de leurs significations pour les Premières Nations et les Inuit, souligne le cabinet du ministre Mathieu Lacombe.

Christian Gates St-Pierre confirme être en contact avec le MCC.

On est en discussion avec le ministère de la Culture, qui veut aussi aller de l'avant, mais qui a d'autres considérations à tenir en compte, en ce moment, et qui font en sorte que ça n'avance peut-être pas aussi rapidement qu'on le souhaiterait, dit-il. Mais je pense qu’il y a quand même un consensus, là : il faut que ça avance.

Le MCC rappelle que chaque nation autochtone peut avoir ses pratiques et attentes au sujet des sépultures, et qu’il est important d’en tenir compte.

M. Gates St-Pierre en convient. Les anthropologues de l’Université de Montréal voudront que toute démarche de restitution se fasse dans le respect des volontés et conditions de chacune des communautés, dit-il.

Du mouvement tout de même

Même si le dossier ne bouge pas aussi vite que Christian Gates St-Pierre le voudrait, il affiche un certain optimisme.

Il a récemment vu un signe encourageant au sein de son institution.

On a notamment rencontré la haute administration de notre université, qui s'intéresse de près à cette initiative-là, à cette question-là, et qui nous a affirmé son appui assez clair, assez ferme, pour procéder à la restitution des collections de restes humains qui sont chez nous, dit M. Gates St-Pierre. Il ajoute que la direction trouve aussi qu'il serait important de procéder le plus rapidement possible.

Nos équipes sont motivées d’entreprendre les démarches dans le respect de toutes les parties concernées et de prendre le temps nécessaire pour ce faire. Pour le moment, l’UdeM n’a pas de politique institutionnelle en la matière. Nous allons certainement nous pencher sur la question.

Une citation de Geneviève O’Meara, porte-parole de l’Université de Montréal

Ces mots vont sans doute résonner auprès des spécialistes de l’anthropologie à qui nous avons parlé. Plusieurs ont noté que des protocoles ou des balises pourraient leur faciliter les choses.

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